BLOGUE. Le Bureau de la concurrence vient de mordre la poussière face à Visa et Mastercard. Tant pis. Il est temps pour les gouvernements de changer les règles du jeu et de facturer l'utilisateur de carte de crédit.
Le Bureau tentait un grand coup. Essentiellement, il demandait au Tribunal de la concurrence de déclarer invalides les clauses de contrat de Visa et Mastercard qui empêchent un commerçant de vous inciter à payer autrement que par carte de crédit (au comptant ou par carte de débit, par exemple).
Si vous êtes de ceux qui avez en horreur le crédit et vous faîtes un devoir de payer rubis sur l'ongle tous vos achats, sachez que l'on récompense votre discipline en vous faisant payer plus. Simplement pour éponger les frais liés à celui qui paie par carte de crédit.
Parce que les commerçants doivent payer des frais qui vont généralement de 1,5% à 3% lorsqu'un consommateur utilise sa carte de crédit, mais qu'ils n'ont pas le droit de promouvoir un autre mode de paiement (en offrant une réduction sur le prix), ils n'ont d'autres choix que de répartir ces frais sur une plus large base. Comment font-ils? Ils montent les prix.
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Le Bureau de la concurrence estime que Visa et Mastercard ont traité pour 240 G$ d'achats au Canada en 2009, et évalue que les frais de cartes de crédit se sont élevés autour de 5G$ pour les commerçants.
Le public n'a eu droit qu'à un résumé d'une page de la décision du Tribunal de la concurrence, mardi. Il est conséquemment difficile d'en analyser la force. Simplifions la situation en disant que le tribunal reconnaît que le comportement a pour effet de nuire à la concurrence, mais n'y voit pas une pratique anticoncurrentielle.
Pas une surprise
La décision du Tribunal de la concurrence n'est pas une réelle surprise. Il y a deux ans, on avait souligné en chronique qu'il n'était pas si évident qu'une clause contractuelle empêchant de demander un prix plus élevé lors de l'utilisation d'une carte de crédit était anticoncurrentielle.
Il ne s'agit pas d'une fixation des prix à l'insu des consommateurs, où des concurrents s'entendent pour ne pas faire jouer la concurrence. La situation peut être vue comme une simple entente entre deux personnes morales où l'une dit à l'autre: tu peux utiliser mon système de crédit, mais seulement si tu ne changes pas le prix de vente de tes produits. Tu fais moins de marge sur ta vente, mais je t'amène plus de volume. L'entente, on le voit n'a pas un objet anticoncurrentiel, mais purement commercial.
La décision ne veut pas dire que le système actuel de Visa et Mastercard est fondamentalement justifié. Elle vient simplement dire qu'on l'a attaqué avec le mauvais chien de garde.
À Ottawa ou Québec d'attaquer différemment
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Le système doit être modifié. En matière commerciale (et non sociale), il n'est pas normal que ceux qui créent les coûts d'un système récolte les bénéfices de ce système au détriment des autres. Dans notre affaire, les utilisateurs de cartes ne paient qu'une partie du coût et récoltent souvent des points, alors que les autres paient pour eux.
Le coût d'une opération par carte de débit est au Canada évalué autour de 0,12$ par transaction pour un commerçant, peu importe la valeur de l'achat. Si vous achetez quatre pneus pour 500$, il en coûtera 0,12$ au commerçant. Par contre, à 3% de redevances, il lui en coûtera 15$. Avec l'augmentation des volumes, la différence devient importante et se reflète inévitablement sur l'ensemble des prix.
Une étude américaine de la Federal Reserve Bank of Boston estimait il y a quelques années qu'il en coûtait en moyenne annuellement aux ménages qui paient par débit près de 150$ US par année en subvention à ceux qui paient par carte de crédit.
Il est temps de rendre celui qui génère le coût responsable de celui-ci, en forçant les commerçants à faire payer au consommateur utilisant une carte de crédit ce qu'il en coûte. Le prix du produit, plus le pourcentage demandé par Mastercard et Visa.
Il n'est pas sûr que les prix baisseraient instantanément, les commerçants pouvant décider de les laisser inchangés et de tout simplement empocher ce qu'ils retournent actuellement à Visa, Mastercard et aux banques.
Mais peu importe. Pour l'avenir on aura à tout le moins posé le système du crédit sur des bases plus logiques.
Il pourrait y avoir un enjeu de juridiction si décision était prise de réclamer aux utilisateurs de cartes ce qu'elle coûte. L'objet de la législation n'est pas véritablement de nature concurrentielle (comme tentait de le présenter le Bureau). Il semble plutôt apparenté à la protection du consommateur, une juridiction qui relève du provincial.
Le fédéral pourrait peut-être s'appuyer sur sa compétence en matière de commerce interprovincial. Autrement, à Québec et aux autres provinces de prendre le dossier.
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