Comment on trouve le budget fédéral? Décevant pour cette année parce que ça sent un peu la triche. Également décevant pour l'année qui vient, parce qu'on déroge à un sain principe de gestion. Intéressant pour les années subséquentes toutefois: la tondeuse a quelques problèmes de couteaux, mais on semble vouloir davantage les affuter.
À Québec on avait donné une note de 7 sur 10 au gouvernement pour son budget. On donnerait 7,5 au budget fédéral. Et on voterait en faveur, même si notre entrain est mitigé.
Officiellement tout va bien, mais ça triche un peu
Officiellement tout va bien. Le déficit pour l'année qui se termine (fin mars) sera de 40,5 G$, près de 5 G$ de moins que ce qui était prévu lors de la mise à jour économique de l'automne.
Essentiellement, l'économie a été beaucoup plus forte que prévu et a fait sonner le tiroir caisse.
Heureuse nouvelle, les dépenses ont aussi été plus faibles qu'anticipé. Oui, vous avez bien lu: les dépenses de programmes ont aussi été plus faibles qu'anticipé: 245,2 G$, comparativement à une attente de 246,6 G $ à l'automne.
Dix sur dix, donc pour 2010-2011?
Hé, hé, hé… Il nous est passé à l'esprit d'aller jeter un œil sur l'exercice 2009-2010 (qui n'était pas fourni), pour découvrir qu'un mois après avoir convoqué les médias à son budget l'an dernier, le gouvernement a raté sa cible de dépenses par 7G$.
-Comment pouvez-vous vous tromper de 7G$ sur vos dépenses à moins d'un mois de la fin de l'exercice?, a-t-on demandé aux fonctionnaires.
Le chat est sorti du sac: les comptables nous ont dit qu'on ne pouvait étaler sur trois ans les paiements d'harmonisation de la TPS avec l'Ontario et la Colombie-Britannique, ça nous a occasionné un imprévu de 5,6 G$ sur cette année-là.
Vu autrement: on a pelleté dans le passé une dépense (que l'on savait que personne ne regarderait plus cette année?), pelletage arrière qui a permis d'alléger les lignes de dépenses de l'avenir.
Bref, la cible de dépenses n'aurait pas été ratée de beaucoup, mais elle aurait tout de même été ratée s'il n'y avait pas eu ce petit jeu comptable.
Pour cette omission de précision, le gouvernement perd des points. Force est cependant de reconnaître que malgré tout, pour cette année, il a réussi à contrôler ses dépenses.
Là où ça se complique
Là où ça se complique
C'est pour l'année à venir que les choses se compliquent.
À la ligne du bas, le déficit devrait être sensiblement le même que ce que l'on anticipait à l'automne. Il sera de 29,6 G$, alors qu'on attendait 29,8 G$. Pas terrible. Il rentre 2,8 G$ de plus que prévu aux revenus et on n'est pratiquement pas capable d'abaisser le déficit sous la prévision?
Le gouvernement fédéral donne à son tour l'impression de ne pas maîtriser ses dépenses. On défonce en effet par 3 G$ la cible des dépenses de programmes.
Ottawa n'a cependant pas perdu la maîtrise de ses coûts. Le dépassement de cible est plutôt attribuable à une série de nouvelles mesures dont nos collègues vous font la présentation dans quelques textes, mais qui ne sont pas, à proprement parler, essentielles dans le contexte déficitaire actuel.
Si à Québec les dépenses du gouvernement semblent en bonne partie grimper pour des motifs de santé, d'éducation et d'identité sociale, à Ottawa, cette année, elles semblent plutôt augmenter pour des considérations davantage attribuables à la situation de l'arène politique (un gouvernement minoritaire menacé de renversement).
On ne devrait pas augmenter les dépenses discrétionnaires comme on le fait avant d'avoir de nouveau atteint l'équilibre budgétaire. C'est un principe élémentaire dont on s'écarte malheureusement, qui fait gonfler le déficit et qui pousse des charges supplémentaires pour l'avenir (en faisant gonfler la dette).
Il fallait rester sur la cible, ç'aurait été 3 G$ de moins à la dette. Bien que l'on comprenne que le contexte ne le rende pas tout à fait libre de ses choix, c'est d'autres points perdus pour le gouvernement.
Restons néanmoins à l'antenne
Restons néanmoins à l'antenne
Les Conservateurs semblent cependant être conscients de l'anomalie et vouloir récupérer ce petit excès de dépenses en compressant davantage la fonction publique.
On entend en fait déjà la tondeuse qui tourne.
À chaque année, le gouvernement se livrait dans le passé à un examen stratégique de 25% de ses ministères, à qui il demandait de compresser leurs dépenses de 5% sur trois ans.
Cette fois, il convoque à une grand-messe de compressions tous ses ministères et leur demande une nouvelle ronde de récupération du même ordre. Même si vous aviez fait l'exercice l'an passé ou l'autre d'avant, il vous faut revenir à la table et ajouter de nouvelles compressions.
Il sera intéressant de voir les résultats de l'exercice. À terme, il pourrait générer 4G$ d'économies annuelles et permettre de recouvrer l'équilibre budgétaire dès 2014-2015 plutôt qu'en 2015-2016.
Si on était fonctionnaire, on commencerait à être préoccupé.
Le volet le plus important de l'exercice vise en effet les dépenses de fonctionnement des ministères, où les salaires représentent 67% des dépenses. Et celles-ci ont grimpé en moyenne de 8,3% par année au cours des cinq derniers exercices, selon le directeur parlementaire du budget.
On voit mal comment ça ne pourra pas être attaqué.
Les fonctionnaires devraient d'ici deux ou trois ans devoir travailler plus (non remplacement des départs) et voir leur salaire sous pression.
Le gouvernement gagne ici des points pour l'effort de récupération. Il faut malheureusement ce qu'il faut.