BLOGUE. Doit-on abandonner l'objectif du déficit zéro pour cette année et l'an prochain, ou faut-il s'y conformer?
L'ancien premier ministre Bernard Landry nous a étonné la semaine dernière, lorsque, dans un entretien à bâtons rompus, il a indiqué être plutôt favorable à un relâchement des cibles budgétaires et à la mise en place d'éléments de stimulation.
Monsieur Landry estime toujours qu'il faut être à l'équilibre à long terme, mais croit que l'État doit parfois, budgétairement, faire un pas en arrière, pour stimuler la croissance économique (et les revenus) des années qui viennent. Il a en outre soutenu que la commande était lourde pour l'avenir, avec des coûts de la santé qui allaient grimper de 6% par année.
La position est intéressante, et s'il était appelé à la développer, monsieur Landry aurait probablement d'autres arguments à soumettre.
Reste que l'échange nous a fait peur.
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Parce qu'il vient donner une caution à ce que semble en train de faire le gouvernement avec sa politique économique. Et parce que, même si officiellement elles montrent des dents, les deux oppositions ne donnent pas l'impression d'être les meilleures chiens de garde de la discipline budgétaire. Nos échanges avec eux peuvent être ainsi résumés: "Il faut atteindre les cibles. Mais si le déficit devait être trop important, et qu'une élection avait lieu, on ne peut pas promettre qu'on atteindrait les cibles parce que ce serait impossible".
D'où vient le relâchement et pourquoi il est dangereux
Il n'est pas difficile de comprendre d'où vient cette humeur de relâchement budgétaire. "Qu'est-ce que 1 ou 2 G$ d'écart sur un budget de 70 G$? Ce n'est pas énorme, surtout que l'on a fait beaucoup d'efforts dans les dernières années. Envoyons-en un peu plus à la dette, le cycle économique reviendra et ça ne changera pas grand-chose", semble être l'idée générale.
Le danger est pourtant grand que l'on soit sur le point, encore une fois, de répéter l'erreur du passé.
Une recension des budgets des 40 dernières années permet de voir que chaque fois que l'on s'est approché d'un équilibre structurel des finances publiques, on a abandonné en cours de route, toujours au motif qu'il ne s'agissait que d'un dépassement temporaire, qui ne causerait pas problème à long terme.
Le premier programme de stimulation de la période fut mis en place en 1975-76, à l'époque de la crise pétrolière. Le programme devait théoriquement faire passer le déficit de 225 à 300 M$. Et permettre un retour à l'équilibre dans les années subséquentes. Il fit plutôt exploser le déficit à 900 M$ et jamais la somme ne fut ensuite récupérée. La dette du Québec étant faible, personne ne s'inquiéta finalement de ce dépassement, ni des subséquents qui survinrent.
À la fin des années '80, Gérard D. Lévesque donna enfin un coup de barre, et abaissa radicalement les déficits.
Vint cependant une élection, et au sortir du mandat libéral, en 1995-1996, le déficit était de nouveau totalement hors de contrôle, dépassant les 6 G$.
Monsieur Lévesque avait déclaré:"Dans la seconde étape, il sera nécessaire de réaliser des surplus de manière à amorcer la liquidation des déficits accumulés dans le passé». Une question d'équité envers les générations suivantes, mais aussi d'espace de manœuvre.
Près de ving-cinq ans plus tard, on attend toujours cette deuxième étape, et la dette est passablement plus élevée.
Pourquoi on ne parvient pas à s'en sortir?
Pourquoi on ne parvient pas à s'en sortir?
Simplement parce qu'à tout moment on relâche la discipline budgétaire au motif qu'il ne s'agit que d'un dépassement temporaire, qui est négligeable dans le tout. Et que ce dépassement sera plus tard récupéré lorsque le cycle économique s'améliorera. Malheureusement, le cycle ne dure jamais assez longtemps et est souvent propice à d'autres relâchements budgétaires où s'ajoutent prématurément de nouvelles charges.
C'est différent cette fois, dites-vous.
Vraiment?
En 2009-10, la ministre Monique Jérôme Forget annonçait un nouveau programme de stimulation qui devait redonner de l'élan à l'économie et permettre d'opérer à même la reprise une restructuration des finances qui conduirait à un équilibre structurel en 2013-14.
Voilà que le gouvernement vient de dévoiler une politique de stimulation qui pèsera pour 300 M$ supplémentaires sur les finances publiques en 2014-15 (revenus générés moins dépenses), alors que l'on n'a pas encore réussi à récupérer les milliards engagés dans la dernière opération.
Il faudra sept ans pour récupérer les coûts de la politique économique. Un horizon qui risque d'être encore une fois plus important que la durée d'une éventuelle reprise.
Ce n'est pas différent cette fois. L'on s'apprête encore une fois à déroger à la rigueur budgétaire en pariant que l'avenir apportera une solution.
Le temps est venu de revenir à l'objectif lancé il y a 25 ans par Gérard D. Lévesque. La dette doit redescendre à un niveau plus gérable. Une question de respect pour la génération à venir. Il faut coller aux cibles.
Il n'y a pas de certitude sur l'ampleur du manque à gagner vers lequel on se dirige. Certains parlent de 1G$, d'autres de 2 G$. Les précisions devraient venir prochainement avec la mise à jour économique (il est impensable qu'elle n'ait pas lieu avant d'éventuelles élections).
Il y a cependant une certitude sur ceci: nous étions début octobre, lorsque, l'an dernier, le Parti québécois a amorcé des mesures de compressions visant à combler le trou surprise de 1,6 G$ pour 2012-13.
L'effort qui se dessine est du même ordre, sauf que le calendrier commence à dangereusement avancer. Il faudrait commencer à compresser maintenant.
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