BLOGUE. Si vous avez suivi la comparution des Villes de Montréal et Québec devant la commission parlementaire sur le rapport D'Amours, vous n'avez probablement qu'une seule certitude: d'importants troubles sociaux se dessinent.
Depuis la semaine dernière, cette commission parlementaire impressionne par le sérieux qu'y mettent ses membres, mais également par celui des interlocuteurs qui y défilent. Tous cherchent une solution et chaque parti politique tente d'y voir plus clair. Curieusement, très peu de journalistes suivent le dossier. D'ici quelques mois, la chose aura nettement changé.
Le maire de Québec, Régis Labeaume, a de nouveau réclamé vendredi le droit de décréter unilatéralement les conditions des régimes de retraite de ses employés. La Ville de Montréal a demandé la même chose différemment, en balisant sa requête (réduire de façon unilatérale les prestations jusqu'à un maximum équivalent à 20% du passif actuariel). C'est aller nettement plus loin que ce que recommandait le rapport D'Amours, en suggérant de couper l'indexation des rentes, mais en forçant l'employeur à injecter dans le régime un montant équivalent.
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Voici quelques éléments de réflexion et pourquoi, à notre avis, c'est finalement le gouvernement du Québec qui devra décréter qui contribue pour combien.
Avec quelle force faut-il capitaliser les régimes des villes et universités?
Les discussions ont beaucoup porté en journée sur la nouvelle méthode de calcul des déficits actuariels, suggérée par le comité D'Amours. La fameuse "capitalisation améliorée". Beaucoup sont d'accord, mais il apparaît évident que si l'on retient cette formule, ce qu'on a vu comme troubles sociaux lors du conflit étudiant ne sera que de la petite bière.
Le déficit actuariel de la Ville de Québec bondirait de près de 580 M$ à 1,3 G$. Le saut est encore plus important à la Ville de Montréal où le déficit passerait de 2,5 G$ à quelque chose comme 6,2 G$.
Juste pour donner un peu de perspective, à Québec, le coût annuel du renflouement des déficits représenterait alors 24% du compte de taxe, soit 624$ pour une maison de 260 000$. À ce niveau, selon un rapide calcul maison, ce serait une charge supplémentaire de plus de 300$ par année pour le contribuable.
Conserver la méthode actuelle de calcul aurait donc pour effet de faire significativement baisser les tensions.Tous s'entendent malheureusement pour dire que la méthode actuelle est appuyée sur des hypothèses de rendement futur trop généreuses.
Une autre solution a été proposée par l'Université Laval, mercredi. Les hypothèses semblent mitoyennes. Les parlementaires devraient l'explorer.
Une fois que l'on se sera entendu sur la méthode, et que tout le monde s'entendra sur les montants en jeu, on pourra commencer à discuter.
Ok, de quoi discute-t-on alors?
Ok, de quoi discute-t-on alors?
C'est ici que ça se complique. Toutes les administrations municipales appellent à la négociation, mais que veut-on au juste?
À ce jour, les villes renflouaient une partie seulement du déficit actuariel, parce qu'elles bénéficiaient d'allègements temporaires. Cette partie est déjà dans le compte de taxe des contribuables.
Il faudra un jour arrêter ces allègements, autrement, la caisse finira par être à sec. C'est une première hausse de contribution à venir. Une seconde, on vient de le voir, proviendra de la nouvelle méthode de calcul des déficits. Un gonflement de contributions au renflouement des déficits est donc assuré.
Demande-t-on aux salariés et aux retraités de contribuer à 50% avec les contribuables pour ce nouveau gonflement de contributions? Leur demande-t-on de contribuer à 100%? Leur demande-t-on de contribuer à 50% dans le gonflement de contributions à venir et à 50% dans les contributions qui étaient jusqu'à maintenant assumés à 100% par les contribuables?
Il y a plusieurs choix possibles, et tous n'ont pas les mêmes conséquences pour le contribuable et les salariés. Certaines villes veulent profiter de ce débat pour se redonner de la latitude financière et mettre l'argent économisé ailleurs (option où les salariés contribuent à 100% à ce qui est à venir et à 50% dans ce qu'elles assument déjà). D'autres ne veulent qu'éviter une nouvelle hausse de taxes, ouà tout le moins une hausse sentie.
Il s'agit de trancher entre l'intérêt du payeur de taxes, qui est passablement essoufflé, et celui des salariés, qui tiennent aux promesses qui leur ont été faîtes, parce qu'elles ont été obtenues en échange de concessions et parce qu'on y a appuyé un train de vie qui aurait été autre.
C'est à Québec de trancher ce qui doit être. Qui doit contribuer aux nouvelles charges et aux anciennes. Autrement, on n'en sortira pas.
L'approche aurait en outre pour avantage de mettre de côté tout le débat sur le déséquilibre des pouvoirs de négociation.
Une fois que le gouvernement aura établi dans quelle proportion d'un déficit les salariés doivent faire un effort, on n'aura plus à discuter du droit de décret demandé par la Ville de Québec ou de Montréal. Il suffira d'introduire une pénalité financière que devraient verser au trésor public, et les syndicats, et les villes, si, à une date donnée, une entente n'est pas intervenue sur les aménagements permettant l'élimination des déficits. Tous auront alors intérêt à régler.
Et les retraités, eux?
Ils sont la donnée difficile de l'équation. D'abord parce qu'ils n'ont aucun système de représentation légalement encadré. On peut discuter avec un syndicat qui est législativement habilité à représenter des salariés. Une association de retraités n'a pas réellement cette force légale de contraindre ses membres par sa seule signature.
Pour éviter un capharnaüm encore plus important, Québec n'aura probablement pas le choix ici aussi de décréter le niveau de contribution nécessaire. On ne peut pas vraiment leur demander plus que de renoncer à l'indexation de leur pension.
À Québec, donc, de trancher. En souhaitant que le débat continue de se faire sereinement.
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