BLOGUE. Le maire de Québec, Régis Labeaume, dit se sentir un peu seul dans le dossier du renflouement des régimes de retraite par les employés. Il s'étonne que les candidats à la mairie de Montréal n'enfourchent pas son cheval de bataille. Pas si étonnant. À bien y regarder, à une nuance (importante) près, Montréal demande plus de concessions à ses salariés que Québec!
Au mois d'août, la comparution de la Ville de Montréal devant la commission parlementaire sur le rapport D'Amours nous avait étonné. Plutôt que de demander au gouvernement le droit d'imposer les conditions du régime de retraite 50-50 comme le réclame le maire de Québec, où encore de mettre fin à l'indexation, comme le propose le comité D'Amours, la Ville était venue demander «d'avoir le pouvoir de réduire de façon unilatérale, pour tous les groupes d'employés, les prestations jusqu'à un maximum (par exemple, une réduction maximale des prestations, quelles qu'elles soient, équivalente à 20% du passif actuariel de capitalisation)». C'est exactement dans ce français que c'est écrit dans le mémoire.
Qu'est-ce que c'est que cela?
C'est justement. Personne n'avait réellement compris.
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Le commentaire de monsieur Labeaume, cette fin de semaine, nous a cependant amené à creuser davantage la formule préconisée par Montréal. Le résultat est étonnant.
Dans la situation actuelle, la Ville doit contribuer pour 510,3 M$ par année aux régimes de retraite. Avec l'implantation du rapport D'Amours et l'introduction d'une nouvelle méthode de calcul du déficit actuariel (baptisée capitalisation améliorée), la contribution de la Ville grimpera à 830,6 M$ si les employés ne font aucune concession. C'est un bon spectaculaire (320 M$), équivalent à 6,6% du budget. Il faudrait assurément oublier les promesses des candidats de maintenir la hausse des taxes à l'inflation.
Voyons voir les options.
À Québec, le maire Labeaume souhaite que le déficit courant et passé soit partagé à 50-50 entre les syndiqués et la Ville. Si on applique la méthode à Montréal, la cotisation de la Ville passerait à un peu plus de 527 M $ par année. La formule est intéressante en ce qu'il n'y a alors pour le contribuable à peu près aucun poids supplémentaire à supporter (le 510 M$ actuel passe à 527 M$).
Appliquons maintenant la formule suggérée par la Ville de Montréal, plutôt que celle suggérée par la Ville de Québec. La fameuse réduction de 20% du passif actuariel que personne n'a compris. On dira que le document ne donne le 20% qu'en exemple, mais, en commission parlementaire, ce 20% est revenu assez fermement pour que l'on croit qu'il s'agit de l'objectif.
Sous ce scénario, la cotisation de la Ville de Montréal passe à 515 M$.
Eh oui, c'est cela. La Ville se trouve à payer moins que si elle prenait la formule 50-50 proposée par monsieur Labeaume (515 M$ c. 527 M$). C'est pour cela que l'on dit que, à une nuance près, Montréal demande plus de concessions à ses employés que Québec.
Quelle est cette nuance?
Quelle est cette nuance?
La nuance est que Québec demande à ce qu'on adopte le rapport D'Amours avec la formule de capitalisation améliorée (la nouvelle méthode de calcul du déficit) sans rien y changer. Monsieur Labeaume dit que des experts (le comité D'Amours) ont réfléchi et qu'ils savent ce qu'ils font.
Montréal, de son côté, est d'accord avec le principe, mais dit que son implantation doit être modulée. La position de la Ville n'est pas claire à ce sujet. Faudrait-il amortir le déficit sur une plus forte période, ou encore être un peu plus optimiste sur les hypothèses de rendement futur? Les deux à la fois? On ne sait pas.
Ce qui est clair, c'est qu'elle cherche à abaisser la charge annuelle du déficit des régimes, de manière à pouvoir maintenir sa cotisation au niveau actuel et en demander le moins possible aux syndiqués.
Où est la meilleure approche?
Il est difficile de parler pour la Ville de Québec, dont on n'a pas creusé suffisamment l'état de situation.
On voit mal cependant comment on ne pourra pas adoucir la méthode de capitalisation améliorée, comme le suggère Montréal.
Si on ne le fait pas, que l'on applique à la métropole l'approche Labeaume ou encore l'approche maison, les demandes de concessions aux syndiqués (en coûts supplémentaires et avantages abandonnés) représentent annuellement plus de 8,5% du budget. Ce sont des gains trop importants, que ne voudront pas laisser aller les salariés.
En fait, même avec une méthode de calcul ou de renflouement du déficit plus accommodante, il n'est pas sûr que l'on puisse abaisser suffisamment le poids des concessions nécessaires pour régler à l'amiable.
Depuis le début de cette histoire, on revient chaque fois au même constat: la probabilité est élevée que le gouvernement du Québec devra intervenir par loi spéciale pour préciser les parts de renflouement que devront supporter les villes et les syndicats.
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