Blogue. L'humeur était assez bonne, jeudi matin, à l'assemblée annuelle de Bombardier.
Laurent Beaudoin a même eu droit à une ovation debout, lorsque, en fin d'allocution, son fils Pierre a fait remarquer qu'il y a cinquante ans (le 1er mai), il avait uni sa destinée à celle de Bombardier. Monsieur Beaudoin a un peu rougi et tenté de calmer les applaudissements. Un beau moment.
Il faut dire que dans les minutes précédentes, les actionnaires avaient appris de bonnes nouvelles. Les résultats du premier trimestre étaient légèrement supérieurs aux attentes, et, surtout, la direction maintenait la fin juin comme date du premier vol d'essai du CSeries.
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L'affaire est encore loin d'être gagnée, mais les choses semblent bien aller pour le CSeries. En conférence de presse, le responsable de la division aéronautique, Guy Hachey, a même indiqué que les plus gros obstacles sur le chemin du premier vol d'essai avaient été franchis.
Le plus intéressant
Le plus intéressant pour nous se trouvait cependant dans un passage de l'allocution de Pierre Beaudoin. « Nous planifions, dans un horizon de 5 ans et plus, augmenter nos revenus de 10 à 16 G$ et notre marge bénéficiaire (avant intérêts et impôt) de 3 à 4 points de pourcentage, par rapport à 2012. »
Une révélation. Depuis le temps que l'on tente de cerner le potentiel du CSeries et des autres projets de Bombardier.
Monsieur Beaudoin avait déjà fait le pronostic, il y a un peu plus d'un mois lors de la journée des investisseurs de Bombardier, à New York, mais la chose nous avait échappé.
La moitié de l'augmentation des revenus devrait provenir du CSeries (le reste provenant d'autres avions comme le Learjet 85 ou de la division Transport).
Voyons voir ce que cela donne comme potentiel pour l'action.
Notre évaluation s'appuie sur la méthode de « l'enterprise value » et considère que la valeur de l'entreprise est celle de la capitalisation boursière, plus la dette.
Deux précisions préliminaires.
La dette de Bombardier augmentera dans les prochains trimestres, mais elle devrait commencer à reculer en 2014 et 2015 alors que les flux de trésorerie s'amélioreront. On présumera donc que dans 5 ans, elle sera à peu près la même qu'aujourd'hui.
Le titre se négocie actuellement autour de 11 fois le bénéfice avant intérêts et impôt de 2012 (en incluant la dette nette de 2,5 G$).
En tenant compte de ces précisions et en entrant les hypothèses de la direction dans la calculatrice, le résultat est le suivant:
- Si l'on ajoute 10 G$ de revenus aux actuels, et que l'on grimpe la marge avant intérêts et impôt de 3%, le titre devrait se négocier autour de 12$. C'est 2,5 fois sa valeur actuelle (4,50$). Et c'est le scénario qu'on aurait en vue pour dans cinq ans.
- Si l'on ajoute 16 G$ de revenus aux actuels, et que l'on grimpe la marge de 4%, le titre devrait alors se négocier autour de 17,25$. C'est presque 4 fois le cours actuel. Et c'est probablement pour un peu plus loin que dans cinq ans.
Beaucoup d'incertitude
Beaucoup d'incertitude
Évidemment, il y a beaucoup d'incertitude dans le modèle. Tant à la baisse qu'à la hausse.
Dans un scénario où les cibles de la direction sont atteintes, il est possible que le multiple actuel (11) hausse un peu. Il est aussi fort possible, étant donné l'amélioration des flux de trésorerie, que la dette soit à ce moment nettement moindre que ce que l'on suppose. Ces deux facteurs pourraient donner plus d'élan encore au titre.
Inversement, il se peut que certains projets ne fonctionnent pas comme prévu. Le CSeries est le meilleur exemple.
Il faut dans un premier temps qu'il vole (ce que l'on devrait savoir vers la fin juin).
Il faut surtout ensuite qu'il vole bien, et honore ses promesses: une économie de 15% sur les coûts d'exploitation, une meilleur efficacité-carburant de l'ordre de 20%, des réductions d'émission pouvant atteindre 20% des émissions de CO2 et une empreinte sonore quatre fois moindre.
Ne pas être à la hauteur des promesses risquerait d'assécher les commandes et entraînerait vraisemblablement des investissements supplémentaires visant à corriger la situation. Le risque d'un échec financier n'est pas à négliger.
Notre évaluation présume aussi que Bombardier n'aura pas trop à renflouer ses régimes de retraite. Il faudra pour cela une remontée des taux d'intérêt. Et vraisemblablement quelques concessions des employés, comme le suggère le rapport D'Amours.
Bref, il y a pas mal de potentiel, mais également pas mal de risque.
À chacun de décider s'il est de l'embarquement.
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