Ça a débattu fort, lundi, à Québec et Montréal, alors que les chambres de commerce locales tenaient chacune leur débat économique avec les candidats à la mairie.
Il s'est dit beaucoup de choses, avec des échanges qui sont allés dans toutes les directions. On a décidé de s'attarder aux trois thèmes qui nous apparaissaient les plus importants: le principal projet socio-économique, les déficits des régimes de retraite, et la solution en transport. Nos verdicts suivent chacune des propositions.
Commençons par la Ville de Québec.
DÉBAT VILLE DE QUÉBEC
1-LE PRINCIPAL PROJET DE DÉVELOPPEMENT SOCIO-ÉCONOMIQUE
Le candidat David Lemelin aimerait amener Québec à focaliser sur le développement des technologies propres et les projets d'électrification. Il a notamment avancé la possibilité de créer un centre de la recherche et de l'innovation.
Régis Labeaume ne semble pas trop y croire. Il a soutenu que l'on parlait des technologies de l'environnement depuis 20 ans et que l'IREQ (Institut de recherche d'Hydro-Québec) était à Montréal. Il croit plutôt que la solution passe par la stimulation de l'entreprenariat et les projets de centres de données. Le Québec a, à ses yeux, un avantage du côté des prix de l'énergie (à cause des surplus) et de son climat.
Verdic: match nul. Les deux projets sont intéressants, quoi qu'en dise le maire sortant. Il y a quelques années, le multimédia s'est d'abord implanté à Montréal, mais a ensuite migré vers Québec. Québec est désormais une ville techno elle aussi . Comme le disait lui-même monsieur Labeaume, à propos des infrastructures: "il n'y a pas de raison de laisser Montréal prendre tout l'argent". David Lemelin ne rêve pas en couleurs. Le plan de monsieur Labeaume d'attirer des centres de données apparaît cependant lui aussi intéressant, comme en fait foi les récentes annonces d'Almerys et de 4degrés, deux projets qui naîtront à Québec
2-LES DÉFICITS DES RÉGIMES DE RETRAITE
Le candidat Lemelin estime qu'on ne peut renier sa signature et qu'il faut honorer les engagements passés. Les déficits futurs devraient cependant être partagés à 50-50. Le candidat Labeaume veut que les déficits du passé soient partagés à 50-50. Il invoque le fait que personne n'est venu renflouer les pertes financières des investisseurs qui ont perdu lors de la crise de 2008.
Verdict: monsieur Labeaume a partiellement raison. Devant un changement de marché, toute entreprise a droit de revoir sa structure de coûts. Les employés et retraités devraient contribuer au déficit passé. Cela dit, le 50-50 demandé par monsieur Labeaume est embêtant. Si le rapport D'amours est adopté et que l'on opte pour la formule de calcul de la capitalisation améliorée, le 50-50 pourrait être une bonne marque. Si la formule n'est pas adoptée, et que l'on conserve les calculs actuels, on suspecte qu'une séparation 50-50 pourrait conduire à une situation où, une fois les mesures d'allègement retirées, la Ville paierait moins que ce qu'elle paie actuellement pour le renflouement des régimes de retraite. La question qui devrait être posée au maire: quel est votre objectif, économiser sur les cotisations actuelle (pour récupérer de l'argent et l'investir ailleurs), ou maintenir la cotisation au niveau actuel? La deuxième option serait justifiée, la première, exagérée.
3-LA SOLUTION TRANSPORT
Le candidat David Lemelin estime que la solution passe par l'amélioration du transport en commun, en termes de dessertes et de voies réservées. Il croit aussi qu'il y aurait lieu d'introduire de la concertation avec les entreprises pour que tous ne se déplacent pas au même moment.
Régis Labeaume croit quant à lui qu'il faudrait des investissements de 700 M$ pour élargir le réseau routier à la tête des ponts, élargir Henri IV et élargir une partie de Laurentien. Il estime que le gouvernement n'a pas la volonté de financer un tramway pour Québec. On a cru comprendre qu'il aimerait aussi que les automobiles à deux passagers soient autorisées à emprunter les voies réservées, ce qui retrancherait 50 000 véhicules.
Verdict: on ne sait pas. Ces débats en transport sont vraiment difficiles. Peu importe que l'on favorise une amélioration de service, un tramway ou l'élargissement des autoroutes, il ne semble pas y avoir de solution à moyen terme. Les investissements requis pour faire la différence sont trop importants dans le contexte actuel. Le gouvernement du Québec est cassé, et la Ville est dans un important programme de remplacement d'infrastructures qui a fait gonfler sa dette et ne lui donne pas beaucoup de marge de manœuvre.
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DÉBAT VILLE DE MONTRÉAL
DÉBAT VILLE DE MONTRÉAL
Pas facile les débats à quatre. À Montréal, c'est vraiment allé dans toutes les directions.
1-LE PRINCIPAL PROJET SOCIO-ÉCONOMIQUE
Tous veulent remettre de l'ordre dans l'administration de la Ville, mais c'est Marcel Côté qui semble le plus avancé dans sa réflexion. C'est ce grand ménage, dit-il, qui redonnera la fierté aux gens d'affaires. Il a aussi parlé de la nécessité d'encourager les centres de développement économiques de l'Est de l'île, où du manufacturier pourrait revenir. Tout comme d'orienter le développement vers l'économie du savoir, et de la chimie verte (produits biodégradables à partir de la pétrochimie).
Denis Coderre veut de son côté créer un véritable service du développement économique et faire de Montréal une "ville intelligente" (smart city). La Ville fonctionnerait avec des processus plus efficaces pour servir les entreprises (pas de retard dans les permis). Cette ville intelligente focaliserait aussi sur l'innovation technoloUgique, et les entreprises pourraient en bénéficier.
Richard Bergeron a beaucoup parlé de l'importance de retenir les familles, dans le contexte d'une défection de 22 000 Montréalais par année qui vont enrichir la banlieue. Sa solution est d'investir plus massivement dans l'amélioration du transport collectif et d'améliorer la qualité de vie. Il créerait de nouveaux quartiers et bonifierait les enveloppes de subventions pour le logement social. Plus de monde sur l'île permettrait d'accroître le PIB.
Mélanie Joly veut enfin créer un poste de chef du développement économique, dont la tâche sera de promouvoir Montréal auprès des investisseurs. Le bureau de ce nouveau chef servirait aussi de guichet unique auprès des entreprises. Il les accompagnerait dans les processus d'obtentions de subventions et d'autorisations. Madame Joly compte de même obtenir de Québec un demi-point de pourcentage de la TVQ payée dans la région de Montréal (300 M$), et le réinvestir dans la dynamisation de la métropole.
Verdict: on ne voit clair qu'avec les projets de Côté et Joly. On aime bien la solution de Marcel Côté. Elle ne coûte rien et rapporte. Mais il faut plus qu'un ménage dans l'appareil public. Le poste d'un chef du développement économique de Mélanie Joly est intéressant. La ville intelligente de monsieur Coderre l'est aussi, mais, dans ce cas, on a de la difficulté à y voir clair. Quant aux créations de nouveaux quartiers de monsieur Bergeron, c'est visionnaire, mais irréaliste à moyen terme. Tout le monde est cassé.
LES DÉFICITS DES RÉGIMES DE RETRAITE
Sur ce volet on est presque tombé de notre chaise. Mélanie Joly a d'abord indiqué qu'elle était en faveur du droit de lock-out. Puis, tout est devenu confus. Tout le monde a en quelque sorte reconnu que les syndiqués accepteraient de contribuer aux renflouements nécessaires sur une base 50-50 (la Ville assume actuellement 100%), en se basant sur une récente entente avec les cols bleus.
Le verdict: attention, danger. Eh-oh, Montréal, réveille-toi! Aucun des candidats à la mairie ne semble comprendre le dossier des régimes de retraite. L'entente avec les cols bleus touche les déficits futurs, pas le déficit passé. Les déficits passé de tous les régimes coûte actuellement 256 M$ par année. Cette charge annuelle représente 5% du budget. Si la méthode de capitalisation améliorée suggérée par le rapport D'Amours est adoptée, la charge annuelle des déficit passé grimpera à 606 M$ et représentera plus de 10% du budget (sans compter le service courant). Les cols bleus n'ont pas accepté de renflouer le "petit" déficit passé. Devant un tel montant, croyez-vous vraiment que les syndicats vont accepter si facilement de régler pour le passé à 50%?
LA SOLUTION TRANSPORT
Tout le monde parle de mettre en place plus de voies réservées aux autobus et des services rapides par bus (SRB). Un SRB est un système d'autobus articulé qui circule sur des voies exclusives et contrôle les feux de circulation. C'est Mélanie Joly qui présente le projet le plus audacieux, avec 130 km de SRB. Monsieur Bergeron estime de son côté que Montréal devrait aller seule de l'avant avec la construction d'un premier tronçon de tramway de 15 km, qu'il financerait à même les économies que créera la Commission Charbonneau sur le budget d'infrastructures.
Verdict: comme à Québec, on ne sait pas trop. Mélanie Joly estime à 600 M$ sur 8 ans le coût des SRB. Sans l'aide de Québec, Montréal n'a pas cette capacité financière. Le projet de monsieur Bergeron coûte 1 G$ sur 30 ans. Il a le mérite d'avoir identifié où il prendrait l'argent. Ce n'est peut-être pas une mauvaise idée.
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