BLOGUE. La Place Bell pourrait-elle devenir la Place Québecor?
L'affaire ne fait pas couler autant d'encre qu'on l'aurait cru, mais la bataille n'en est pas moins fort importante.
Lundi, on croyait que tout était finalement attaché et que la Place Bell, le futur centre multifonctionnel de Laval, ouvrirait ses portes en 2015, sous la gestion d'evenko. Le patron d'evenko, Geoff Molson, indiquait même qu'il voulait y amener une équipe professionnelle (que l'on présume être le club école les Bulldogs d'Hamilton).
Mardi en fin de journée, la certitude était ébranlée. Québecor annonçait son intention d'attaquer l'entente entre Laval et le tandem Bell/evenko.
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Les faits
Au cœur du litige, la décision de la Cité de la culture et du sport de Laval (une organisation sans but lucratif composée de représentants municipaux, mais aussi du milieu de la culture et du sport) de changer l'endroit où doit être construit l'amphithéâtre de 120 M$.
Lors d'un premier appel de propositions, en 2011, Bell/evenko l'avait emporté sur Québecor. L'amphithéâtre devait être construit près de l'autoroute 15, non loin du Palais de justice, dans une ancienne carrière. Le projet visait à lancer le développement du secteur.
Deux problèmes allaient cependant survenir. Bien que le site n'était pas en soi contaminé, sa périphérie risquait de l'être et le gouvernement demandait des études caractéristiques du secteur qui risquaient de prendre du temps. Au même moment, on découvrait que le sol sur lequel on devait construire allait demander des aménagements structurels supplémentaires.
Délais accrus et dépassements de coûts prévisibles amenèrent alors la Cité à transporter le projet près de la station de métro Montmorency.
L'argument de Québecor est qu'en agissant ainsi on vient de modifier le projet et que le processus d'appel de propositions doit être relancé.
L'argument de la Cité est que l'emplacement n'est qu'une question accessoire.
Deux détails à connaître. L'entente finale de la Cité avec Bell-evenko n'est pas encore signée. La Cité a répondu à Québecor qu'elle serait prête à tenir un nouvel appel de propositions, mais uniquement si Bell et evenko étaient d'accord. Bell et evenko ne sont évidemment pas d'accord.
Québecor a-t-elle une chance?
Québecor a-t-elle une chance?
Devant la Cour supérieure, mercredi, Québecor a mordu la poussière dans sa tentative d'obtenir une injonction provisoire. Mais, comme le dit le nom de la procédure, l'on n'était qu'au stade provisoire. Les juges n'émettent généralement des injonctions du genre que s'il y a urgence.
Lorsque viendra le moment de plaider au fond, il n'est pas sûr que la décision sera la même.
« Emplacement, emplacement, emplacement », dit la maxime en immobilier. Le futur site est situé directement à côté de la station de métro alors que l'ancien nécessitait la prise d'une navette supplémentaire.
Il est sans doute vrai que pour un spectacle de Bon Jovi, l'emplacement n'aura pas d'importance pour le fan. Mais pour des spectacles de moindre envergure, ou des activités avec billets de saison, c'est une autre histoire.
On serait personnellement porté à croire que Québecor a une assez bonne chance qu'un juge en vienne à la conclusion que l'emplacement n'est pas une question « accessoire ».
Cela ne veut pas dire qu'elle emportera nécessairement l'affaire. Il y a notamment une zone grise sur l'obligation que peut avoir la Cité (l'organisme ne semble pas paramunicipal) de procéder par appel de propositions. Elle a certes un devoir moral, mais a-t-elle également un devoir légal?
Québecor a néanmoins une chance.
Que recherche Québecor?
Que recherche Québecor?
Un certain nombre de réactions observées jusqu'à présent sont à l'effet que Québecor ne cherche qu'à nuire à Bell et evenko et à faire monter les enchères. Qu'elle n'est pas réellement intéressée à Laval.
Si tel est le cas, c'est un jeu dangereux. On se rappellera que l'entreprise est aussi à la recherche d'une franchise de la LNH. Si jamais les tribunaux lui donnaient raison, elle devrait faire bien attention de ne pas s'amener avec une offre dérisoire par rapport au bruit qu'elle fait entendre. Elle a fait quelques faux pas jusqu'à maintenant et doit se garder de fournir des munitions à ceux qui seraient tentés de faire valoir à la LNH qu'il faut être prudent avant d'admettre des tempéraments intempestifs.
Quelque chose nous dit que Québecor n'y est pas par mauvaise foi et tente plutôt un grand coup.
Un chiffre est passé inaperçu, lundi, lors de la conférence de Geoff Molson, mais mérite qu'on s'y attarde. evenko détient 34% de l'auditoire des spectacles présentés au Québec. C'est nettement plus que ce qu'on aurait pensé. Ajoutons l'amphithéâtre de Laval. Supposons ensuite que Bell réussisse finalement avec sa tentative de prendre Astral et la transforme en vaste machine promotionnelle. Il est facile de voir l'énorme emprise qu'aurait alors Bell-evenko sur le marché montréalais.
Québecor a certes un important levier à Québec, où elle a les droits de gestion du futur Colisée. Mais elle doit s'interroger si le marché montréalais ne deviendra pas inexpugnable une fois la Place Bell construite à Laval. Elle doit de même se demander si une Place Québecor ne pourrait pas opérer en synergie sur bien des événements avec le nouveau Colisée de Québec et lui permettre de faire la guerre à Bell/evenko.
Advenant une nouvelle enchère, on serait porté à penser que le tandem Bell/evenko conserve l'avantage. Il a la possibilité d'amener à Laval l'équipe des Bulldogs d'Hamilton. C'est une série d'événements qui permettent d'espérer un certain rendement garanti (du moins sur papier), ce qui permet de miser un peu plus fort.
La Place Bell pourrait bien rester la Place Bell, mais, comme disait Claude Ruel, « y'en n'aura pas de facile ».
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