BLOGUE. D'ordinaire à une assemblée annuelle, c'est le chef de direction qui reçoit toute l'attention. Le rendez-vous des actionnaires de Rona, ce printemps, n'avait pas fait exception. À sa levée, les journalistes s'étaient immédiatement dirigés vers Robert Dutton.
On avait suivi la confrérie, histoire de ne rien manquer, mais non sans faire un petit crochet du côté du chef de la direction financière. Un chiffre nous manquait, mais une autre question nous taraudait aussi: « Se pourrait-il que vous soyez le futur grand patron de Rona?».
Surpris, Dominique Boies avait répondu par un éclat de rire, en remerciant de la question.
Dans les instants précédant, monsieur Boies avait vraiment fait bonne impression lors de sa présentation du plan de match de Rona (particulièrement pour l'Ontario). Assez pour qu'on voit en lui le dauphin de monsieur Dutton.
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Jeudi, il a encore fait bonne impression, avec le dévoilement des nouvelles priorités stratégiques de l'entreprise.
À 40 ans, cet ancien vice-président principal du placement privé à la Caisse de dépôt, détenteur d'une maîtrise en finances de l'UQAM, pourrait bien effectivement être le prochain chef de direction de Rona.
Rien n'est certain, il se trouve d'autres bonnes candidatures sur le marché. Mais en amenant ce nouveau plan, il vient assurément d'aider sa candidature, et de rendre tout un service à son conseil d'administration.
Le conseil de Rona est sous attaque, alors qu'Invesco, le deuxième plus gros actionnaire de l'entreprise, réclame son remplacement. Certains auraient pu penser que c'est lui qui avait demandé à monsieur Boies et son équipe de préparer un nouveau plan en vue de l'assemblée annuelle du mois de mai (pour bien montrer aux mécontents que l'on sait où l'on va et qu'on ne chôme pas). C'est plutôt l'inverse, le plan a été initié par l'équipe de direction et approuvé par le conseil. D'où le service rendu.
Bon temps pour un nouveau plan?
L'opération peut paraître curieuse alors que le chef de direction permanent n'a pas encore été trouvé. Mais, comme on vient de le voir, à peu près tout le monde a intérêt à ce que les choses bougent immédiatement chez Rona.
Le plan stratégique n'est de toute façon pas très complexe et on voit mal comment un nouveau chef de direction pourrait ne pas être d'accord avec sa mise en place.
Essentiellement, Rona se trouve à annoncer qu'elle va revoir la performance de toutes ses divisions, tout comme ses façons de faire, de manière à les optimiser.
Là où la performance est moyenne et où il n'y a pas d'avantage marqué, il pourrait y avoir délestage. Sans dire que les filiales seraient nécessairement vendues, monsieur Boies a notamment indiqué que l'on étudierait la masse critique de Don Park (une entreprise industrielle spécialisée dans la ventilation) et Noble Trade (un grossiste de produits de plomberie et de chauffage en Ontario).
L'argent tiré d'éventuels désinvestissements sera ensuite réinvesti dans des secteurs qu'on aura identifiés comme étant plus porteurs en termes de rentabilité ou dans des initiatives susceptibles d'améliorer les rendements. Un exemple de réinvestissement pourrait être d'ajouter des cours à bois en régions. Rona détient 30% du marché des entrepreneurs en construction. Elle vend peu de bois à Montréal, mais plus en régions. Ces investissements pourraient à leur tour donner plus d'élan encore aux activités des établissements régionaux.
Il ne s'agit ici que d'exemples, il y a bien plus sur la table, à dit le président par intérim. Sauf le réseau de distribution et les marchands. Les grandes surfaces du Québec devraient rester, c'est moins clair ailleurs.
Combien le plan pourrait-il générer de valeur?
Combien le plan pourrait-il générer de valeur?
Une question à laquelle n'a évidemment pas voulu répondre Dominique Boies.
Quelques repères ont cependant été fournis au cours de l'entretien. À long terme, Rona souhaite voir sa marge bénéficiaire (BAIIA) revenir à 8%, sa moyenne historique. Elle est présentement à 4,7%.
Évidemment, la question est de savoir sur quel niveau de revenus appliquer cette marge. Et ensuite de déterminer le niveau de dette qui pourrait rester après les délestages.
Les revenus devraient normalement baisser, mais la dette aussi, puisqu'il y aura vente d'actifs et que l'on parle d'une distribution éventuelle d'argent aux actionnaires. Histoire de se donner un repère, on présumera que les ventes demeurent à peu près de 4,8 G$ (ce qui est perdu est récupéré ailleurs par un meilleur marketing) et que la dette reste aussi à peu près la même. Une marge qui passerait à 8% dans cette situation placerait l'action entre 17$ et 20$, dépendamment avec quelle force le marché décide de pousser sur les multiples.
Pas si mal pour un titre qui se négocie sous les 10,50$, dîtes-vous.
Il ne faut cependant pas oublier que la réalisation du plan prendrait quelques années. Et que tout ça reste sur papier. Il y a parfois tout un monde entre ce qu'on espère et ce qui se présente.
Si Lowe's devait revenir à la charge avec une offre majorée par rapport à sa proposition initiale à 14,50$, bien peu d'actionnaires refuseraient vraisemblablement de tendre leurs actions.
Rona peut-elle ressusciter?
Elle semble avoir de bonnes chances, mais avec une âme américaine.
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