BLOGUE. Le voilà finalement dévoilé ce fameux rapport D'Amours. Qui y gagne, qui y perd?
Le rapport est vaste et compte une vingtaine de recommandations. La plupart sont de nature technique.
Essentiellement, deux choses sont à retenir.
Il recommande aux salariés et aux employeurs qui sont sous un régime à prestations déterminées de s'amener à la table de négociation pour déterminer, dans un délai de cinq ans, comment ils effaceront les déficits actuariels de leur régime. Une éventuelle loi encadrant l'exercice prévoirait qu'on ne peut toucher à la rente établie, mais on pourrait toucher à toutes sortes d'autres avantages comme l'indexation, la hauteur de la rente au conjoint, la subvention de retraite avant 65 ans, etc. (ce qui était impossible auparavant). S'il n'y a pas d'entente au bout de trois ans de négociation, l'employeur pourrait décréter unilatéralement des modifications sur l'indexation des rentes, mais devrait injecter l'équivalent financier dans le régime.
L'autre élément intéressant concerne la rente de longévité. Salariés et employeurs mettraient chacun, chaque année, à la Caisse de dépôt, 1,6% du salaire d'un employé. À partir de 75 ans, le salarié aurait droit à une rente. Pour un travailleur qui gagne 51 000$ et plus et à qui il reste 20 ans de travail, la cotisation serait de 843,15$ par année. Il recevrait plus tard 5 110$ par année. Pour un jeune travailleur, la cotisation est la même, mais la prestation de retraite grimpe à 14 564$.
Qui gagne, qui perd?: les régimes à prestations déterminées
Si vous êtes un salarié sous ce régime, vous ne gagnez rien de la réforme. Il vous faudra dans les prochaines années renoncer à certains avantages prévus à votre régime de retraite.
Si vous êtes retraité, votre indexation pourrait être menacée par les négociations à venir, mais ce n'est pas sûr. On pourra l'enlever seulement si plus de 70% des retraités sont d'accord.
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Si vous êtes un employeur, on n'est pas si convaincu que vous faîtes un gain énorme. Malgré tout ce qui est annoncé plus haut, l'employeur demeure responsable du déficit accumulé s'il n'y a pas d'entente. Et s'il fait des modifications unilatérales sur l'indexation après trois ans, il doit payer l'équivalent.
En fait, dans les entreprises où le déficit actuariel est élevé, les syndicats devraient se présenter à la table de crainte que la pérennité de l'entreprise ne soit en péril. Pour les entreprises plus riches, l'incitatif est nettement moins important. Cela dit, on ne dirait pas qu'il est absent. Il faudra cependant que le patron force un jour le jeu. Au final, des salariés préféreront sans doute renoncer à des avantages accessoires à la retraite plutôt que de faire face à un gel de salaire pour les cinq prochaines années. Gel que le patron pourra éventuellement justifier par l'obligation légale de renflouer le régime de retraite.
Qui gagne, qui perd?: les régimes à cotisations déterminées
Qui gagne, qui perd?: les régimes à cotisations déterminées
La réforme semble relativement neutre pour les salariés et les employeurs sous ces régimes.
Un salarié sera certes appelé à consacrer 1,6% de son salaire à la rente de longévité (qu'il touchera à partir de 75 ans), mais il est probable que cette cotisation sera prise à même la cotisation qu'il versait actuellement à son régime de retraite. Le scénario est le même pour l'employeur.
Il y a un petit avantage pour les employés, en ce que cette fois, ils se trouvent à acquérir une rente déterminée à partir de 75 ans, alors qu'il n'y a pas de garantie de rente dans un régime à cotisations déterminées.
Qui gagne, qui perd?: les salariés et entreprises sans régime collectif de retraite
Il y a ici 2,5 millions de salariés, qui sont pour la plupart menacés d'une vie financière très précaire à la retraite.
Le salarié a évidemment un coût supplémentaire à acquitter maintenant (1,6% de son salaire), mais il peut se dire que cet argent lui reviendra à compter de 75 ans. Et il bénéficie en plus d'une contribution de 1,6% de son employeur. C'est un bon levier. Bien que dans certains ménages la ponction puisse être difficile, le sacrifice à court terme est bien récompensé.
Pour l'employeur, c'est autre chose et, déjà, des groupes du patronat, comme la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, émettent des doutes sur la rente de longévité. C'est en effet une hausse qui coûtera à l'entreprise entre 421$ et 843$ par salarié par année. Et le reste du Canada n'aura pas à faire face à ce coût.
Les employeurs sans régime de retraite sont effectivement les plus pénalisés de tous, et ce sont généralement les plus faibles et les plus petits au Québec. S'ils veulent garder leur main-d'œuvre qualifiée dans les années de pénurie à venir, ils peuvent difficilement compenser par des diminutions ou des gels de salaires.
Quelque chose nous dit que les discussions ont dû ici être difficiles entre les membres du comité.
Un mot sur les villes
Les discussions ont aussi beaucoup porté dernièrement sur l'état des déficits actuariels des municipalités du Québec, qui atteignent des niveaux très préoccupants (le degré de solvabilité des régimes des entreprises privées était à 75% en 2011, celui des municipalités à 67%).
Le rapport D'Amours ne change rien à la situation. Si ce n'est que, comme pour les entreprises privées, une législation encadrant la négociation permettrait de toucher à certains avantages auxquels on ne pouvait antérieurement toucher (indexation, rente du conjoint, etc.).
Comme pour les entreprises privées, la seule façon de forcer le jeu nous apparaît désormais de lier les prochaines négociations sur le salaire à l'état du déficit actuariel. Avec une menace de revenus gelés ou moindres pour un temps, il est probable que les syndiqués concéderaient sur certains avantages du régime de retraite.
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