Comment le gouvernement peut-il d'un côté promettre des baisses d'impôt, alors qu'à la dernière année de ses projections financières (2018-19), le taux d'endettement du Québec sera plus élevé que ce qui était prévu jusqu'à maintenant?
La question nous taraudait depuis le dernier budget. Carlos Leitao était mardi l'invité de la Chambre de commerce de Montréal, l'occasion de tenter de voir plus clair dans son raisonnement.
Le dernier budget péquiste prévoyait qu'en 2018-19, la dette brute du Québec se situerait à 48,8% du PIB, grâce au versement de tous les surplus budgétaires à venir au Fonds des générations.
Le budget libéral prévoit plutôt qu'à la même date on sera à 50% du PIB. Un niveau plus élevé que ce qui était prévu, principalement parce qu'en cours de route (2017-18) le gouvernement retournera la moitié des surplus en baisses d'impôts (pour annuler la taxe santé).
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L'objectif de la province est depuis longtemps de ramener le ratio dette brute/PIB à 45% en 2026. Il restera donc sept ans pour gagner cinq points de pourcentage, une commande similaire à celle que l'on s'est donnée entre cette année (2014) et 2019.
La difficulté est que sur tout cet horizon de temps (de 2014 à 2026), il n'y a pas de place pour une récession. Or, il est très rare qu'un cycle économique positif s'étende sur une période de 12 ans. Selon le National Bureau of Economic Research, onze cycles économiques ont eu lieu entre 1945 et 2009 et leur moyenne a été d'un peu moins de six ans. Entre 1990 et 2009, les trois cycles ont duré un peu moins de huit ans.
La probabilité est donc assez forte qu'après avoir commencé à retourner de l'argent au contribuable, on frappe une récession et que l'on rate l'objectif de dette de 2026.
Ce que semble voir monsieur Leitao
Ce que semble voir monsieur Leitao
On a demandé à monsieur Leitao s'il était judicieux d'amener des baisses d'impôt dans le cadre budgétaire et s'il ne vaudrait pas mieux courir le plus rapidement possible vers l'atteinte de l'objectif de désendettement. D'autant que tous s'entendent pour dire qu'il est facile de contrôler la croissance des dépenses en santé sur papier, mais que, dans la réalité, la chose est loin d'être gagnée.
Deux choses semblent donner confiance au ministre des finances.
La prévision au cadre financier est pour une croissance du PIB du Québec de 2% en 2015. Il a cependant indiqué que cette prévision était conservatrice et que, compte tenu de la conjoncture américaine, il ne serait pas étonnant de voir le PIB être à 2,1-2,2%. Comme lorsque que l'on compose des intérêts, cette croissance supérieure de l'économie viendrait à la fois augmenter les surplus dans l'avenir, tout comme le dénominateur du PIB sur lequel on pose la dette.
Le second élément qui donne confiance au ministre repose sur un sentiment que le cycle économique en cours pourrait s'étirer sur plusieurs années encore. Il a fait référence à une conférence de Lawrence Summer, donnée lundi à Montréal, où le réputé économiste entrevoyait la possibilité d'une période de faible croissance qui s'étendrait sur une très longue période. Sans accréditer totalement la thèse, monsieur Leitao a dit y être sensible.
Une bonne approche?
Non.
Le ministre des finances aura peut-être raison sur le fond. La croissance pourrait être plus forte que prévu, sur une période plus longue, et l'objectif de dette être atteint tout en ayant baissé les impôts.
Lorsque l'on se targue d'agir avec conservatisme, on devrait cependant le faire jusqu'au bout. Pour parvenir au scénario en vue il faut actuellement gonfler les chiffres, à la fois sur le PIB et sur la durée du cycle économique, tout en prenant pour acquis que les ambitieuses compressions seront au rendez-vous.
On fait de la politique plutôt que de la gestion.
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