BLOGUE. C'est avec une assez grande surprise que l'on a pris connaissance, mardi, des derniers calculs d'Aon Hewitt sur les déficits des régimes de retraite. Ce qui était inimaginable en décembre, est en train de se produire: les déficits de solvabilité des régimes de retraite fondent à vitesse grand V.
Au 31 décembre 2012, le taux de solvabilité médian des 275 régimes de la maison était à 69%, un quasi bas de tous les temps. Au 30 septembre 2013, il est maintenant à 88%.
Le taux de solvabilité est le ratio de la valeur marchande des actifs par rapport au passif (les rentes promises). Il permet de voir quelle proportion de leur rente les participants pourraient recevoir si le régime prenait fin aujourd'hui.
La remontée surprend tout le monde, le comité D'Amours y compris. Dans son rapport, le comité parlait du mirage de l'embellie du marché et estimait que même une hausse de 2% des taux d'intérêt ne pourrait ramener le taux de solvabilité d'un régime de retraite qu'à 80%.
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Depuis le début de l'année, les taux d'intérêt long terme (10 ans à 30 ans) n'ont grimpé que de 0,75% (10 ans à 2,54%; 30 ans à 3,07%). Mais la performance des marchés boursiers, particulièrement aux États-Unis (+19,8%) et à l'étranger, a été nettement supérieure aux anticipations.
La nouvelle est bonne pour les employeurs du Québec. La prochaine évaluation viendra faire fondre le déficit encore à rembourser significativement. C'est dire que les cotisations de remboursement devraient chuter de façon marquée.
Claude Lockhead, de chez Aon, calcule qu'un régime de retraite privé mature (avec beaucoup de retraités) coûte actuellement l'équivalent de 30% de la masse salariale en cotisations de remboursement. Avec les derniers chiffres, ces cotisations pourraient être coupées de moitié. C'est fort significatif.
Autre bonne nouvelle, le scénario de régimes qui reviendraient à la pleine solvabilité est désormais envisageable. Une hausse des taux d'intérêt de 1% sur trois ans, combinée à une progression des cours boursiers de 15%, permettrait de tout ramener à l'équilibre. Et ce, sans tenir compte des cotisations de remboursement des employeurs.
Monsieur Lockhead prévient cependant qu'il est trop tôt pour sabrer le champagne. L'espérance de vie continue de s'améliorer et de nouvelles tables de mortalité devraient arriver en 2014. Le coût des régimes devrait alors grimper de 5 à 8%.
Il faut aussi que l'embellie financière tienne.
Pendant ce temps au public…
Pendant ce temps au public...
Qu'en est-il pendant ce temps dans les municipalités et les universités du Québec?
Malheureusement, la situation y est fort différente.
L'embellie financière n'a que peu d'impact sur les déficits actuariels parce que, dans leur cas, la norme de remboursement n'est pas établie en fonction du taux de solvabilité, mais du taux de capitalisation.
C'est cette norme différente qui, avec le temps, a causé le grand problème. En 2006, il a été décidé que, parce que les régimes des universités et des municipalités étaient pérennes (sans danger de faillite), il n'était pas nécessaire de les soumettre à la norme du taux de solvabilité, qui est plus sévère. Avec la norme de solvabilité il faut renflouer son déficit en fonction d'une fin de régime qui peut arriver demain. Le régime doit déjà disposer de tous les actifs nécessaires pour rembourser les pensions promises. Avec la norme de capitalisation, le renflouement ne s'effectue qu'en fonction d'hypothèses à long terme.
Concrètement, la difficulté est que pendant que l'on demandait aux entreprises privées de rembourser rapidement pour le cas où elles fassent faillite, on se disait que les municipalités et villes pouvaient attendre que les marchés rejoignent les hypothèses de rendement à long terme des régimes. Les entreprises remboursent depuis longtemps d'assez grandes sommes. Les municipalités et les universités, pour leur part, remboursent à des niveaux nettement plus faibles.
C'est pour cela que le secteur public fait face à des déficits si importants. Il n'a pas beaucoup renfloué et, plutôt que d'être atteintes, les hypothèses actuarielles de rendement à long terme sont par-dessus le marché aujourd'hui abaissées.
Le sourire revient dans le privé, les pleurs et les grincements de dents se poursuivent dans le public. Et, dans ce deuxième cas, le redressement des marchés ne pourra malheureusement qu'amener peu d'améliorations. Ce sont les nouvelles hypothèses de rendement plus conservatrices qui gouvernent l'état des déficits du public. Et il faudra plusieurs années de bonne performance réelle avant qu'on ne s'aventure à les modifier.
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