BLOGUE. Ce sont deux lettres qui ont fait beaucoup parler dans le milieu des affaires. L'ancien premier ministre Jacques Parizeau signait, il y a quelques jours, une fort intéressante évaluation de l'état des finances publiques du Québec. Qu'en retenir?
Les deux articles sont en hyperliens en fin de chronique. Essentiellement, monsieur Parizeau s'attarde à la dette et conclut que les différents gouvernements du Québec ont réussi ces dernières années à maintenir des équilibres budgétaires satisfaisants. Il relativise les derniers déficits du Québec et demande qu'on en finisse avec les crises de nerfs épisodiques. Il insiste que la province ne vit pas de crise financière.
L'ancien premier ministre réclame plutôt que l'on aborde de front les vrais problèmes économiques du Québec: sa croissance économique trop lente, la sérieuse détérioration de sa balance des échanges extérieurs, la faible productivité d'un grand nombre de ses entreprises, les insuffisances de la formation professionnelle et technique.
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La sortie de monsieur Parizeau nous a personnellement fait assez plaisir. Depuis quelques mois on a en effet un pari avec un de nos amis, qui, malgré son grand savoir et son bon jugement, est tombé sous l'ensorcellement d'agitateurs. Son pari: le Québec sera en faillite dans 10 ans.
C'est en fait peut-être 15 ans, mais on ne s'est pas enfargé dans les détails. L'affirmation était d'une force telle, qu'on a tout de suite tenu le pari.
Cette ambiance de l'excès, bien entretenue par certaines antennes médias qui en vivent, commençait aussi apparemment à taper sur les nerfs de monsieur Parizeau.
Cela dit…
Cela dit...
Bien que l'on soit somme toute content de la sortie de monsieur Parizeau, elle nous a en même temps un peu fait peur. Non pas sur le fond, mais sur l'humeur qu'elle pourrait communiquer chez ce qui bouge un peu plus à gauche.
Le Québec est au 11e rang des pays les plus endettés de l'OCDE, selon le dernier classement publié par l'économiste Pierre Fortin, classement qui s'appuie sur des chiffres du début 2012.
Selon la méthode de comparaison de l'organisation, à 98% du PIB, notre niveau d'endettement est notamment plus bas que celui du Royaume-Unis (100%), de la France (100%), des États-Unis (102%), de l'Irlande (112%), du Portugal (118%), de l'Italie (120%), de la Grèce (175%) et du Japon (205%).
La dette est ici définie comme celle de l'administration provinciale, additionnée de celle des municipalités et de notre portion de la dette fédérale. Moins toutefois les engagements pour les régimes de retraite.
On voit que la situation du Québec n'est pas encore de l'ampleur de celles qui ont déclenché des impasses de financement.
Le ton de la lettre de monsieur Parizeau donne cependant à penser qu'il voit dans la situation financière du Québec une capacité à absorber de nouvelles avancées sociales.
Ainsi, dit-il, la gratuité scolaire pourrait être envisagée sur le plan financier, son coût n'étant que de 1 G$.
C'est une chose de dire que le niveau d'endettement n'est pas dans la zone qui fait frémir les créanciers. C'en est une autre de laisser entendre qu'il se trouve plus d'espace au bilan.
Le gouvernement du Québec a mieux fait que bien des administrations publiques dans les dernières années côté discipline budgétaire. Pour deux raisons. D'abord parce qu'il n'avait pas tellement le choix, sa marge de manœuvre étant dès le départ moins grande que celle de la plupart des autres gouvernements. Ensuite, et surtout, parce que l'économie québécoise, à la grande surprise de tous, a mieux fait que la plupart pendant les moments les plus difficiles. Une situation qui peut en partie s'expliquer par le fait que nos infrastructures étaient dans un tel état, que l'on a grandement ouvert les goussets.
Cette époque de « surperformance » semble aujourd'hui révolue. Et la courbe démographique joue contre nous. Il sera difficile de maintenir la croissance du PIB à sa moyenne historique dans les prochaines années, alors que les coûts de santé, eux, pousseront nettement plus fort sur les finances publiques.
Dans un contexte où beaucoup considèrent que la capacité de payer du citoyen a atteint sa limite (et nous sommes de ceux-là), il ne serait pas raisonnable de s'en ajouter plus.
Monsieur Marceau a raison
Monsieur Marceau a raison
Le ministre des finances, Nicolas Marceau, a réagi aux écrits de monsieur Parizeau.
« Je pense que monsieur Parizeau a raison de dire qu'on n'est pas dans une situation telle que celle de certains pays européens. Mais il n'en demeure pas moins que notre dette a beaucoup augmenté ces dernières années. On demeure les plus endettés au Canada, et moi, je ne peux pas tolérer cet endettement-là. J'aimerais que la situation soit différente, parce que nous avons des services à offrir aux Québécois », a-t-il dit.
La pensée du ministre résume assez bien celle de notre pari. « On n'aura pas à négocier avec les créanciers, et on ne fera pas faillite. Il nous suffit de maintenir la discipline et d'atteindre nos cibles budgétaires. Je ne suis pas sûr cependant qu'il ne nous faudra pas abandonner en chemin quelques principes de gratuité totale ou encore certains programmes sociaux », avait-on dit à l'ami.
Merci donc à monsieur Parizeau pour la démonstration financière. Gardons cependant le cap sur les cibles budgétaires et l'atteinte des surplus nécessaires à l'abaissement de la dette. Ceux-ci pourraient n'être que temporaires (et moins importants qu'ils n'y sembleront si on tient compte des investissements en immobilisation). Il vaut mieux se donner de l'espace.
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Texte 1 de Jacques Parizeau: Ne surdramatisons pas notre endettement
Texte 2 de Jacques Parizeau: Pas de déficit, mais un surplus d'un milliard