BLOGUE. Ainsi, le Groupe CH, propriétaire d'evenko, est en discussions pour acquérir Spectra, un autre important producteur de spectacles, exploitant de salle, et gestionnaire d'artistes.
La Presse faisait état samedi d'un projet de transaction, qui, dans son essence, n'a pas été nié par les principaux intéressés.
Dans un communiqué, Spectra et evenko indiquent que si les pourparlers se concluent, ce n'est pas evenko qui achèterait Spectra, mais Groupe CH. Elles ajoutent que les deux entités ne seraient pas fusionnées et continueraient d'opérer comme deux sociétés sœurs.
La sortie de cette histoire à la veille d'une décision du CRTC sur la fusion Bell-Astral, ne fait probablement pas l'affaire de Bell, qui détient 18% du Groupe CH, qui à son tour détient 100% d'evenko.
Les habitués de cette chronique savent que depuis le début, cette transaction nous agace. Non pas tellement pour ses conséquences télévisuelles et radiophoniques, mais pour ses conséquences sur l'espace culturel québécois et sa diversité. Elle a pour effet de créer une superbe machine promotionnelle, avec deux chaînes de radios et 23% de l'auditoire télé québécois, qui pourra être mise au service d'une autre extraordinaire machine, artistique celle-là (evenko), dont on ne mesure pas encore la puissance parce qu'elle n'est qu'au stade de l'adolescence.
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Bell et evenko peuvent se rassurer. Hors les créneaux de la radio et de la télévision, la loi n'autorise pas le CRTC à s'appuyer sur l'espace culturel en général pour refuser une transaction. Il excéderait sa juridiction.
Cela ne veut cependant pas dire que les deux partenaires peuvent dormir tranquille. Le Bureau de la concurrence autoriserait-il pareille transaction?
L'automne dernier, lors de l'annonce du projet de la Place Bell, un amphithéâtre de 10 000 places qui doit naître à Laval en 2015 (mais qui est actuellement contesté par Québecor), Geoff Molson en dévoilait un peu plus sur la force culturelle d'evenko. La société détient 34% de l'auditoire de spectacles au Québec, indiquait-il.
C'est ce qu'on voit aujourd'hui. Ajoutons maintenant le marché que lui apportera l'amphithéâtre de Laval. Puis celui que lui apportera Spectra.
On ignore qu'elle est la part de marché de Spectra et, à vrai dire, il pourrait y avoir débat à ce chapitre. Une bonne partie de ses revenus semble en effet provenir de contrats de gestion d'événements, que ce soit le Festival de jazz, les FrancoFolies, ou encore Montréal en lumière. Ces organismes sont à but non lucratif et Spectra reçoit en fait une cote sur leur chiffre d'affaires. Spectra et evenko feront sans doute valoir qu'il ne faut pas faire entrer les chiffres de ces événements dans les parts de marché puisque Spectra peut théoriquement les perdre.
Il y aurait lieu pour le Bureau de valider la proximité des OSBL avec Spectra et la durée des ententes les liant.
Que l'on tienne compte ou non des ententes de gestion, quelle pourrait être au juste la hauteur de parts de marché déclenchant un refus d'approbation?
Nul ne le sait. Mais il est difficile de ne pas noter que le Bureau a demandé à Bell de ramener sa part du marché télévisuel anglophone à 35,7% avant de lui donner sa bénédiction pour l'acquisition d'Astral. Ce n'est pas très loin du 34% que détient evenko, avant son projet de Laval et l'ajout de Spectra.
L'erreur de Québec et de Laval
L'erreur de Québec et Laval
Le projet de transaction Groupe CH/Spectra survient quelques jours après que Québecor ait annoncé l'acquisition de Gestev, un autre groupe d'événements, dans la région de Québec.
Bien que cette dernière transaction soit plus modeste, les deux événements illustrent l'erreur sociale que l'on a peut-être commise en réclamant que les pouvoirs publics ne soient pas seuls à s'impliquer dans la construction de nouvelles infrastructures artistiques et de loisirs.
En donnant des exclusivités de gestion longue durée à Québec et Laval, moyennant une mise de fonds dans les nouveaux amphithéâtres, les administrations municipales viennent de jeter les assises de potentiels monopoles culturels dans les deux principaux centres artistiques du Québec.
Prendre les infrastructures totalement au compte public aurait peut-être coûté un peu plus cher, mais aurait structurellement laissé ouvert l'accès aux grandes salles de spectacles. Avec l'augmentation de l'offre culturelle et de loisirs à venir, les croissances visées par evenko et Québecor, et le portefeuille plus ou moins élastique de la clientèle, il n'est pas clair qu'il en restera à terme beaucoup pour accueillir des artistes et promoteurs qui ne se sentiraient pas à l'aise dans les genres ou les façons de faire réclamées par le futur duopole.
Quand on n'a pas accès aux infrastructures, on peut longtemps demeurer underground. Ou y retourner assez vite si l'on se brouille avec un groupe, après avoir offensé l'autre parce qu'on ne l'avait pas initialement choisi.
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