BLOGUE. Les temps sont difficiles pour le Fonds de solidarité. Éclaboussé par tout ce qui se passe à la Commission Charbonneau, il doit au même moment batailler pour tenter de conserver son crédit d'impôt fédéral de 15%. Ottawa doit faire marche arrière. Pour aider à la volte-face, le président du conseil, Michel Arsenault, devrait tenter une ultime manœuvre et annoncer qu'il se retirera de la présidence au bénéfice d'un indépendant.
C'est une intéressante étude qu'a dévoilé mardi la firme KPMG pour le compte du Fonds de solidarité.
Non, le retrait du crédit d'impôt fédéral ne créera pas de crise de liquidités. L'impossibilité de retirer son argent avant l'atteinte de la retraite fait en sorte que le Fonds est protégé. Si jamais tous ceux qui ont le droit de sortir décidaient de le faire en 2014, c'est 1,2 G$ qui quitteraient le navire. Mais le Fonds a la capacité de réaliser pour 4,3 G$ de liquidité en moins d'un mois s'il le désire.
À long terme, à cause du programme d'épargne systématique, la situation n'apparaît pas non plus périlleuse pour les actionnaires. Ce programme amène actuellement plus de 50% des capitaux du Fonds. Un certain nombre de participants cesseront d'adhérer, mais beaucoup devraient rester puisque que l'on présume que plusieurs focalisent davantage sur l'épargne que sur le rendement. Il restera de même toujours un bon nombre d'opportunistes souhaitant profiter du crédit provincial à leurs dernières années sur le marché du travail.
Pour le Québec, la situation est cependant préoccupante.
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KPMG présente un scénario qualifié de "pessimiste" sur ce que sera l'impact du retrait du crédit d'impôt dans sept ans (2020). Il postule que devant les rendements moindres qu'obtiendront les investisseurs, les souscriptions baisseront de 47% et que les sorties s'accélèreront de 75%. C'est un scénario que l'on qualifierait plutôt de "fort possible".
Son résultat: l'enveloppe d'investissements en capital de risque et en capital de développement fondra de 521 M$ à 250 M$.
Voilà un malheureux recul. Le Québec a besoin de ce capital. Il a besoin d'investisseurs plus patients sur les résultats. Et on ne voit guère dans le paysage financier qui peut relayer le Fonds. La Caisse a des objectifs de rendement plus élevés qui font que certaines entreprises n'auront pas accès au capital nécessaire à leur développement.
La taille du Fonds a souvent été critiquée en certains milieux, et ses placements jugés trop sécuritaires par rapport à leur coût.
L'argument du "trop sécuritaire" ne résiste pas aux rendements affichés par le Fonds.
Quant au coût, il ne faut pas le nier, mais il faut aussi reconnaître l'effet multiplicateur qu'il engendre dans un créneau où, on l'a dit, le capital ne se bouscule pas. En 2012, les entrées de fonds ont coûté 230 M$ à Québec et Ottawa, alors que le Fonds a injecté 908 M$ dans son portefeuille de risque et de développement. C'est 3,3 fois la mise. Cette année, avec les injections prévues de 521 M$, le multiplicateur devrait être un peu plus faible, à deux fois.
Où se trouve le problème?
Au départ, Ottawa avait surtout parlé de l'échec de la formule des fonds de travailleurs en citant des exemples dans le reste du Canada. L'Ontario a notamment aussi abandonné l'approche. Le ministre Flaherty ne semblait pas bien au fait de l'utilité de l'outil au Québec.
Pendant un temps, on a cru que la levée de boucliers avait pu le convaincre. Mais non, le gouvernement donne aujourd'hui l'impression d'être idéologiquement ancré contre le capital des syndicats.
La dernière carte
La dernière carte
Il faut dire que le Fonds de solidarité n'a pas non plus tellement aidé sa cause au cours de la période de réflexion fédérale. Les démêlés avec la Commission Charbonneau et le retour des allégations de favoritisme ont de nouveau mis à mal sa réputation dans l'opinion publique.
Devant des allégations similaires, la gouvernance du Fonds de solidarité a été nettement élevée en 2009, avec une vaste refonte des façons de faire. Les placements effectués doivent aujourd'hui avoir reçu l'approbation de comités d'analyse sur lesquels siègent une majorité d'indépendants, des indépendants qui ne veulent pas perdre leur nom.
Malheureusement ces changements ne sont jamais rapportés dans les médias et l'on reste sur l'impression que la FTQ a une influence néfaste sur les investissements et les façons de faire du Fonds. Bref, que d'importants problèmes de gouvernance persistent.
Le mal est fait. Il faudrait maintenant un geste important, d'abord pour dissiper tout doute quant à l'avenir, mais surtout, pour tenter d'infléchir ce qui semble être une opposition philosophique aux organes syndicaux.
Il y a quelques semaines, le directeur général de l'Institut sur la gouvernance des institutions publiques et privées (IGOPP), Michel Nadeau, indiquait au Devoir que le moment était peut-être venu de penser à amender la loi afin d'avoir moins de représentants du milieu syndical autour de la table du conseil et plus d'administrateurs indépendants. Il estimait que la majorité des membres pourraient être élus par les actionnaires et recommandait que le président du conseil soit lui-même un administrateur indépendant.
Monsieur Nadeau estimait aussi que le président actuel, Michel Arsenault, devrait rester.
D'accord pour l'instant, mais il devrait aussi rapidement annoncer qu'il amorce cette refonte et qu'il cèdera sa place de président du conseil à un indépendant une fois le travail complété.
Il est douteux que cet affaiblissement de l'influence syndicale sur le Fonds infléchirait les conservateurs, mais, pour le bien du Québec, ça semble être la seule carte qui reste à jouer.
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