Tout semblait pourtant aller comme sur des roulettes. Il y a quelques semaines encore, le titre de SNC-Lavalin était revenu à son sommet d'avant le dérapage de 2012. Le voilà malheureusement de nouveau au tapis. Peut-il se relever?
Deux choses ont particulièrement pesé sur l'action (de 58$ à 40,94$) au cours des dernières semaines: Jarislowsky Fraser et l'OPEP.
D'abord sur Jarislowsky.
Depuis quelques jours on chuchote sur les marchés que Jarislowsky Fraser, qui était à un certain moment le plus important actionnaire de SNC, a liquidé sa participation.
Si vous êtes abonnés à Bloomberg ou Reuters, vous noterez que la célèbre firme n'apparaît plus sur les terminaux dans la liste des principaux actionnaires de la société.
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Jarislowsky Fraser nous a cependant juré qu'elle détenait toujours une participation importante dans la société d'ingénierie.
L'imbroglio s'explique par le fait qu'au début février 2013, Jarislowsky a abaissé sa participation dans SNC à 9,9% du capital, tombant du coup sous le 10% réglementaire la forçant à déclarer ses transactions sur le titre.
Dans ces situations, les agences de recension ont pour politique d'effacer totalement la participation au bout d'un certain temps (après un an dans le cas de Bloomberg, nous a confirmé le confrère Frédéric Tomesco).
Certains diront qu'il faut faire un acte de foi dans la déclaration de Jarislowsky. C'est vrai, mais il n'y a pas non plus d'indication à l'effet que la firme ait allégé sa position depuis 2013.
Le plus important écueil: l'OPEP et un mauvais synchronisme
Le plus important écueil: l'OPEP et un mauvais synchronisme
Les véritables causes de la glissade résident davantage dans le comportement des ressources naturelles et le plus mauvais des synchronismes avec l'acquisition de l'européenne Kentz, à l'été.
Cette transaction de 2,1 G$ US avait du potentiel à long terme, mais n'était pas sans risques.
C'est 10,4 fois le bénéfice avant intérêts, impôts et amortissement (BAIIA) qu'a payé SNC pour Kentz (8,5 fois en tenant compte des synergies anticipées), alors que ses activités d'ingénierie (en excluant la valeur des concessions) se négociaient à une valeur estimée à peine au-dessus de 5 fois leur propre BAIIA.
Si vous payez quelque chose 10 fois les bénéfices et que le marché décide d'appliquer à ces bénéfices votre multiple de 5 plutôt que celui de 10, vous venez de détruire passablement de valeur.
Le pari de SNC était qu'avec le temps le multiple appliqué à ses propres activités d'ingénierie augmenterait grâce à la croissance de Kentz et à une augmentation de la confiance en l'avenir. Et que l'affaire deviendrait fort payante.
Notons au passage que c'est un pari auquel on croyait personnellement aussi.
Petit problème en cours de route cependant. Près de 16% des revenus de Kentz proviennent du secteur minier, un secteur qui s'est détérioré ces dernières semaines. Surtout, 24% des revenus de Kentz proviennent du secteur du pétrole et gaz. C'est ce qui rendait l'acquisition si intéressante pour SNC, qui cherchait à se doter d'une véritable expertise dans le créneau. C'est aussi ce qui vient maintenant couler son titre.
Avec la décision de l'OPEP de ne pas couper dans sa production, et la culbute du prix du pétrole, des pétrolières commencent à indiquer qu'elles mettent en veilleuse des projets. Non seulement ce n'est pas de nature à faire augmenter les multiples, mais, devant une baisse éventuelle des carnets de commandes, c'est de nature à faire en plus baisser les bénéfices de l'entité dans l'avenir.
En fait, si le pétrole devait rester sous les 70$ pendant un certain temps, la probabilité est présente que SNC doive prendre une importante radiation de valeur sur l'acquisition de Kentz (ce qui voudrait dire qu'on a tiré de l'argent au feu et trop emprunté).
Est-ce que la chose se produira?
On est personnellement assez convaincu que d'ici six mois, les cours pétroliers remonteront autour de 85$ US le baril.
On est moins convaincu que les banques seront cependant à ce moment aussi intéressées que dans le passé à financer des projets d'expansion de production pétrolière. L'OPEP vient de leur envoyer un signal qu'elle a la capacité de faire augmenter significativement le risque qu'elles encourent en finançant de tels projets.
SNC devrait avec le temps se relever de ses difficultés actuelles. Il se pourrait bien cependant que cette fois, elle soit au plancher pour plus longtemps que la dernière fois.
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