BLOGUE. Après le Plan Nord, voici maintenant le Projet Saint-Laurent. François Legault était devant la Chambre de commerce de Montréal, lundi, pour parler de son nouveau plan pour le développement du Québec. Des choses intéressantes, mais vivement son livre pour que l'on saisisse mieux les tenants et aboutissants.
Monsieur Legault a parlé du besoin d'augmenter le transport sur le fleuve de manière à développer nos installations portuaires, dont certaines, comme Montréal, sont actuellement sous-utilisées.
Il a aussi parlé de dépolluer des berges et d'améliorer l'accès à l'eau afin de mieux exploiter le potentiel touristique du Saint-Laurent. Avec une stratégie d'ensemble pour que les visiteurs s'intéressent au Mont Saint-Anne, au Massif, au Fjord du Saguenay, au Rocher Percé et aux Îles de la Madeleine.
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Il a de même insisté sur le besoin d'exploiter nos réserves d'hydrocarbures dans le Golfe du Saint-Laurent. Particulièrement à Anticosti. L'État doit être actionnaire des projets à 49% et rediriger les revenus au remboursement de la dette, a-t-il fait valoir.
Le cœur de son allocution a cependant porté sur la nécessité de créer dans la vallée du Saint-Laurent, une vallée de l'innovation. Qui, avec le temps, deviendrait une Silicon Valley du Nord.
La recette
Cette Silicon Valley pourrait naître en partie dans le parc industriel Saint-Laurent, mais surtout dans l'Est de Montréal, où monsieur Legault souhaite que l'on décontamine les terrains des raffineries pour faire un nouveau parc technologique, aménagé avec originalité. L'espace est vaste, 800 hectares (l'équivalent de près de 140 terrains de football). La décontamination pourrait éventuellement être financée par la revente des terrains.
Pour créer cette nouvelle Silicon, il souhaite faire appel aux universités et à leurs forces en recherche. Avec l'Université de Montréal (incluant Polytechnique et les HEC) et McGill, le Québec a déjà deux universités parmi les 100 meilleures au monde. Il faut bâtir là-dessus et bonifier les financements. Particulièrement en Science, en technologie, en génie et en mathématiques, des domaines où se situent l'avenir économique de toutes les sociétés industrialisées, a dit François Legault.
Comment attirer des entreprises de l'international qui viendront s'installer dans le parc technologique et travailleront avec les universités?
C'est ressorti moins clairement du discours, mais en conférence de presse, monsieur Legault n'a pas caché qu'il faudrait avoir recours à des incitatifs fiscaux.
Une grande réforme est en construction à la CAQ à ce chapitre. Notamment en ce qui a trait aux 4 G$ de crédits d'impôt accordés aux entreprises du Québec.
Trop de crédits sont accordés à des sociétés qui ne sont pas stratégiques pour l'économie, estime le chef de la CAQ. Il entend en réallouer une partie aux entreprises qui paient le plus leurs salariés. Les entreprises dont les salariés gagnent 10-15$ de l'heure les perdront et l'argent épargné pourra être dirigé vers de nouvelles entreprises qui créeront des emplois à 20, 30 ou 40$ l'heure, a-t-il expliqué.
Un doute sur la quantité d'ingrédients
Un doute sur la quantité d'ingrédients
Va jusqu'à maintenant.
Mais des doutes quant à la force des appâts et des ingrédients permettant de créer la Silicon Valley du Québec ont germé dans notre esprit quand monsieur Legault a du même coup parlé du départ d'Électrolux et de ses 1300 emplois. Le Québec aurait à son avis dû ouvrir ses goussets pour conserver ces emplois. En autant, a-t-il précisé, que les retombées fiscales soient supérieures à ce que l'on concède.
Le Tennessee a apparemment payé 90-100 M$ en subventions, congés de taxes municipales et divers avantages pour emporter la mise.
C'est grosso modo 100 M$ que l'on aurait potentiellement sorti d'une manière ou de l'autre. Pour du maintien d'emplois traditionnels, et non la construction d'une nouvelle Silicon.
Sur une période de quelques années, il y aura assurément d'autres Electrolux. François Legault s'est d'ailleurs dit inquiet pour le secteur manufacturier, citant notamment l'exemple d'ADF et d'une usine de charpentes métalliques au Montana.
En ayant à l'esprit que quelques centaines de millions pourraient devoir être consacrés en rétention, plutôt qu'en création, faisons un peu de mathématiques.
De l'enveloppe de 4 G$ de crédits accordés par le gouvernement, 2G$ sont apparemment intouchables, en raison d'ententes avec le fédéral. Il reste donc 2G$ avec lesquels jongler. Mais une partie de ces 2G$ devra sans doute être reconduite à certaines entreprises qui se qualifient déjà aux critères stratégiques (emplois qui paient 20$, 30$, 40$ l'heure). Le chef de la CAQ a de plus annoncé qu'il inclurait désormais dans le crédit en recherche et développement, non seulement les salaires des entreprises, mais également les achats d'équipements et de brevets. Ce pourrait certes être une excellente mesure, mais elle devrait aussi faire significativement grimper la facture.
On a tenté de savoir combien il resterait d'argent pour de nouvelles initiatives au terme de la refonte, mais monsieur Legault n'était pas encore prêt à s'avancer.
D'accord donc pour le principe du Projet Saint-Laurent, qui, comme le Plan Nord, a l'avantage de donner des orientations et de créer une humeur de construction. Mais plus de détails sont nécessaires. Pour s'assurer que l'on vend aux Québécois, non pas de l'inatteignable, mais un projet mesuré.
Un livre est en chantier pour l'automne. Souhaitons qu'on y voit plus clair.
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