BLOGUE. Le ministre des finances, Nicolas Marceau, vient d'ouvrir une intéressante porte dans le dossier des sièges sociaux du Québec. Monsieur Marceau veut lancer une réflexion sur des amendements à la loi qui ferait en sorte que les conseils d'administration n'auraient plus à considérer uniquement l'intérêt des actionnaires et pourraient refuser une OPA parce qu'elle brime celui d'autres parties.
« Ce serait un gros amendement à notre législation et nous allons consulter, mais nous voulons cette consultation », a-t-il dit, en réponse à une question des Affaires.
Le ministre des finances était interrogé à savoir si le provincial ne devrait pas adopter une loi comme celle du fédéral qui permette de bloquer une transaction n'étant pas « à l'avantage net » du pays.
SUIVRE SUR TWITTER: F_POULIOT
Il a obliqué en indiquant que le gouvernement voulait réviser la loi sur les sociétés par action et élargir le mandat des conseils d'administration « de manière à ce qu'ils tiennent compte des intérêts des actionnaires, mais aussi des employés, des retraités, des fournisseurs, de la communauté d'accueil et de toutes les parties prenantes ».
Il a estimé que certaines décisions jurisprudentielles de la loi fédérale concluaient déjà que les administrateurs avaient un mandat large.
Le ministre a en outre précisé que les conseils pourraient devenir libres, à la lumière de ces critères, de ne pas transmettre l'offre à leurs actionnaires. Une situation déjà en application dans certains États américains.
Qu'en penser?
Qu'en penser?
Nicolas Marceau met la table pour tout un débat.
L'affaire fait suite à la multiplication des OPA sur des sociétés de ressources dans l'Ouest canadien, mais surtout à l'affaire Rona, où le conseil d'administration a jugé qu'une offre de Lowe's était insuffisante (au plan financier).
Monsieur Marceau a raison lorsqu'il dit que le conseil d'administration a l'obligation de tenir compte de toutes les parties prenantes. C'est ce qu'a dit la Cour Suprême il y a quelques années dans l'affaire BCE, alors qu'un groupe de détenteurs de débentures tentait de faire bloquer la vente.
Cette décision est cependant remplie de flou et chaque cabinet d'avocats a sa propre interprétation sur sa portée. Les détenteurs de débentures avaient d'ailleurs été déboutés.
En intervenant législativement, Québec viendrait préciser le décor et mieux baliser les règles du jeu.
Cette intervention aurait pour effet de forcer une redéfinition du capitalisme canadien, ce qui ne se ferait certainement pas sans heurts. Les plus à droite sur le spectre du capitalisme ne manqueraient pas de s'amener aux barricades.
Le ministre a raison d'amener la discussion. Le Québec n'a que peu de sièges sociaux d'importance, qui pourraient en grande partie disparaître dans les prochaines années. Ce n'est pas le cas des plus grandes juridictions.
On peut cependant déjà se demander si, histoire de ne pas se mettre à dos d'autres juridictions prônant la libre circulation des capitaux, il n'y aurait pas lieu de plutôt aborder la protection des sièges sociaux en bornant l'intervention à ce qui est stratégique au plan économique et culturel pour le Québec.
À partir d'une certaine capitalisation, une entreprise pourrait être jugée stratégique, et, sur analyse présentée par le conseil d'administration des différents impacts sur les parties prenantes, un organisme gouvernemental indépendant approuverait ou n'approuverait pas la transaction.
Il sera intéressant de voir la suite.
SUIVRE SUR TWITTER: F_POULIOT