BLOGUE. La conférence téléphonique d'Astral sur ses résultats financiers n'a pas permis d'en apprendre tellement sur l'état de ses échanges avec Bell. Les deux parties semblent toutefois toujours déterminées à tenter de compléter la transaction. Analyse de leurs dernières cartouches.
« Nous évaluons toutes nos options et on ne commentera pas davantage », a dit, d'entrée de jeu, le président du conseil, André Bureau. Il a plus loin en quelque sorte précisé que les options examinées en priorité étaient celles liées à la transaction avec BCE, lorsqu'il a indiqué que les parties regardaient présentement s'il y avait une façon de la compléter.
Plus on y réfléchit, plus il est difficile de voir comment cette transaction pourra être complétée. Et si elle l'est, Bell sera probablement forcée de prendre dès sa signature une perte significative sur son investissement.
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Voyons-y des plus près.
L'option numéro 1: le cabinet fédéral
L'un des espoirs semble résider dans l'appel de Bell au cabinet fédéral. Elle lui demande d'ordonner au CRTC de revoir la transaction en appliquant correctement les règles de sa politique.
À la lumière des récents commentaires de différents membres du gouvernement conservateur, c'est un espoir qui est en bonne voie d'être déçu.
Cette avenue ne fonctionnera pas.
L'option numéro 2: la Cour fédérale d'appel
Bell peut appeler de la décision du CRTC à la Cour fédérale.
Il serait ici aussi douteux que la chose survienne. À cause des délais et de l'incertitude entourant le recours.
Le CRTC est un tribunal spécialisé et les cours supérieures sont généralement réticentes à intervenir sur l'interprétation des faits à laquelle en arrivent des juridictions spécialisées. La Cour fédérale pourrait estimer que le CRTC s'est trompé dans l'application du droit, mais, contrairement aux prétentions de Bell, c'est loin de couler de source.
Il serait étonnant de voir Astral s'engager dans des délais de plusieurs mois, alors que d'autres acteurs ont, dans les mois précédents, cogné à sa porte. Malgré les bons résultats du dernier trimestre, avec l'économie qui donne des signes de ralentissement, ce ne serait pas l'option la plus sûre pour obtenir le meilleur prix.
L'option 3: l'arrivée d'un partenaire
L'option 3: l'arrivée d'un partenaire
Si elles veulent compléter la transaction d'ici le 15 janvier, date limite actuellement dans l'entente, il faudrait probablement que BCE se trouve un partenaire qui accepterait d'acquérir un certain nombre de chaînes de télévision.
La chose est facile à dire, mais moins simple à faire.
Au Québec, où l'on est à 33% de parts de marché télévisuel, il faudrait vraisemblablement se débarrasser d'au moins 5% de parts pour ne pas trop jouer avec le feu et se mettre à l'abri d'un nouveau refus.
Super écran, avec ses 3,5% de parts pourrait être un bon début. Mais c'est aussi pour Bell un bel actif, avec des revenus pratiquement garantis. En outre, ça semble être la chaîne la plus rentable d'Astral (19,1 M$ de BAIIA la dernière fois qu'on a regardé). Après une OPA, on liquide rarement ses vaches à lait.
Il y a Historia (1,5%) et Série + (4,2%). Liquider ces deux chaînes pourrait être doublement avantageux du fait qu'elles sont détenues à 50% avec Shaw. Elles comptent dans la totalité du calcul du CRTC pour les parts de marché, mais ne donnent accès qu'à 50% de la rentabilité. Malheureusement, il est douteux que Shaw veuille aider BCE à concrétiser cette acquisition en rachetant le 50% qui lui manque. Pour une tierce partie, ne détenir que 50% d'intérêt est beaucoup moins attrayant.
Canal Vie (3%), Canal D (3,7%) et Z (3%) sont pas mal au cœur des activités, et si vraiment BCE veut faire de la production télé et avoir du levier avec cette transaction, elle n'a pas tellement le choix de les conserver.
Il reste Vrak (1,6%), Télétoon (2,4%) et Musimax (0,6%). Musimax ne fait pratiquement pas d'argent, mais sur un déploiement multiplateforme, et avec evenko comme levier, il s'agit probablement d'un actif auquel on tient. Il y a peut-être un délestage envisageable de Vrak et Télétoon, mais notons que ces chaînes sont aussi assez rentables. Même chose si on décidait finalement de sacrifier Z.
Évidemment, si l'on reçoit un juste prix pour la rentabilité dont on devra se priver et que l'on a fortement payé, l'affaire peut demeurer intéressante.
Mais deux problèmes se posent à ce chapitre.
Le premier est de nature structurelle. Les chaînes spécialisées d'Astral n'ont pas de représentant publicitaire unique affecté à chacune et sont souvent vendues par une équipe centralisée. Vendues à la pièce, ces chaînes ont probablement moins de valeur que dans leur ensemble, puisqu'il y a nécessité de leur ajouter des coûts de fonctionnement.
L'autre difficulté est celle-ci: comme peu de concurrents seront sans doute intéressés à ce que la transaction fonctionne, ils ne devraient pas se présenter avec des offres formidables. Quant à ceux qui ne sont pas des concurrents à grande échelle, comme TC Transcontinental ou Torstar, leurs multiples sont relativement faibles, ce qui ne leur permet pas de payer très cher si elles veulent que l'acquisition soit accréditive au bénéfice.
On voit comment le délestage n'est pas facile et est pratiquement assuré d'être accompagné d'une perte financière.
Et l'on ne parle que du côté francophone. Du côté anglophone la part de marché à ramener n'est non pas de 33%, mais de 42,7%. L'exercice semble nettement plus complexe.
C'est pourquoi cette troisième cartouche semble, elle aussi, avoir une assez faible probabilité de succès.
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