BLOGUE. Le jour même où Moody's annonçait qu'elle pourrait décoter plus d'une centaine de banques, il y a quelques jours, les indices boursiers de Wall Street partaient en forte hausse. Et donnent maintenant l'impression de vouloir aller encore plus loin. D'où vient la poussée actuelle du marché ?
Depuis le début de 2012, le S&P 500 est en progression de près de 7 %. Au Canada, le S&P/TSX est en hausse de 4,2 % et en Europe, les variations se situent de 4 % (Londres) à 12,5 % (Allemagne).
Le réflexe est de dire que le marché ne cale pas, parce qu'il anticipait déjà ces décotes.
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Il y a certes de cela. Mais pour que l'humeur se soit améliorée, il faut aussi que des événements soient survenus et aient jeté un peu plus de lumière au bout du tunnel.
D'où vient l'extra de lumière ?
De ce qu'on appellerait... les subventions bancaires.
Au cours des derniers jours de décembre 2011, sous l'impulsion de son nouveau gouverneur Mario Draghi, la Banque centrale européenne annonçait qu'elle allait offrir aux banques un financement exceptionnel à 1 % d'intérêt annuel, échéant dans trois ans. Plus de 500 institutions financières se prévalèrent de l'offre et obtinrent pour 489 millions d'euros (640 M$ CA) de prêts.
En théorie, cet argent devait venir à la rescousse des banques les plus fragiles qui ne parvenaient pas à se refinancer à des coûts raisonnables. Il y avait là en soi de quoi améliorer un peu l'humeur du marché.
Mais il y eut mieux.
À quel taux d'intérêt étaient les obligations italiennes à l'échéance de deux ans lors de l'annonce de l'opération ? Autour de 6 %. À quel taux sont-elles maintenant ? Près de 3 %.
À quel taux d'intérêt se situaient les obligations espagnoles à la même époque ? Non loin de 5 %. Et aujourd'hui ? Non loin de 2,5 %.
On le voit, si certains des capitaux avancés par la Banque européenne ont permis aux banques d'obtenir le financement dont elles avaient grand besoin, une bonne partie de l'argent semble aussi avoir migré vers les dettes souveraines des pays européens où les taux d'intérêt offrent un rendement de quelques points supérieurs au coût d'emprunt. Plus d'acheteurs se sont pointés dans l'espoir d'empocher la différence, ce qui a conduit à la baisse des taux.
Évidemment, tout cela n'est pas sans risque. Cependant, il faut croire que la possibilité d'accéder à des liquidités à faible coût, et d'ainsi augmenter son rendement, accroît la tolérance au risque.
Tout est réglé alors ?
On n'irait pas trop vite en affaires. La baisse des taux d'intérêt aide certes un peu les finances publiques des différents pays de la zone euro, particulièrement les plus faibles, mais le travail à faire n'en demeure pas moins important. Le problème des déficits à juguler va bien au-delà de quelques points de gain au chapitre des taux d'intérêt.
Moment de vendre et de prendre un bénéfice, alors ?
Moment de vendre et de prendre un bénéfice alors?
Ce n'est pas si sûr.
Le mois de mars promet d'être intéressant, alors qu'à l'instar des gouvernements canadiens, plusieurs gouvernements européens devront déposer leurs budgets respectifs. Le spectre de l'arrivée des compressions pourrait bien ternir l'humeur actuelle.
Au même moment (fin février), la Banque européenne doit cependant de nouveau ouvrir son guichet pour d'autres prêts avantageux sur trois ans. Les liquidités dans le système devraient encore une fois s'accroître. Et théoriquement venir en aide à la marche haussière des marchés.
L'un dans l'autre, on ne serait pas étonné de voir la Bourse poursuivre son ascension. D'autant qu'aux États-Unis, rien ne semble s'opposer à la poursuite de la progression de l'économie pendant encore quelques mois.
La Maison-Blanche prévoit que le déficit fédéral sera équivalent à 8,5 % du PIB à la fin de son exercice financier 2012, en septembre. Il y a un an, il était à 8,7 %. Pas trop de danger pour l'économie dans les prochains mois, donc. Peu de compressions ou de hausses d'impôts sont en effet attendues au cours des prochains six mois. Qui plus est, un troisième assouplissement quantitatif n'est pas écarté.
Les données se corseront en 2013
C'est pour septembre 2013 et 2014 que les choses se corsent. L'objectif est de ramener le déficit à 5,5 % du PIB la première année et à 3,9 % la suivante. Même si le PIB avancera, c'est un retrait assez appréciable de liquidités à prévoir.
Bien qu'officiellement notre prédiction annonce un recul des indices boursiers en 2012, en anticipation des troubles de 2013, il a toujours été clair dans notre esprit qu'ils avanceraient pendant une partie du calendrier actuel. Et qu'il n'était pas impossible que l'on soit dans l'erreur de quelques mois avec le pronostic.
On n'ajouterait pas nécessairement aux positions, mais on ne les allégerait pas non plus pour le moment.
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