Blogue. Le réseau de dépanneurs de Valero, la société mère d'Ultramar, entre en bourse ce jeudi. Question: Couche-Tard lancera-t-elle prochainement une offre publique d'achat sur les 1900 établissements Corner Stores et Dépanneur Du Coin?
Au mois de décembre, alors que la pétrolière évaluait ses options, le président de Couche-Tard, Alain Bouchard, nous avait fait une intéressante révélation. « On a fait une offre préliminaire (à Valero), mais ils ont finalement décidé d'aller de l'avant avec le spin-off. Ça ne m'empêche pas de croire que ce serait une occasion encore possible un jour. »
C'est sous l'appellation CST Brands que les dépanneurs de Valero et Ultramar font leur entrée en bourse. La société mère distribue à ses actionnaires 80% des actions et en conserve 20%, bloc qu'elle veut écouler au marché dans les 18 prochains mois.
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Au moment d'écrire ces lignes, on ignore à quel cours se négociera le titre de CST Brands, mais, en présumant que les investisseurs lui accordent le multiple moyen alloué aux sociétés de dépanneurs (8 fois le bénéfice avant intérêts, impôt et amortissement), ça devrait être autour de 29$ US.
À ce cours, la capitalisation boursière de la nouvelle société de dépanneurs atteindrait 2,2 G$ US.
La question se pose donc: monsieur Bouchard et son équipe pourraient-ils bientôt revenir à la charge?
Une grosse bouchée…
La difficulté à l'heure actuelle en est surtout une de synchronisme. Couche-Tard est occupée à intégrer son acquisition européenne Statoil Fuel & Retail et ses ratios d'endettement ne font que commencer à diminuer.
Dans une récente note, Financière Banque Nationale estimait qu'elle avait sans doute encore une capacité d'emprunt autour de 1 G$, mais que si elle voulait aller au-delà, il lui faudrait procéder à une émission d'actions.
La bouchée est grosse. Si elle veut acquérir CST Brands, Couche-Tard devrait sans doute aussi offrir une prime de 15-20% sur le titre, ce qui veut dire une offre autour des 2,5 G$.
Une importante émission d'actions serait alors nécessaire, ce qui rend toujours plus difficiles les financements en raison de l'incertitude quant à la réponse des investisseurs.
…mais peut-être moins grosse qu'elle n'y paraît
...mais peut-être moins grosse qu'elle n'y paraît
La bouchée semble à première vue trop grosse, mais peut-être peut-on la séparer en deux.
En décembre, monsieur Bouchard nous avait aussi dit que ce sont les dépanneurs américains et non canadiens qui l'intéressaient. Il semblait redouter que le Bureau de la concurrence s'objecte à une transaction canadienne, Couche-Tard étant trop solidement implantée au Canada.
Le prospectus de CST Brands ne permet pas de voir la répartition des bénéfices entre le Canada et les États-Unis. Mais, sur une base d'établissements, le Canada pèse pour autour de 45%.
Avec une entente de revente de la division canadienne, ou un partenaire, la bouchée deviendrait cette fois plus accessible à Couche-Tard. L'émission d'actions nécessaire, si nécessaire, aurait une ampleur nettement moindre et serait plus facilement réalisable.
Qui pourrait être le partenaire, alors?
Telle est la question.
On a eu beau se creuser la tête, ce n'est pas évident.
Seven & I Holdings, la compagnie mère de Seven-Eleven aux États-Unis, a probablement les capacités financières, mais on ne voit pas pourquoi Couche-Tard ferait équipe avec une concurrente. Ce qui élimine aussi du coup Casey's.
Les autres (Parkland, Pantry et Susser) ont de toute façon des capitalisations qui semblent trop faibles.
Il faut donc trouver au Canada un partenaire qui aurait assez d'argent et aurait une certaine expérience dans le marché de l'alimentation.
Roulement de tambour… Metro.
Les sociétés ont déjà été partenaires, comme en fait foi la participation que conserve Metro dans Couche-Tard. Et, en plus, Metro pourrait presque financer l'acquisition par la simple vente de ses actions dans la société de dépanneurs.
Couche-Tard aurait sans doute des hésitations à voir émerger un concurrent plus fort au Canada, mais le nerf de la guerre dans l'industrie des dépanneurs en est bien plus un d'emplacements que de prix. Et Couche-Tard ne peut de toute façon plus beaucoup grandir ici en raison du Bureau de la concurrence.
Il reste à voir si c'est un scénario qui pourrait intéresser Métro. Il y a peut-être ici des synergies de coûts à obtenir. Mais elle peut aussi avoir d'autres priorités à l'esprit (comme Safeway et Jean Coutu).
Il sera intéressant de voir comment les choses se placeront.
Il suffit de lire le prospectus de CST Brands pour comprendre que son objectif est de se faire acheter. Les investissements prévus dans l'expansion sont fort limités.
Couche-Tard aimerait sans doute mieux attendre quelque temps encore, histoire d'abaisser son niveau d'endettement. Mais la concurrence pourrait aussi forcer le jeu.
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