BLOGUE. C’est avec une assez grande surprise que notre collègue François Normand nous a appris, il y a quelques jours, que la Caisse de dépôt et placement ne voulait pas commenter la décision du gouvernement fédéral d’abolir le crédit d’impôt de 15% aux fonds de travailleurs. Une mesure qui risque de frapper durement Fonds de Solidarité et Fondaction.
Curieux quand même. On a relancé la Caisse pour essayer de mieux comprendre son silence. Au bout de quelques jours, celle-ci nous est finalement revenue avec la déclaration suivante :
« Nous ne commentons jamais les débats de nature politique. Cela dit, on constate que cette mesure risque d’avoir des impacts négatifs sur le niveau d’épargne au Québec et dans le reste du Canada. »
D’après vous, la Caisse est-elle favorable au retrait du crédit d’impôt ou le déplore-t-elle?
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Elle constate que le retrait du crédit d’impôt risque d’avoir des impacts négatifs sur le niveau d’épargne au Québec et au Canada. Elle ne va pas jusqu’à dire qu’elle le déplore et glisse surtout sur l’aspect le plus importants du dossier : le niveau d’injection de capital de développement dans l’économie du Québec.
Au printemps 2011, nous avions reçu en entretien éditorial François Legault et Charles Sirois. La discussion avait notamment porté sur le rôle de la Caisse dans l’économie du Québec. Devant nos hésitations face à une trop forte implication dans l’économie du Québec, monsieur Sirois s’était enflammé : « Il n’y en a pas de capital privé au Québec. On ne peut pas l’inventer, il n’y en a pas. On a juste du capital collectif. Si en plus notre capital collectif on n’y a pas accès, on part avec un environnement plus hostile qu’ailleurs. »
Personne ne sait ce que monsieur Sirois pense du retrait du crédit d’impôt fédéral, mais il serait étonnant qu’en deux ans, il soit arrivé au Québec nettement plus de capital de développement.
Au-delà de toutes les questions de gouvernance qui ont particulièrement entaché la réputation du Fonds de solidarité, et de tout le débat gauche-droite, la principale question dans ce dossier concerne le niveau de capital de développement qui demeurera injecté dans l’économie du Québec. Personne ne peut prédire avec certitude quel sera l’impact de l’abolition du crédit d’impôt fédéral. Mais il est des scénarios où l’on peut anticiper une forte fonte de ce capital dans le temps. Qu’il suffise d’un recul de marché senti dans l’année qui précèdera l’abolition du crédit, et il sortira beaucoup plus d’argent des fonds de travailleurs qu’il n’y en entrera.
La Caisse a-t-elle raison de se taire?
La Caisse a-t-elle raison de se taire?
Il est facile de comprendre l’hésitation de la Caisse.
Il s’agit d’une situation où effectivement il y a un affrontement politique. Certains y verront peut-être aussi une situation où elle serait somme toute heureuse d’un affaiblissement des fonds de travailleurs, ceux-ci étant parfois en compétition avec elle sur certaines cibles d’investissement. Ce n’est toutefois vraisemblablement pas un argument qui pèse lourdement dans sa réflexion. Si l’on déshabille en partie les fonds, il est clair en effet qu’ils rechercheront encore davantage les placements plus sûrs que recherche la Caisse.
Reste donc uniquement le motif voulant que la Caisse ne fait pas de politique.
Qui doit être arbitré avec la mission de la Caisse.
Celle-ci stipule que l’institution doit contribuer au développement économique du Québec. N’est-ce que par le rendement qu’elle doit contribuer au développement économique du Québec, ou est-ce aussi par ses avis, lorsqu’une question d’importance tombe dans son champ d’expertise? Bien peu d’observateurs sont mieux placés que la Caisse pour juger du marché du capital au Québec.
À l’évidence, le conseil d’administration de l’institution opte pour la première avenue. Pour l’heure, la position donne malheureusement aussi l’impression que la Caisse cautionne le risque d’appauvrissement du capital de développement au Québec dans les prochaines années.
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