Il y avait de l'atmosphère, mardi matin, alors que Geoff Molson et Alain Simard levaient un peu de voile sur la transaction qui fait passer le groupe Spectra au Groupe CH.
Alain Simard et Geoff Molson étaient visiblement très fiers de s'être entendus entre Québécois pour tenter de faire rayonner encore davantage le Montréal culturel. On a entre autres eu droit à un récit coloré du premier repas ayant donné lieu aux premières tractations, il y a deux ans. Monsieur Molson a notamment salué le bon goût de monsieur Simard, qui s'y était commandé une Molson Ex…!
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À l'évidence, Alain Simard est fier de ce qu'il a construit, de l'équipe avec qui il travaille, de la Ville de Montréal, et du Québec. Il était apparemment courtisé par plusieurs, dont un certain nombre d'entreprises étrangères. Il a préféré vendre à un groupe contrôlé par la famille Molson. Parce qu'il la connaît bien comme partenaire d'affaires et considère qu'elle fait montre depuis des années de valeurs qu'il partage. Monsieur Simard, comprend-t-on, n'avait pas le goût d'arrêter (et Geoff Molson n'avait surtout pas le goût qu'il arrête). Il voulait continuer de travailler avec quelqu'un avec qui il pourrait bien s'entendre. En entretien, il a d'ailleurs estimé qu'il aurait probablement pu vendre à un meilleur prix s'il avait davantage porté attention aux autres offres.
Le malaise et l'indécision
On est quand même ressorti de la rencontre avec un malaise. Et indécis.
Il y a un an, dans une allocution annonçant la construction de la Place Bell, à Laval, Geoff Molson avait indiqué qu'evenko, la branche de production de Groupe Bell, détenait 34% de l'auditoire de spectacles au Québec.
Ajoutons les 10 000 places à venir de la Place Bell, et les parts de marché de Spectra, et l'on voit tout de suite la force du géant qui est en train de se construire.
Monsieur Molson n'était pas en mesure de s'avancer sur la hauteur des parts de marché que détiendrait le nouveau groupe, mais, il apparaît que, dans les grands événements produits à Montréal , on sera bientôt en situation de quasi-monopole. Si on n'y est pas déjà.
Évidemment, il y a aussi Québecor qui s'amène à Québec, et qui ne restera pas les bras croisés. C'est plus de concurrence à venir.
Mais, parce qu'elle sera surtout située dans la région de Québec, cette concurrence accrue risque davantage d'affaiblir des événements locaux, comme le Festival d'été, ou des exploitants locaux. On voit moins bien comment Québecor pourra significativement affaiblir la nouvelle prérogative de Groupe Bell-Spectra sur le marché du spectacle montréalais. La région de Montréal compte près de la moitié de la population de la province, et probablement une plus forte proportion encore de la population qui fréquente les événements culturels.
Alain Simard a bien pris soin de préciser que, depuis des années, il produisait des artistes de toutes les maisons de production aux événements que Spectra organise, et nous a mis au défi de trouver un artiste qui avait eu à se plaindre de ne pas avoir accès à la scène en raison de favoritisme. Il a sans doute raison. Mais il y a aussi la question des autres producteurs de spectacles, qui doivent pouvoir conserver un bon accès au marché et ne pas être écrasés par une nouvelle machine trop forte.
On n'a aucun doute sur la bonne foi de monsieur Simard. Il est, au passage, un leader qui donne vraiment le goût de le suivre. On est aussi un grand partisan de Geoff Molson, dont la bonne foi n'est pas non plus en question.
Le principal problème ne se situe pas là, mais au niveau des structures.
Aux personnes de bonne foi (comme c'est le cas aujourd'hui) peuvent un jour succéder des personnes de moins bonne foi. Or, il est apparent que l'activité culturelle du Québec, qui est en grande partie financée par de l'argent public, est de plus en en train de se structurer en avançant sur le chemin qui conduit au monopole, au mieux sur celui qui conduit au duopole.
Il serait intéressant que le Bureau de la concurrence jette un œil à cette transaction et en mesure les différents impacts pour l'industrie.
Évidemment, il serait moins intéressant de voir passer Spectra en des mains étrangères.
C'est pour cela que l'on est ressorti de la rencontre avec un malaise, et indécis.
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