BLOGUE. Elles sont condamnées à demeurer ensemble encore pour un bout de temps, mais le chemin de la séparation est finalement tracé pour Québecor et la Caisse de dépôt.
On a eu beau essayer d'en savoir plus, il ne ressort pas clairement de l'histoire qui a pris l'initiative du désengagement. La Caisse parle de discussions amorcées depuis un temps indéfini dans le but de rééquilibrer son portefeuille. Même son chez Québecor, qui indique que les marchés financiers lui étaient propices pour accroitre la création de valeur pour ses actionnaires.
Tout cela est vrai.
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La position de la Caisse dans Québecor Media était encore l'une de ses plus importantes. À la valeur de la transaction (2,75 G$), et en tenant compte des dividendes versés (324 M$), on en était arrivé pas très loin du prix payé en 2001 (3,1 contre 3,2 G$). Un grand pas par rapport aux 426 M$ auxquels la valeur du placement avait été ramenée en 2002. Après une telle avancée, un bon gestionnaire retirera généralement une partie de ses billes.
Il est aussi vrai que pour Québecor le marché des obligations corporatives est favorable. Les opérations d'assouplissement quantitatif en Europe et aux États-Unis font en sorte que les investisseurs sont prêts à prendre plus de risques et migrent en masses vers les obligations corpo, ce qui a pour effet d'y faire descendre les taux d'intérêt. Si l'on croit que nos actifs grimperont en rentabilité dans l'avenir, c'est le moment idéal d'en acheter un plus gros morceau, en se finançant pour pas cher.
Il y a cependant probablement une autre raison à la décision.
Les relations n'ont jamais véritablement été très bonnes entre les deux parties. En 2002, Henri-Paul Rousseau était arrivé chez Pierre Karl Péladeau avec un projet de vente de Vidéotron à Rogers. Une initiative qui n'avait pas du tout été prisée et était venue gâter la sauce.
Sous Michael Sabia (l'ancien patron de la concurrente BCE), rien ne s'était amélioré. Il suffit de voir l'approche journalistique qu'avaient adoptée les médias de Québecor vis-à-vis la Caisse et son président pour s'en rendre compte.
Monsieur Sabia nous avait fait sourire lors du dévoilement des résultats de la Caisse, à l'hiver. Il s'agit maintenant de création de richesse pour nos déposants, avait-il en substance indiqué à propos de l'investissement dans QMI, cachant à peine que, pour le reste, il y avait peu à espérer.
Ce qui agaçait la Caisse devait aussi agacer Québecor.
Bref, pour bien des motifs, il devenait de plus en plus évident qu'une véritable voie d'aiguillage devait être construite.
Sur la route de la sortie
Plusieurs se demandent sans doute pourquoi la Caisse ne sort pas totalement de Québecor Média (sa participation tombe de 45,8% à 26,64%).
Nombre de couples restent ensemble pour l'argent, dit-on. On croit comprendre que la Caisse voit encore un certain potentiel dans QMI et désire bénéficier d'une éventuelle plus-value (on est personnellement encore croyant dans le potentiel).
Cela dit, on ne voit pas trop non plus comment Québecor pouvait de son côté racheter totalement la Caisse. Elle n'en a pas la capacité financière. Sans aller trop dans le détail, le rachat annoncé fait monter l'endettement de QMI à un niveau de 3,7 fois le BAIIA. Ce n'est pas dramatique, mais le ratio grimpera et commencera à être élevé lorsque la société aura participé aux enchères pour un nouveau spectre dans le sans-fil. QMI ne pouvait pas prendre plus de 1 G$ de dette. Pour que la transaction de 1,5 G$ puisse se faire, il a fallu appeler en renfort Quebecor inc., la société mère, qui y va d'un financement de débentures convertibles de 500 M$ (financées par la Caisse). La Caisse finance elle-même les 500 M$ manquants pour sa sortie parce qu'on ne pouvait installer beaucoup d'emprunt supplémentaire chez la société mère, qui ne dispose que du dividende de QMI pour servir sa dette.
La route est cependant tracée pour une sortie totale d'ici 2019, alors que des mécanismes de conversion de débentures ou d'amenée en bourse de QMI sont prévus. Évidemment, une séparation totale n'est pas obligatoire.
La Caisse fait-elle un bon coup?
La Caisse fait-elle un bon coup?
Ça semble en effet assez bien. Au 31 décembre, l'institution évaluait la valeur de son placement à 2,3 G$. Elle est aujourd'hui de 2,75 G$, un gain de près de 20%. C'est un bon prix. On n'irait cependant pas jusqu'à dire qu'avec cette transaction la Caisse met Quebecor dans sa petite poche d'en arrière. Desjardins, la CIBC et la Financière attribuaient une valeur de 2,4 G$ à sa participation, mais Canaccord et TD l'estimaient respectivement à 2,8 et 2,9 G$.
Le 20% de gain devrait en outre aider au rendement de la Caisse en 2012, puisque, comme on l'a vu, le placement est l'un de ses plus importants.
Après 10 ans, que conclure?
Un mot en terminant sur les conséquences de cette transaction pour le Québec.
D'un point de vue financier, ce fut une erreur.
Si la Caisse avait mis son argent dans l'indice TSX, au lieu d'être toujours à perte, le placement aurait livré un rendement de 40%. On savait à l'époque que l'avenir était dans l'Internet, mais on ne savait pas trop de quelle façon. La preuve en est que le plan de match était initialement de vendre la participation dans le sans-fil (Microcell) de même que dans la téléphonie (Vidéotron Telecom), les deux organes de croissance d'aujourd'hui. Bien que dictés par le marché, les multiples que l'on paya à l'époque dans ces circonstances n'étaient pas rationnels.
D'un point de vue social, il y a un peu plus de nuances. On peut en effet se demander ce que serait devenue Vidéotron sous Rogers. Il s'est fait un solide travail de construction chez Vidéotron. On y fait aujourd'hui du développement. À la place d'emplois technologiques et de haut niveau, on aurait assurément eu droit à une rationalisation dans le scénario inverse. Malgré le détachement en cours, l'aventure n'est en outre pas encore terminée. Québecor Média pourrait créer plus de richesse que le marché en général dans les années à venir.
Comme dirait le chanteur: "Et si on se donnait rendez-vous dans 10 ans…".
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