BLOGUE. On ne parlerait pas d'électricité dans l'air, mais il y avait quand même pas mal d'enthousiasme, vendredi midi, lors de l'annonce de la nouvelle stratégie d'électrification du Québec.
Une photo de René Lévesque, partant en campagne pour la nationalisation de l'électricité, a ouvert la présentation à un parterre de quelques centaines de convives.
Ce n'était pas anodin. La première ministre Pauline Marois avait envie de faire résonner la fibre nationale. René Lévesque a, en quelque sorte, appelé de ses vœux pieux, le jour que nous vivons aujourd'hui, a-t-elle dit. Dans son livre, La Passion du Québec, paru en 1978, il écrivait: "Cela implique une politique graduelle et forcément partielle de remplacement du pétrole, ce qui pourrait se faire pour une bonne part, par l'électricité.".
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L'objectif de la stratégie d'électrification est de faire du Québec un leader mondial du secteur de l'électricité. Une grappe aussi forte que celles de l'aéronautique et du multimédia.
Est-ce réaliste?
Le plan
Sur l'horizon 2017, près de 516 M$ devraient être investis dans le déploiement de la stratégie. Le gouvernement parle de 1100 à 2000 emplois créés et d'investissements de plus de un milliard $.
La politique va dans plusieurs directions. Le prolongement du métro de Montréal, l'instauration d'un trolleybus dans la métropole, un système léger sur rail pour le pont Champlain.
Ces mesures ne font pas partie du 516 M$.
Essentiellement, l'enveloppe compte deux postes d'importance.
Un de près de 250 M$, qui vise à mettre plus de mobilité électrique dans le paysage pour envoyer un message social et aider à l'atteinte des cibles de gaz à effet de serre.
Le gouvernement mettra notamment 65 M$ en réalimentant le programme Roulez électrique, ce qui permettra aux acheteurs de voitures électriques de recevoir un rabais de 8000$. Pour donner de la perspective, une Volt vaut environ 40 000$.
Il ajoutera aussi 5000 bornes publiques de recharge à travers tout le Québec. Et incitera les familles à en implanter une chez elle, en remboursant la moitié de sa valeur (une borne coûte apparemment autour de 2000$).
Les flottes de taxis recevront aussi des incitatifs et l'on vise à ce que 7% de celles-ci soient hybrides ou électriques sur l'horizon 2017.
Évidemment, la flotte de véhicule du gouvernement migrera également lentement vers l'électrique.
Le second poste d'importance est d'un peu plus de 220 M$ et vise la construction de la fameuse filière électrique. C'est celui que l'on préfère.
L'argent est là pour aider des entreprises qui ont des projets à les développer. Il n'est pas clairement ressorti comment seraient affectés les sommes, mais les mots prêts, garanties de prêts et subventions ont été prononcés dans le huis clos précédent l'annonce.
Il y a notamment 12 M$ prévus pour le développement d'un véhicule d'autopartage. Le Centre national du transport avancé, un organisme à but non lucratif, travaille actuellement au développement d'un prototype. Le véhicule, qui s'inspire de l'initiative française Autolib, opérerait selon la formule développée par Communauto en Amérique du nord. Il serait mis à la disposition d'un usager pour une courte durée, qui ne peut être comblée par d'autres moyens de transport.
Une fois le prototype développé, on espère pouvoir attirer ici un assembleur de calibre mondial pour en faire une fabrication de masse.
Sans dire que les sommes annoncées iront nécessairement à ces projets, les documents gouvernementaux donnentpar ailleurs un certain nombre d'exemples sur lesquels travaillent des entreprises du Québec.
Il y a d'abord un important projet d'autobus électrique sur lequel travaillent actuellement Nova Bus, Bathium Canada et quelques autres partenaires. Il y a aussi un autre de micro-bus électrique, sur lequel travaillent Styl & Tech et Infodev.
S'ajoutent: le fabricant AddÉnergie qui travaille sur les bornes de recharge; Autobus Lion, qui veut opérer un autobus scolaire électrique; Camel Mobilité, qui pourrait bientôt assembler ici un petit véhicule utilitaire européeen; Prévost Car, qui veut développer un nouveau type d'autocar hybride; et Bombardier Transport, qui a développé une nouvelle technologie de recharge rapide par induction.
Une bonne stratégie?
Une bonne stratégie?
Il ne faut pas en attendre de miracles sur l'horizon 2017.
Même si l'on réussit comme prévu à ajouter 12 500 véhicules électriques sur les routes du Québec sur cet horizon, ce ne sera toujours qu'une goutte dans un verre d'eau. Le parc automobile du Québec est de 4,2 millions de véhicules.
L'enveloppe prévu de 220 M$ pour le développement de projets manufacturiers électriques est aussi fort modeste. D'autant qu'elle est sur trois ans. On peut en fait se demander si on ne devrait pas subventionner un peu moins le transport électrique et financer un peu plus le développement de projets. Les subventions n'amènent pas de grandes retombées, les projets, si. Il est vrai cependant que si personne ne subventionne ce marché (au Québec et ailleurs), il aura de la difficulté à acquérir la taille permettant d'en faire un catalyseur de création de valeur.
Madame Marois a pendant ce temps raison de dire que pour la première fois le Québec réussit à articuler quelque chose de global en électricité (outre la construction de barrages). Il y avait eu des initiatives dans le passé, louables, mais il manquait de cohésion. La création de l'Institut du transport électrique, qui doit mettre en réseau toutes les organisations du secteur, devrait aider. Le déploiement d'un réseau de bornes à travers la province, devrait aussi augmenter l'utilisation des véhicules électriques.
Non, il n'y aura pas de miracles. Et en 2017, on sera toujours très loin des grappes de l'aéronautique et du multimédia. Mais celles-ci ne se sont pas bâties en trois ans. Il faut bien partir quelque part. Avec la stratégie d'électrification, le Québec vient de se donner une bougie d'allumage.
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