BLOGUE. « Si Enbridge n'obtient pas l'autorisation d'inverser son pipeline, est-ce que la raffinerie d'Ultramar à Lévis va fermer? »
La question est venue d'un confrère du Devoir, mardi, après une allocution du président de Valero Canada, Ross Bayus, devant la Chambre de commerce de Montréal.
La réponse a été nuancée, mais précise.
«Ce n'est pas nécessairement une question de fermeture. Il n'y a pas d'inquiétude dans l'immédiat. Mais c'est une question d'investissements futurs. Arrêter d'investir dans une raffinerie, et c'est juste une question de temps avant que la raffinerie ne ferme», a répondu M. Bayus.
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L'opinion publique et politique tergiverse depuis quelques mois sur ce projet d'inversion qui permettrait d'amener le pétrole de l'Ouest jusqu'au terminal montréalais de Valero. Le pétrole serait ensuite acheminé par bateau jusqu'à la raffinerie Ultramar de Lévis (qui changera prochainement de nom pour s'appeler Valero).
Lors de son allocution, monsieur Bayus a soutenu que dans les derniers 12 mois, un raffineur de la région des Grands Lacs et de Sarnia bénéficiait d'un avantage de 22,50$ US le baril pour l'acquisition du brut par rapport à Ultramar et aux autres raffineurs de la côte Est. Une différence de 25%.
Évidemment, à court terme, la raffinerie n'est pas en danger. D'abord parce qu'on y a investi significativement ces dernières années et qu'elle est l'une des plus performantes en Amérique du nord. Ensuite, parce que si quelques raffineries moins performantes tombent, le prix de l'essence aura automatiquement pour effet de grimper, ce qui permettra d'améliorer la marge bénéficiaire de celles qui restent.
Un certain courant d'opposition à l'inversion tient au fait que le pétrole de l'Ouest est plus polluant et qu'on ne devrait pas faciliter son exploitation. Il y a du vrai dans cela, mais le Québec doit bien soupeser son risque financier à terme. Déjà, la fermeture de la raffinerie Shell a fait mal à l'économie de Montréal. Il s'agit de hauts salariés.
S'ajoute le fait qu'il vaut mieux pour un pays (ou une province) être en situation d'autarcie du côté raffinage, si jamais des chambardements mondiaux surviennent. L'État a toujours dans cette situation la faculté d'intervenir législativement pour régulariser les prix ou assurer les approvisionnements. Ne pas permettre à Ultramar de s'approvisionner à coûts égaux augmenterait l'incertitude à l'égard des emplois à Lévis, mais aussi celle sur notre situation autarcique.
Un autre argument parfois cité touche le risque écologique d'une inversion, alors que le pétrole albertain serait plus corrosif que le pétrole qui transite actuellement dans le pipeline d'Enbridge. Les points de vue et les études ne convergent cependant pas sur ce point. Et on peut se demander s'il est vraiment plus risqué d'expédier du pétrole par pipeline que par train et bateau?
Là où on devrait peut-être s'essayer
Là où on devrait peut-être s'essayer
S'il semble préférable d'autoriser l'inversion du pipeline, malgré les questions environnementales, cela ne veut pas dire que l'on ne devrait pas y aller d'une petite partie de poker avec Valero.
C'est après tout un intéressant coup de pouce financier que fournirait le Québec à la rentabilité de sa raffinerie. Serait-il en retour possible pour elle d'augmenter sa production et son effectif afin d'alimenter d'autres secteurs en Amérique du nord où de ses raffineries sont moins performantes? Si la raffinerie de Lévis est l'une des plus performantes en Amérique, comme on le dit, il pourrait peut-être être avantageux pour elle de l'utiliser pour approvisionner certains de ses terminaux d'essence ailleurs en Amérique. Un service en attire un autre…
Il n'est pas certain que la seule inversion d'Enbridge permette à la raffinerie de Lévis d'avoir suffisamment de rentabilité pour envisager un troque de production ou d'approvisionnement. Elle serait en effet encore dépendante à 40% d'approvisionnements par bateau du Texas et par train du Dakota et de l'Alberta. Mais on s'essaierait.
Oui donc à l'inversion du pipeline d'Enbridge, mais pas avant d'avoir validé s'il n'y aurait pas un petit quelque chose à recevoir en retour.
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