C'est chaque année notre journée la plus difficile de l'année.
On vous attend avec une brique de documents qui fait six pouces, nombre d'annonces officielles, nombre d'annonces qu'il vous faut vous-même trouver, et des tonnes de chiffres à digérer… Vous avez sept heures pour tout lire, et il vous faut rendre jugement.
Notre note sur le budget Bachand? 7 sur 10.
La grande déception: les dépenses
Le gouvernement ne parvient toujours pas à maîtriser ses coûts.
Officiellement il plaide qu'il a atteint ses objectifs et contrôle ses dépenses. Il visait en effet une récupération de 972 M$ sur deux ans et en a récupéré 1,317 G$.
Malheureusement, ce n'est pas tout à fait ce que l'on entend personnellement par "contrôler ses dépenses".
- En 2009-2010, le gouvernement a défoncé sa cible de dépenses par 810 M$.
- À la mise à jour économique de décembre (ce n'est pas très loin), il était prévu que l'on finirait l'exercice en défonçant de 356 M$. Résultat des courses: au 31 mars on aura défoncé de 758 M$.
- Pour 2011-2012, au terme de l'exercice qui commence le 1er avril, attachez bien votre tuque, on sera de 1,3 G $ au-delà de ce qui était prévu au budget de l'an dernier.
La faute à quoi?
Pour 2011-2012, à une réévaluation actuarielle des régimes de retraites et à plus de créances douteuses chez Revenu Québec. Pour l'année qui s'en vient, les mêmes facteurs, plus des coûts liés à l'équité salariale, une entente avec les responsables des services de garde et pour 279 M$ de dépenses diverses de l'actuel budget.
Attention, on n'est pas en train de dire que le gouvernement a perdu le contrôle. Les dépenses croissent moins vite qu'avant. Mais elles croissent plus vite que ce que l'on nous avait annoncé.
La fin du sauvetage par les revenus
Heureusement que les revenus étaient au rendez-vous l'an dernier et cette année. On a fait en 2010 un déficit de 1,1G$ inférieur à ce qui était prévu (4,3 G$). Et cette année, au 31 mars, il sera inférieur de 306 M$ (4,2 G$).
Malheureusement, toute bonne chose a une fin. Pour l'exercice qui s'en vient, la même recette n'apparaît pas devoir fonctionner. Les revenus ne sauveront pas les meubles et le déficit sera cette fois plus élevé que prévu de 900 M$ (3,8G$).
Au final on est en avance, mais on paresse un peu
Au final, lorsque l'on fait revenus moins dépenses sur la période de trois ans, nous sommes en avance de 500 M$ sur l'échéancier de l'atteinte de l'équilibre fiscal (2014).
Pas si mal, direz-vous.
Vrai. Il y a cependant ici une autre déception.
Québec annonçait qu'il identifierait pour 300 M$ de mesures pour réduire le déficit 2011-2012. Il ne le fait pas et repousse à l'an prochain l'annonce de ces mesures.
Peut-être est-on trop exigeant, mais même si on est en avance sur l'échéancier, pourquoi ne pas avoir amené ces mesures immédiatement ? On aurait poussé moins d'argent à la dette. C'aurait été faire preuve d'encore plus de rigueur. Et un peu moins donné l'impression que, comme le CH, on s'assoit sur notre avance…
Un mot sur la dette
Un mot sur la dette.
Après avoir grimpé de 6,1% cette année, elle grimpera de 5,7% l'an prochain. C'est évidemment trop fort et ça n'aide pas à contenir les dépenses (service de la dette). Idéalement, elle devrait croître à la vitesse de l'inflation. Sinon, on ne reprend jamais le dessus et elle nous envoie des charges plus importantes pour l'avenir.
Évidemment, on est un peu "pogné". Il faut y aller par étape pour juguler le déficit, histoire de ne pas trop surcharger le contribuable et s'assurer que des mesures trop drastiques ne viennent pas enrayer la machine gouvernementale (et ultimement créer plus de coûts).
On pourrait peut-être couper dans les routes, mais dans leur état actuel, ça apparaît difficile.
La croissance de la dette devrait heureusement ralentir avec le retour à l'équilibre budgétaire.
UN MOT SUR QUELQUES MESURES
Le régime des rentes et le régime complémentaire
Le gouvernement recapitalise le Régime des rentes du Québec. En parallèle, il augmente la pénalité actuarielle de ceux qui prennent leur retraite avant 65 ans et bonifie la rente de ceux qui la demanderont après 65 ans. Il instaure enfin un régime complémentaire volontaire pour tous les travailleurs.
Ceux qui voulaient prendre une préretraite grinceront sans doute des dents, mais le but du régime est d'assurer la retraite, pas la préretraite. La bonification de la rente après 65 ans aidera peut-être au PIB du Québec dans l'avenir. Les économistes le voient en effet ralentir en raison de la pyramide démographique.
Quant au régime complémentaire de retraite, dépêchez-vous d'y contribuer si vous n'en avez pas déjà un.
La hausse des frais de scolarité
Québec haussera à compter de 2012 les frais de scolarité de 325$ par année pendant cinq ans. Au total, c'est 1625$ d'augmentation sur la période, ce qui portera les frais annuels à 3 793$ en 2017. Ce sera 30% sous la moyenne des autres universités canadiennes.
Il va nous falloir creuser un peu plus ici. On notera que les recteurs d'universités demandaient 500$ d'augmentation sur trois ans, ce qui devait rapporter 300 M$ récurrents. L'augmentation accordée par le gouvernement sera de 332 M$, mais deux ans plus tard.
Ça apparaît à première vue un peu trop demander, et l'on serait un peu inquiet sur l'impact à long terme de cette décision sur le nombre de nos finissants. Particulièrement dans une situation démographique où l'on risque de manquer de compétences.
Québec instaure par ailleurs un régime de récompenses pour encourager les universités à accentuer leurs efforts auprès des entreprises. Il accotera les augmentations de donations que généreront leurs campagnes de financement. Mais jusqu'à un plafond de 40 M$.
Nos entreprises sont plus pingres qu'ailleurs dans le financement des universités. On peut se demander si on n'aurait pas dû les appeler à cotiser obligatoirement, et à un niveau plus élevé. Après tout, elles sont les premières bénéficiaires d'une main-d'œuvre bien scolarisée.
On y reviendra.
Le Plan nord et le gaz de schiste
Assez favorable au Plan Nord à première vue. D'autant qu'on semble lui arrimer des mécanismes d'autofinancement. L'adoption d'un nouveau régime de redevances sur les gaz de schiste nous a un peu surpris. On ne connaît pas encore trop l'économique de notre sol et nos avantages ou désavantages compétitifs que déjà l'on fixe des montants.
Ça semble un peu prématuré. On y reviendra aussi.
Il est 16h, le jugement est rendu.