BLOGUE. Alors, bonne ou pas bonne, la nouvelle politique économique du gouvernement? Elle a du bon, mais ça va chauffer pour le budget de l'an prochain. Elle générera plus de dépenses que de revenus et de nouvelles compressions seront inévitables.
C'est un peu perplexe que l'on est ressorti lundi du bureau du ministre des finances. De bonnes mesures sont dans cette politique. Malheureusement, elle est curieusement présentée. Et cette présentation est agaçante.
Le projet est porteur d'élément structurants. Les crédits d'impôts consentis pour augmenter la productivité des entreprises devraient à long terme aider à leur progression et permettre de créer plus de richesse dans la province. Nous avons un écart de productivité qu'il devient urgent de combler. La stratégie d'électrification envoie aussi un bon signal d'orientation économique à long terme. Elle installe une humeur et amène quelques outils susceptibles d'aider au développement de projets originaux et porteurs.
La politique est malheureusement silencieuse sur les efforts qu'elle commande. Elle ne sera pas sans conséquence budgétaire à court terme. Des chiffres obtenus du ministère des finances permettent de constater qu'il faudra sept ans avant que les revenus générés par le plan ne dépassent les nouvelles dépenses occasionnées.
La situation est particulièrement préoccupante pour le budget de l'an prochain (2014-15). La politique entraînera des dépenses additionnelles de 411,1 M$, mais ne générera que des revenus supplémentaires de 129 M$. C'est donc un trou de 282 M$. À noter que pour cet exercice, il y a toujours pour 430 M$ de mesures à identifier pour atteindre la cible. C'est dire que l'impasse sera de plus de 700 M$. Sachant que le gouvernement semble déjà incapable de fermer le budget de cette année (2013-14) par au moins 1 G$, la position devient fort inconfortable.
Interrogé par Les Affaires, le ministre Marceau a reconnu qu'il y avait un enjeu et que cet enjeu se règlerait du côté des dépenses. Une façon de dire qu'il y aura des compressions d'au-moins 700 M$ en 2014-15 au gouvernement.
Il était normal de parler des 40 000 emplois à créer, mais le portrait budgétaire aurait aussi dû être présenté au public.
Dans le style: "Avec cette politique, nous allons devoir faire un nouvel effort sur quelques années de manière à économiquement (et socialement) mieux progresser plus tard".
Malheureusement, la stratégie de communication adoptée par le gouvernement donne l'impression d'être influencée par l'urne électorale. Ce qui affaiblit sa crédibilité.
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Impressions sur différentes mesures
Impressions sur différentes mesures
En vrac, voici quelques impressions sur différentes mesures de la nouvelle politique.
L'utilisation des surplus d'Hydro-Québec
Une idée intéressante. Notre crainte initiale était que l'énergie soit vendue à un tarif préférentiel à perpétuité. De bas tarifs à perpétuité auraient en effet créé un enjeu sur la rentabilité d'Hydro, dans 30 ans, avec la fin de Churchill Falls (la majorité des profits viennent de Churchill). Heureusement, le plan prévoit une échelle progressive de tarification qui fera en sorte de revenir au prix normal au bout de 10 ans. Les entreprises qui viendront devront bien évaluer leur plan d'affaires.
Deux précisions cependant.
Le gouvernement n'accole aucun coût à cette politique d'utilisation des surplus. Hydro-Québec a dans le passé indiqué qu'elle revendait sur les marchés extérieurs les surplus qui n'étaient pas utilisés au Québec. Si on veut attirer des entreprises, il faudra forcément que l'électricité qu'on leur vend le soit à un prix inférieur à celui sur les marchés extérieurs. Cela devrait créer un certain manque à gagner chez Hydro. Il y a un coût d'opportunité.
Québec dit aussi que l'utilisation des surplus ne fera pas grimper la note des consommateurs. Pas à court terme, mais à long terme, si. L'utilisation des surplus fera en sorte que l'on dépassera plus rapidement le plafond du bloc patrimonial (vendu à bon prix), et que, dans quelques années, les prix monteront.
Le devancement des investissements en infrastructures
Peu à dire là-dessus. Il était prévu que l'on investisse autour de 28 G$ sur trois ans, ce sera 28,5 G$. Des investissements sont devancés, particulièrement du côté des écoles. C'est de l'ordre du marginal.
Les crédits d'impôts
Ceux sur la rénovation verte n'ont rien de structurant, et leur place est questionnable, mais ceux pour inciter les entreprises à gagner en productivité (le gros du morceau) sont à saluer.
La stratégie d'électrification des transports
On n'a personnellement jamais eu de grandes attentes du côté de ce projet. Simplement parce que la province est cassée et que, du moment où des infrastructures sont nécessaires (tramway, autobus électrique, etc.), il n'y a pratiquement aucune capacité.
Les investissements prévus (516 M$) sont néanmoins surprenants, et sont articulés. On sent qu'il se passe des choses en coulisses. Quelques mesures sont spécifiquement conçues pour soutenir la collaboration entre entreprises. Difficile de ne pas y voir certains projets en incubation. Des discussions ont en outre lieu avec de grands joueurs et des démarches semblent en cours pour attirer un assembleur de calibre mondial. Le projet de fabrication ici d'un nouveau véhicule électrique est en outre particulièrement intéressant.
Il y a beaucoup à faire, mais les ingrédients pour permettre de couler la fondation d'un nouvel axe de prospérité semblent en place.
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