BLOGUE. Quelle est la recette magique pour réussir en Bourse ? En cette période des REER, la question nous a quelques fois été soumise ces derniers jours. Une dizaine de voyages à l'assemblée annuelle de Berkshire Hathaway, et des années d'essais et erreurs (particulièrement d'erreurs...) nous ont amené à constater que la recette se limite à deux ingrédients.
Un marché en croissance sur cinq ans
C'est le premier repère qu'on utilise. Les produits de la société dans laquelle on songe à investir généreront-ils dans cinq ans plus de bénéfices qu'actuellement ?
Pourquoi l'horizon cinq ans ? Parce que les investisseurs ont tendance à payer plus cher pour des bénéfices à court terme, mais moins pour des profits à long terme.
C'est ce qui nous a incité il y a quelques mois à prendre une position personnelle dans Atrium Innovation (attention à ceux qui seraient tentés de suivre, le titre a bougé depuis). Le ratio cours/bénéfice était faible et quelque chose nous disait (et nous dit encore) qu'en raison de la démographie vieillissante, Atrium vendra plus de produits naturels dans les cabinets médicaux dans cinq ans qu'elle n'en vend aujourd'hui.
Évidemment, on peut aussi choisir de miser sur les produits dernier cri, qui sont généralement des catalyseurs de ventes beaucoup plus rapides.
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Dans ce cas, on laissera cependant passer la première vague d'acheteurs, histoire de s'assurer qu'il ne s'agit pas d'une mode éphémère.
L'approche aurait donc exclu une entrée dans Apple lors du lancement de l'iPhone. Elle aurait cependant permis l'entrée plus tard, lorsqu'il est devenu plus évident que le produit était jugé essentiel par un nombre de personnes plus imposant que le fan club de Steve Jobs.
Un multiple raisonnable
Un multiple raisonnable
Une fois arrivé à la conclusion que les bénéfices ont une forte probabilité d'être plus élevés dans cinq ans, il convient de passer au deuxième ingrédient essentiel : les multiples d'évaluation.
Plus le ratio cours/bénéfice est faible, meilleure semble l'affaire. Cela signifie que le marché escompte moins dans le cours de l'action les bénéfices futurs de l'entreprise.
Il arrivera malheureusement assez souvent que votre démarche s'arrête ici. Il est en effet fréquent que le marché soit aussi d'avis que les bénéfices d'une entreprise grimperont dans l'avenir. Et que, conséquemment, le multiple cours/bénéfice soit élevé. Plus il est élevé, plus grand est aussi le risque associé au placement. Si un problème survient et que les bénéfices ne croissent pas beaucoup, le multiple fondra et, cinq ans plus tard, l'action n'aura pas bougé et aura peut-être même reculé.
Qu'est-ce qu'un multiple élevé, qu'est-ce qu'un multiple peu élevé ? demandez-vous.
Ce n'est pas simple et ça dépend en fait de deux choses : l'époque dont on parle et la force de croissance des bénéfices qui est anticipée dans les prochaines années.
À l'époque de nos premiers pas sur le marché boursier, beaucoup considéraient qu'un multiple de 10 était porteur de trop d'attentes. Quelques années plus tard, les sociétés se négociaient en moyenne à 20 fois le bénéfice. Dans le premier cas, nous étions à une époque où les investisseurs étaient pessimistes et il y avait beaucoup d'argent à faire pour qui était prêt à attendre. Dans le second, nous étions à une époque «d'exubérance irrationnelle», comme disait Alan Greenspan, ancien président de la Réserve fédérale américaine, et il y avait beaucoup d'argent à perdre pour qui était prêt à attendre. Les indices se négocient aujourd'hui autour de 14 à 15 fois les bénéfices, ce qui s'aligne somme toute sur la moyenne historique. Cela permet de penser que l'humeur est correcte : nous ne sommes pas en situation généralisée d'aubaines, ni en situation de surévaluation.
Si on paie sous les 14 fois le bénéfice et qu'on pense que les bénéfices croîtront plus vite que ceux de la moyenne des autres sociétés, la probabilité est donc bonne qu'on fasse de l'argent sur cinq ans. On dit bonne, et non pas «assurée». Il est toujours possible qu'un marché entre dans une humeur pessimiste et que l'évaluation du titre diminue.
Il peut aussi se présenter des situations où l'on paiera plus cher que ce multiple de 14 et où l'on fera plus d'argent encore que si on avait investi dans une société avec un multiple moindre. C'est qu'il se trouve sur le marché un certain nombre de sociétés qui offriront des «supercroissances» de leurs bénéfices. On serait par exemple porté à penser que c'est ce qui arrivera avec Google, qui est à 17 fois le bénéfice prévu.
Voilà la recette pour faire prospérer votre REER. Reste le plus difficile : l'appliquer.
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