BLOGUE. Ce n'est certainement pas avec enthousiasme que la direction de Metro a appris l'annonce du projet d'acquisition de Safeway Canada par Sobeys. Le coup pourrait être assez difficile pour elle. Riposte possible?
La situation n'est pas aisée pour les acteurs du secteur de l'épicerie. Walmart et Costco y augmentent leur présence depuis quelques années, tandis que Target est aussi sur le point de s'y amener. L'offre augmente alors qu'il ne s'ajoute pas plus de clients. La recette parfaite pour créer des guerres de prix.
Gare à celui qui ne baisse pas ses prix, il devient alors à risque de perdre des parts de marché et du volume.
On peut y aller de quelques stratégies particulières, mais en bout de piste, la plus payante est de demander à ses fournisseurs de nous faire de meilleurs prix.
Comment se mettre en position de demander davantage à un fournisseur?
En faisant des acquisitions, qui nous permettront de lui offrir plus de volumes. « Je t'achète plus de produits, mais tu me fais un meilleur prix pour chacun ».
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C'est pour cela que Sobeys achète Safeway Canada. Et c'est aussi pour cela que Metro n'avait pas caché son intérêt pour l'épicier de l'Ouest. Dans un cas comme dans l'autre, la transaction permettait en plus à l'acheteur de prendre pied à l'autre bout du pays.
Les conséquences pour Metro
Il est difficile de mesurer à quel point le coup porte, mais il est clair que le pouvoir d'achat de Sobeys (IGA) est sur le point de s'améliorer pour l'ensemble de ses activités, y compris au Québec et en Ontario, cœur géographique de Metro.
Il pourrait bien y avoir un autre problème. Il y a quelques mois, l'analyste Perry Caicco, de CIBC Marchés mondiaux, émettait l'hypothèse que l'acquisition de Safeway par Sobeys risquait de durement frapper United Grocers inc. (UGI), un groupe d'achats qui représente 34% du marché de l'alimentation au Canada (en parts de marché). Avec Metro, Safeway était le plus important membre de ce groupe. Comme Sobeys n'y adhère pas, Safeway en sortira maintenant presqu'assurément.
Le poids du groupe dans les approvisionnements de Metro est en réalité inconnu.
Force est néanmoins de constater que pendant que le pouvoir d'achat de Sobeys augmente, de l'autre côté, celui de Metro semble être menacé.
Comment répliquer? Trois avenues semblent ouvertes.
Une contre-offre pour obtenir Safeway Canada
Une contre-offre pour obtenir Safeway Canada
À première vue, il y a un peu d'espace, mais il est fort limité. L'acquisition survient à 11,3 fois le bénéfice avant intérêts, impôt et amortissement (BAIIA). Des analystes spéculaient que des offres auraient pu grimper à 12 ou 13 fois et ajouter encore au bénéfice.
Malheureusement, Metro n'apparaît pas batailler à armes égales. En expliquant son montage financier, Sobeys indiquait mercredi qu'elle payait en réalité 7,2 fois le BAIIA. En grande partie parce qu'elle entend revendre pour 1 G$ d'immobilier.
La direction de Sobeys n'a pas voulu élaborer sur ce qui serait fait, mais l'on suspecte qu'elle pourrait bien avoir une entente avec Crombie REIT, un gestionnaire de portefeuille immobilier inscrit en bourse, dans lequel Empire, la société mère de Sobeys, détient un intérêt de 42,8%.
Metro n'a pas cette capacité de revendre rapidement les immeubles et passer des ententes de location à long terme. Il lui faudrait trouver un ou quelques joueurs immobiliers, puis s'entendre avec eux. C'est compliqué et ça risque d'être long. Trop long pour qu'elle ait le temps de revenir avec une offre.
De toute façon, c'est Safeway USA qui vendait Safeway Canada et il est probable que Metro avait déjà été contactée pour faire une offre.
(Précision: quelques heures après la mise en ligne, Metro confirme ne pas avoir été approchée, mais ne pas être intéressée à surenchérir).
Une offre sur Overwaitea
Le groupe est propriété de Pattison Group et compte près de 130 établissements en Colombie-Britannique (101) et en Alberta (26). C'est nettement moins que les 226 établissements de Safeway Canada à travers le pays, mais c'est suffisant pour se donner une portée nationale et pouvoir développer dans l'Ouest son modèle performant.
Apparemment Overwaitea est la vache à lait du groupe Pattison, et celui-ci ne veut pas s'en départir. Mais, tout peut être vendu à un bon prix. D'autant qu'Overwaitea est aussi membre du groupe d'achat UGI et qu'elle est conséquemment également à risque de perdre du pouvoir d'achat prochainement.
CIBC estime que la valeur de l'entreprise pourrait se situer autour de 2,3 G$. C'est une bouchée nettement plus facile que Safeway Canada (5,8 G$) pour Metro, dont la capitalisation boursière est de 6,5 G$.
Une offre sur Jean Coutu
Ce serait une des transactions les plus intéressantes, et Metro ne cache pas être intéressée. Elle possède déjà 250 pharmacies (dont 150 Brunet).
L'acquisition permettrait de créer des synergies significatives et un certain effet de levier.
- Le pouvoir d'achat des deux entités serait décuplé.
- Les coûts de distribution seraient abaissés.
- Les coûts administratifs diminueraient.
- Les infrastructures de Metro en Ontario pourraient éventuellement un peu plus tard supporter une expansion de Jean Coutu dans la province.
On n'est pas très sûr que le Bureau de la concurrence bénirait tout de suite la transaction cependant.
Surtout, on n'est pas très sûr que la famille Coutu soit intéressée à vendre. La récente annonce d'un investissement de 190 M$ pour la construction d'un nouveau siège social et d'un nouveau centre de distribution donne à penser que la porte est vraiment fermée.
Conclusion?
Si une riposte doit venir, elle ne semble pouvoir venir que du côté d'Overwaitea. Tout pourrait bien dépendre en fait de la lecture de situation à laquelle en arrivera Pattison Group.
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