BLOGUE. Le vent est sur le point de se lever dans le dossier des régimes publics de retraite. D'importantes rafales devraient toucher les municipalités et les universités, des rafales qui dans certains cas se transformeront en ouragan. Avec des dommages collatéraux potentiels à plusieurs régimes de la fonction publique. Si ce n'est à tous.
C'est l'impression avec laquelle on est ressorti, il y a quelques jours, d'un fort intéressant colloque du Conseil du patronat sur le rapport D'Amours.
Était notamment au programme, un panel de représentants de plusieurs firmes conseil. L'occasion de revoir avec plus d'éclairage l'état du système de retraite.
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Au centre de la discussion, une nouvelle méthode de calcul des déficits. Ceux-ci seront désormais amortis sur une période plus longue (15 ans, puis, après coup, 10 ans) mais avec une hypothèse de rendement attendu moindre.
Une bonne nouvelle et une mauvaise.
La bonne nouvelle. Ça ne devrait pas trop brasser pour régler les régimes à prestation déterminée du secteur privé. La nouvelle méthode de calcul a des effets positifs. L'effacement des déficits coûtera en fait moins cher par année aux entreprises.
La mauvaise nouvelle. La méthode retenue fait significativement grimper la facture annuelle pour les municipalités et les universités. Le régime municipal jugé représentatif, fait état d'une cotisation totale annuelle qui devrait passer de 25% de la masse salariale à 36%. Un autre exemple de régime, plus mature et universitaire cette fois, voit lui le taux de cotisation total passer de 37% à 57%. C'est énorme.
Et ça devient encore plus énorme lorsque l'on apprend que depuis 2008-2009, les municipalités et universités ne versaient en réalité qu'une fraction de la cotisation que l'on jugeait requise (le 25% ou le 37%), parce que l'on tablait sur une reprise des marchés et qu'on avait décidé de leur donner un peu de latitude budgétaire.
L'exemple de la Ville de Québec, qui a accepté de nous ouvrir un peu plus ses livres, parle éloquemment.
La Ville cotisait à ce jour 108 M$ par année pour assumer le service courant et le renflouement des déficits de retraite (alors qu'elle aurait dû cotiser 140 M$). Si la formule du rapport D'Amours est mise en place, la cotisation qu'elle devra fournir pendant les 15 prochaines années grimpera à 228 M$. C'est plus du double.
Pour le citoyen, c'est une hausse qui pourrait faire grimper le compte de taxe de près de 14% (pour les 15 prochaines années, jusqu'à ce que le déficit soit éliminé) et qui s'élèverait autour de 360$ par résidence (pour la résidence moyenne de 260 000$). Sans compter évidemment les hausses normales liées à l'inflation.
Ne croyez pas que la question soit réglée pour Montréal et ses cols bleus, ou encore pour Saguenay. Les ententes dont ont fait état les médias touchaient le service courant, avec l'actuelle formule de calcul. Le déficit n'était pas abordé. Rien n'est en fait réglé, tout reste à faire.
La question est aussi difficile pour les universités québécoises, qui ne peuvent demander plus aux étudiants et qui devront donc s'adresser vraisemblablement au gouvernement du Québec.
Qui lâchera quoi?
Qui lâchera quoi?
L'employeur est tenu d'assumer 100% des déficits des régimes de retraite. Des experts du secteur confient qu'avec les années, des municipalités et des universités en sont venues à conclure des ententes sur une contribution s'approchant du 50-50 pour le service courant. Et que certaines ont même réussi à faire contribuer indirectement des salariés au renflouement du déficit. Le principe demeure cependant que le renflouement doit être assumé par l'employeur.
Il est loin d'être certain que les syndicats et les retraités actuels accepteront de diminuer leurs avantages et de faire un bout de chemin.
Le comité D'Amours semble en être conscient et vient donner un coup de main aux employeurs. Si, après trois ans, les négociations pour régler le déficit n'ont pas avancé, la partie patronale pourra être autorisée à couper l'indexation des régimes de retraite.
Ce n'est toutefois pas une énorme source de compensation.
Une interprétation personnelle des modèles du rapport D'Amours permet de postuler que l'effort nécessaire pour ramener les régimes de retraite des municipalités en équilibre pourrait en moyenne nécessiter une nouvelle injection annuelle équivalente à environ 15% de la masse salariale. Un chiffre jugé trop bas par un expert que nous avons consulté, et qui estime, lui, que l'effort requis est vraisemblablement équivalent à près de 20-25% de la masse salariale.
Or, couper l'indexation viendrait retrancher environ 4 points de pourcentage de masse salariale. C'est dire que, dans le meilleur des cas, le public continuerait à financer près de 70% du déficit.
Si jamais un syndicat décidait de collaborer et de contribuer pour la moitié du déficit, il lui faudrait non seulement renoncer à l'indexation des régimes, mais aussi à la rente au conjoint survivant et au départ à la retraite anticipé, tout en diminuant vraisemblablement sa prestation de retraite.
Et encore. Ces concessions ne permettraient de régler que le cas du régime considéré comme représentatif par le rapport D'Amours. Dans le régime considéré comme représentatif par notre expert, il faudrait assurément réduire les pensions et vraisemblablement augmenter l'âge de la retraite pour espérer régler la situation.
Ce n'est que le début
C'est tout un débat qui est sur le point de s'engager. Et il ne faudrait pas croire qu'il restera confiné aux municipalités et aux universités.
Advenant concessions des syndicats (de gré ou de force), comment pourrait-on justifier qu'un professeur d'université se retrouve avec un moins bon régime de retraite qu'un professeur du Cégep (qui lui demeure sous le RREGOP)? Ou encore, qu'un policier de Montréal ait un régime nettement inférieur à celui de la Sûreté du Québec?
Tout le régime de la fonction publique risque, à terme, d'être remis en question.
Un espoir pour tous: que la récente embellie des marchés financiers tienne. Elle pourrait venir aider tout le monde.
Mais ce ne sera pas suffisant.
Avec la commission parlementaire sur le rapport D'Amours qui s'ouvre lundi, les vents commenceront à souffler. Ils ne peuvent que prendre de l'ampleur.
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