BLOGUE. Il n'a pas fallu beaucoup de temps avant que les esprits ne s'échauffent. À peine quelques heures après que les bureaux de votes aient fermé, les nouveaux maires de Montréal et Québec étaient déjà en mode friction. Un nouvel affrontement gauche-droite se dessine, qui risque cette fois d'être de surcroît doublé d'un stérile affrontement Québec-Montréal.
En matinée, sur la question des régimes de retraite, Denis Coderre a estimé que Régis Labeaume devrait se calmer et l'a invité à venir prendre un café dans la métropole. Le maire de Québec a répliqué que "le power trip commence de bonne heure", et l'a invité à lui retourner les appels logés.
Il n'en fallait pas plus pour que ça ne commence à discuter sur les réseaux sociaux de la légitimité d'une position et d'une autre, avec bien entendu les sempiternels prismes de la gauche et de la droite. On a même senti à un moment que l'on n'était pas loin d'un nouvel affrontement Québec-Montréal.
C'est vraiment mal parti sur la question des régimes de retraite. Et c'est particulièrement mal parti parce que la très grande majorité des élus municipaux ne maîtrisent pas le dossier et que, pour cette raison, les médias sont généralement sur des sources d'information inadéquates pour rendre compte.
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Essayons donc de rester sur les faits et de voir vers où on se dirige.
Un premier point. Il est temps que l'on arrête de nous parler de ces ententes entre la Ville de Montréal et ses cols bleus, ou encore de cette autre entre la Ville de Saguenay et ses employés. Ces ententes de partage 50-50 (55-45 dans le cas des cols bleus) ne touchent que les déficits futurs et n'ont qu'une pertinence très, très, très, très éloignée dans la discussion en cours.
Ce sont les déficits du passé qui causent problème et qu'il faut régler. Ceux-ci sont actuellement assumés à 100% par les municipalités.
Et ils risquent de passablement gonfler si les recommandations du rapport D'Amours sont implantées. Le rapport recommande en effet d'adopter une nouvelle méthode de calcul du déficit. Baptisée "capitalisation améliorée", cette nouvelle formule a un impact inflationniste sur le manque à gagner. Son conservatisme garantit par contre pratiquement qu'on ne connaîtra plus de problèmes dans l'avenir.
À Montréal, la contribution de la Ville passerait de 510,3 M$ par année à 830 M$ si les employés ne font aucune concession. C'est un bond spectaculaire équivalent à 6,6% du budget. Adieu les hausse de taxes équivalent à l'inflation, dans un tel scénario.
À Québec, la contribution augmenterait aussi très fortement.
Monsieur Labeaume suggère que l'on demande aux employés de contribuer à 50-50 dans l'effacement des déficits du passé.
Que propose Montréal?
La Ville s'est pas mal commise en commission parlementaire au mois d'août. Mais personne n'a réellement compris à ce moment. Dans sa présentation, elle demandait "d'avoir le pouvoir de réduire de façon unilatérale, les prestations de tous les groupes d'employés jusqu'à un maximum de 20% du passif actuariel de capitalisation".
Jargon incompréhensible? Très!
Si on fait les calculs de cette élimination de 20% du passif actuariel (ce que nous avons fait), on réalise cependant qu'au-delà du vocabulaire utilisé, Montréal demande exactement la même chose que Régis Labeaume: un partage 50-50 du déficit passé. Qui, à Montréal du moins, n'aurais pas de réel impact sur la cotisation actuelle de la Ville au régimes de retraite.
La seule différence est que Montréal estime que le gouvernement devrait modifier la formule qui fait enfler le déficit (méthode de la capitalisation améliorée) de manière à ce qu'on étale les sacrifices dans le temps. "Donnez-nous 25 ans pour y arriver d'une façon ou d'une autre au lieu de 15 ans…", a notamment dit la Ville devant la Commission (voir journal des débats).
Qui a raison?
Qui a raison?
Il apparaît que Montréal et Québec sont d'accord sur ce qui doit être enlevé aux employés (ou sur combien d'argent ceux-ci doivent ajouter), mais que Montréal cherche à ce que cela se fasse sur une plus longue période, de manière à limiter le choc pour les employés.
Il serait intéressant de voir ce qu'en pense le maire Labeaume. Des discussions avec la haute-direction de la Ville donnent à penser que celle-ci n'est pas très chaude à la proposition Montréal parce qu'elle aurait pour effet de reporter trop loin sur la génération future le paiement d'avantages pour des salariés d'aujourd'hui. Le maire ne s'est toutefois pas encore exprimé officiellement.
Il serait surtout intéressant d'entendre la position du nouveau maire de Montréal sur la proposition de sa propre Ville. Denis Coderre ne s'est curieusement jamais clairement commis dans le dossier et c'est pourtant un de ses candidats, Michel Bissonnet, qui portait le dossier devant la commission parlementaire. Il est temps pour lui d'indiquer où il loge.
Bien qu'elle soit déficiente au plan de l'équité intergénérationnelle, on penche personnellement davantage pour l'instant vers la proposition Montréal. En l'absence d'un étalement sur 25 ans, la métropole devrait autrement demander aux employés de contribuer demain matin (en contributions supplémentaires et/ou en avantages abandonnés) pour l'équivalent annuel de 8,5% du budget de la Ville. Une bouchée, on le conviendra, assez difficile à avaler.
Quoi qu'il en soit, le mot final de cette histoire reviendra à la ministre de l'emploi et de la solidarité sociale, Agnès Maltais. C'est au gouvernement de décider les parts de renflouement que devront supporter les villes et les employés, de même que les périodes d'amortissement.
Une fois la chose faîte, municipalités et syndicats n'auront plus qu'à négocier des conventions pour obtenir les aménagements qui conviennent le mieux aux différentes situations.
Il reste à voir si cette décision viendra avant les prochaines élections provinciales. Elle ne manquera en effet assurément pas de soulever l'ire de plusieurs travailleurs ou contribuables.
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