BLOGUE. La modération est un principe avec lequel on essaie généralement de gouverner notre vie de chroniqueur. Tout est rarement noir ou blanc, en matière économique, souvent gris. Comme la vie en général. Mais cette fois Hydro-Québec exagère. Temps de discuter avec son député.
L'annonce de la nouvelle demande tarifaire d'Hydro-Québec Distribution (HQD) nous a fait sourciller, mardi.
HQD demande une hausse de tarif de 3,4% à compter du 1er avril 2014. Si la requête est acceptée, il en coûtera 20,40$ de plus par année pour un logement, 51,60$ pour une petite maison, 73,20$ pour une maison moyenne et 94,20$ pour une grande maison.
Il y a certaines choses à dire sur cette hausse, et on y revient plus bas.
Mais allons immédiatement au point le plus intéressant. Le communiqué d'Hydro indique qu'elle est dans l'attente d'une décision de la Régie de l'énergie pour la révision de son taux de rendement sur les capitaux, ce qui pourrait ajouter 2% à la hausse.
Autrement dit, le compte d'électricité n'augmenterait pas de 3,4%, mais de 5,4%. Ce qui veut dire qu'il en coûterait 32,40$ de plus pour un appartement, 81,91$ pour une petite maison, 116,25$ pour une maison moyenne et 150$ pour une grande maison. C'est nettement au-dessus de l'inflation.
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Hydro-Québec estime que le rendement que la Régie de l'énergie l'autorise à réaliser lorsqu'elle établit les tarifs d'électricité est trop faible par rapport à celui des autres utilités publiques au Canada et aux États-Unis. Son rendement sur les capitaux propres s'élève à 6,25%, alors que celui des autres utilités se situe apparemment entre 8,5 et 11,5%, selon une étude qu'elle a commandée. Elle souhaite que son rendement soit haussé à 9,2%.
Pourquoi?
Dans un contexte commercial, il est vrai qu'il vaut mieux pour une société offrir un taux de rendement qui soit comparable à celui de ses pairs. Si vous êtes en bourse, ça facilite les opérations de financement et il est généralement possible d'obtenir un meilleur coût de financement (que ce soit par action ou débentures).
Un investisseur veut être payé pour les risques qu'il encourt et si la rentabilité que produit votre concurrente est meilleure que celle de votre entreprise, il vous faudra trouver le moyen de lui offrir plus.
Le principe en cause ici est celui du Fair Return Standard. Selon cette norme, le taux de rendement des capitaux propre doit correspondre au rendement qu'un investisseur serait en droit d'exiger s'il plaçait ses fonds dans une entreprise de risque comparable.
C'est ce que demande Hydro-Québec. Et si Hydro-Québec était Gaz Métropolitain, une société détenue par du capital privé, on serait d'accord.
Mais Hydro-Québec n'est pas Gaz Métropolitain. Elle n'a pas à afficher des rendements similaires. L'endossement de ses activités par le gouvernement du Québec, qui garantit ses emprunts, suffit à lui procurer le meilleur des accès au marché des capitaux.
Autrement dit, cette demande de hausser le rendement autorisé n'a pour but ultime que d'augmenter la rentabilité d'Hydro et aider les coffres de l'État.
Cette demande de fonds supplémentaires aux abonnés apparaît d'autant plus déplacée qu'elle survient alors qu'Hydro est sur le point de leur demander de payer pour certains excès du trésor public.
Ce que coûteront les derniers excès
Ce que coûteront les derniers excès
Revenons en effet à la demande de hausse tarifaire.
Le communiqué signale que l'éolien, acheté à fort prix, pèsera pour 2,7% de la hausse de 3,4%.
Scandaleux? Non, contrairement à l'attente, on ne déchirera pas notre chemise sur cette hausse.
Celle-ci est essentiellement attribuable au deuxième appel d'offres d'Hydro-Québec pour de l'éolien. À cette époque (2005), il n'était pas aussi clair que l'on se dirigeait vers des surplus d'électricité de l'ampleur de ceux dont on dispose. Il y avait une prime pour de l'électricité verte, mais on pouvait voir un besoin. On donnera le bénéfice du doute.
Cela dit, des documents déposés à la Régie de l'énergie, on constate que cet appel d'offres coûtera en 2014 plus de 418 M$ à Hydro. De mémoire, il s'agissait de 2000 MW d'électricité.
Or, depuis, un troisième appel d'offres a eu lieu (en 2009). De 500 MW. Pour lequel on ne peut donner le bénéfice du doute. Et un quatrième est maintenant dans les cartons, de 800 MW.
Ces deux appels d'offres n'étaient pas nécessaires. Une simple règle de trois permet de penser qu'ils pourraient à eux deux coûter près de 275 M$.
Fini l'excès?
Nenni. Il faut aussi parler un peu de biomasse. Les documents font voir un coût de 89,8 M$ pour 2014. On comprend qu'il s'agit principalement des contrats accordés dans le cadre de l'avant dernier appel d'offres de 150 MW (2011). Un autre, encore de 150MW, a été ouvert, il y a quelques mois. On n'a pas plus besoin de cette électricité, mais il faut soutenir l'industrie papetière. C'est dire que 89,8 M$ de nouveaux tarifs semblent se profiler pour dans quelques années.
L'addition du tout (les deux derniera appels d'offres d'éolien et les deux de la biomasse), donnent un total de dépenses à venir (année 2015 et suivantes) de 455 M$. C'est une hausse de tarifs qui est équivalente à près de 3%.
Mis à part le cas de l'électricité patrimoniale (qui demande une discussion historique nuancée), Hydro-Québec doit cesser de servir de machine à subventions.
Pourrait-on dans le contexte à tout le moins demander à Hydro et au trésor public d'abandonner la demande d'ajustement de rendement (2% de hausse)?
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