BLOGUE. En entendant à la télévision que le gouvernement du Québec pourrait forcer les sociétés minières à faire de la transformation, on s'est dit: voyons donc, le commentateur a sûrement mal compris.
Eh bien non. Vérification faite, le gouvernement aura bel et bien le pouvoir de forcer l'industrie minière à faire de la transformation de minerai. Préalablement à l'obtention d'un permis d'exploitation,les sociétés ayant un projet minier devront présenter une étude de faisabilité pour un projet de transformation, que le ministère des Ressources naturelles pourra contre-vérifier. Le bail d'exploitation de la mine ne sera accordé que si le gouvernement en vient lui aussi à la conclusion que de la deuxième transformation n'est pas « économique ».
Mettons les choses au clair. Il est bien que les municipalités obtiennent le pouvoir de déterminer des zones d'exploitation et de bannir l'exploitation en certains endroits. Le développement minier doit se faire en harmonie avec le milieu. Une identification sur un schéma d'aménagement a l'avantage de rendre les règles claires dès le départ pour tous les promoteurs miniers.
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Mais rendre conditionnel l'obtention d'un permis à la réalisation d'un projet de transformation est aller nettement trop loin et risque d'empêcher bon nombre de projets de se réaliser.
En fait, il est très étonnant, et même préoccupant, que les experts financiers du gouvernement du Québec aient laissé cette disposition s'introduire.
Là où se trouve le danger
Là où se trouve le danger
Quelques éléments de réflexion sont à prendre en considération, notamment au chapitre de la capacité des entreprises à investir et de leur expertise en dehors du minier.
Contrairement à ce que certains peuvent croire, il n'est pas aisé de lever du financement pour un projet minier. Investissement Québec ne peut mettre tous ses œufs dans le même panier et n'a pas les poches assez profondes pour tout financer. Même en appelant en renfort la Caisse de dépôt et le Fonds de solidarité, la capacité de la province à financer le Plan Nord demeure lilliputienne. Le Québec a besoin des capitaux extérieurs pour réaliser ses projets.
On peut avoir sur papier une étude qui prévoit qu'un projet de transformation sera rentable. Il faut cependant aussi que, dans les faits, il livre la performance promise. Et surtout, que les investisseurs croient qu'il la livrera. D'anciennes sociétés ayant pour noms Lithos (lithium) ou encore Ressources Orléans (wollastonite) avaient des projets prometteurs sur papier qui se sont soldés par d'importants échecs. Il y en a d'autres.
Ce n'est pas pour rien que plusieurs investisseurs miniers refusent de financer des projets industriels. Il s'agit simplement de deux secteurs d'activités différents, avec des marchés différents, et sans complémentarité d'expertise. Demander de faire les deux à la fois ajoute un risque considérable, que plusieurs ne sont pas prêts à courir. Non seulement est-on en train de réduire le nombre d'investisseurs à qui on pourra demander de l'argent, mais on leur demande du même coup plus d'argent (il faut faire les deux projets).
La mesure arrive alors que Québec augmente de nouveau les redevances minières. Bien qu'il soit exagéré de déchirer sa chemise sur le niveau qui sera demandé, il faut reconnaître que cette mesure, additionnée à la nouvelle, risque maintenant de créer un très mauvais sentiment dans le bassin de financement extérieur qui nous est nécessaire.
Québec semble avoir totalement oublié la période sombre du monde minier au tournant des années 90, alors que sous l'effondrement du prix de l'or, il ne se trouvait pratiquement plus de prospecteurs miniers dans la province. Seuls les entêtés André Gaumond et Paul Archer, de la société Virginia, continuaient de s'acharner à la Baie James, malgré les sobriquets dont certains les affublaient. Ils firent l'une des plus importantes découverte de la province avec Éléonore. Mais cela ne changea pas que pendant des années, à peu près personne n'explora au Québec.
Les prix étaient bas, les coûts d'exploitation plus élevés. Forcés de faire des choix devant des capitaux disponibles plus faibles, les promoteurs allaient à l'étranger, là où le rapport risque/rendement était meilleur.
C'est ce qui nous guette avec le projet de loi actuel, particulièrement si le cycle baissier s'accentue (et il s'accentuera assurément dans le fer, la demande chinoise étant structurellement insoutenable à long terme).
On avait initialement compris que le gouvernement introduirait des crédits d'impôt pour amener les minières à courir le risque de la transformation. C'est sans doute ce qu'il fera. Mais on ne peut imposer à une entreprise d'aller de l'avant avec un projet avec lequel elle ne se sent pas à l'aise.
La contrainte ne crée pas de partenariat et n'est pas l'amie du développement. Les parlementaires devraient bien y réfléchir avant de voter.
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