BLOGUE. Le gouvernement du Québec annule la réalisation de six minicentrales privées qui devaient générer 50 Mégawatts d'électricité. Une bonne décision. Ce n'est malheureusement qu'une goutte dans un verre de surplus. L'appel d'offres de 700 MW d'éolien promis par le gouvernement Charest à la veille des élections devrait aussi être annulé. Tout comme celui pour 150 MW supplémentaires à partir de la biomasse.
Le Québec nage dans les surplus d'électricité. La dernière mise à jour d'Hydro-Québec estime que nous serons encore en surplus en 2027.
Chaque fois que la société d'État signe un nouveau contrat d'approvisionnement en électricité, elle se creuse une perte. Elle achète de l'électricité dont elle n'a pas besoin et voit ainsi sa rentabilité s'affaiblir. Option Consommateur, dont les chiffres sont contestés par Hydro, évalue que d'ici 2020, la perte cumulée occasionnée à Hydro pourrait atteindre 4,5 G$.
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En annulant les projets de minicentrales, le gouvernement vient de faire un premier pas. Mais c'est un bien petit pas. Qu'est-ce en effet que 50 MW, lorsqu'on le met en comparaison avec l'appel d'offres de 700 MW qu'a promis le gouvernement Charest pour l'éolien et les 150 MW supplémentaires en cours pour de la biomasse.
L'éolien est-il plus justifié?
Il faut évidemment se garder de simplifier la situation à outrance. L'industrie éolienne plaide qu'elle génère 4000 emplois dont les salaires viennent compenser le trésor public. Elle fait aussi valoir que le plan stratégique d'Hydro-Québec prévoyait initialement l'installation de 4000 MW d'électricité et que les derniers 700 MW sont nécessaires à la crédibilité de la province. Des investissements ont été effectués au Québec sur la base de 4000 MW, dit-on, et ce serait manqué à notre engagement de ne pas se rendre au bout de la promesse.
L'argument des emplois est un leurre. Il est douteux que l'éolien emploie réellement 4000 salariés. Les libéraux parlaient d'un peu plus de 1000 cet été. Il nous a en outre été donné d'observer qu'un certain nombre des emplois que l'on attribue au secteur sont principalement redevables à d'autres secteurs d'activités comme le gaz naturel. Il faut surtout bien comprendre que l'exercice d'accorder un contrat éolien est dans le contexte actuel l'équivalent de subventionner à presque 100% l'industrie. C'est fort discutable. D'autant qu'au terme de cet éventuel appel d'offres l'industrie semble devoir de toute façon tomber.
L'argument de la crédibilité du Québec face aux investisseurs a plus de poids, mais demande nuance. Le gouvernement du Québec n'a pas promis 4000 MW, il a inscrit 4000 MW dans son plan stratégique en indiquant que ses appels d'offres exigeraient un certain pourcentage de contenu québécois. Il y a un monde de différence entre un plan stratégique d'Hydro et un contrat. L'industrie le sait, et elle savait aussi que son développement n'était pas sans risque d'affaires.
La biomasse
La biomasse
Au mois d'août, après que le gouvernement du Québec eut annoncé qu'il allait venir à la rescousse de la papetière White Birch (à Québec) avec un bloc de 9 MW d'électricité en cogénération, il nous était venu à l'esprit de comptabiliser le nombre des projets biomasse.
Il y avait l'usine de cogénération de Fibrek (33 MW), celle de Tembec au Temiscamingue (50 MW), celle de Turso (18,8 MW), celle de Lebel-sur-Quévillon (26 MW), celle de Dolbeau (26 MW). Déjà bien plus que les 150 MW requis par l'appel d'offres en cours.
-Non, monsieur Pouliot, le gouvernement vient d'en autoriser un 150 MW supplémentaire, s'était-on fait répondre chez Hydro.
Encore ici, nous n'avons pas besoin de cette électricité. La nouvelle mesure n'a pour but que de soutenir l'industrie du papier en lui permettant d'obtenir des revenus prévisibles dans les creux cycliques.
Dans une situation de déficit énergétique, l'initiative serait louable. Dans une situation de surplus, c'est, comme dans l'éolien, de la subvention.
Évidemment, comme dans l'éolien, il y a aussi un risque pour un certain nombre d'emplois, ou à tout le moins la hauteur de certaines conditions de travail. Mais personne n'accepterait que l'on subventionne directement une industrie en déclin pour les maintenir.
L'industrie de la transformation
Certains avanceront que les 850 MW d'électricité ne devraient pas être annulés car l'on pourrait utiliser nos importants surplus d'électricité pour plutôt attirer des industries de transformation. Une fois les surplus affectés, nous aurions alors besoin de ces projets.
On n'est pas très sûr d'une telle initiative. En 2041, nous perdrons Churchill Falls et toute industrie que nous auront construit sur la base d'une énergie à faible coût pourrait bien nous exploser à la figure. Churchill Falls est ce qui permet d'offrir de faibles prix à l'industrie de la transformation.
Pour obtenir une économie durable, il nous faut construire sur des avantages qui lui sont propres et non sur de l'artifice redevable au trésor public.
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