BLOGUE. C'est une erreur importante de demander au Vérificateur du Québec de donner son opinion sur la prochaine mise à jour économique du Québec. D'autant que la demande définit fort mal son mandat. Il importe toutefois que le gouvernement du Québec continue de coller à sa cible budgétaire et l'atteigne au mois de mars.
C'est avec surprise que l'on a vu mardi les caquistes appuyer la motion libérale demandant au Vérificateur général de fournir une opinion sur la situation financière de la province lors de la mise à jour économique prochaine du gouvernement.
Cette demande n'a pas de réelles assises.
Le dernier bras de fer sur le manque à gagner de 1 G$ (par rapport à l'objectif) vers lequel semble se diriger le Québec pour l'exercice 2013-14 a surtout porté sur une guerre de chiffres quant au taux de chômage et aux investissements dans la construction. Le problème actuel est au niveau des revenus et l'on voit mal ce que le Vérificateur général peut venir dire à ce chapitre. Il n'est pas un prévisionniste et ne détient aucune expertise particulière en modèles de simulation budgétaire.
Son expertise est certes la bienvenue sur l'à-propos des méthodes comptables utilisées par le gouvernement, et il a, dans le passé, fourni quelques avis divergents à cet effet. Il doit continuer de le faire. Mais une vérification des méthodes comptables de tout le gouvernement est un travail colossal, qui ne se fait pas en quelques semaines ou quelques mois, comme peut le laisser supposer la motion. C'est un processus en continu dans le temps, qui s'étale sur des années.
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Si on était le Vérificateur général, on écrirait rapidement à l'Assemblée nationale pour demander à ce que le mandat soit nettement mieux balisé. Il y a risque qu'aux yeux du public on ne soit en train de l'engager sur le dangereux sentier de la politique partisane. Et que sa crédibilité en souffre par la suite. Ce serait desservir l'intérêt public. Il faut protéger la crédibilité du Vérificateur.
C'est une opinion indépendante de gestionnaire qu'il serait peut-être intéressant d'avoir, et non celle d'un vérificateur. On peut diverger d'opinion avec un gestionnaire, et il n'a pas à avoir le même degré de confiance du public que le Vérificateur, qui est en quelque sorte le filet de sécurité de l'État.
L'idée de créer une fonction de directeur parlementaire du budget, comme c'est le cas à Ottawa, est bonne. Et c'est à un tel directeur (une sorte de gestionnaire) que devrait revenir le mandat d'émettre une opinion sur la situation des finances publiques. Ce nouveau directeur ne devrait cependant pas être sous le commandement de mandats dictés par l'Assemblée nationale. Il devrait être totalement libre de ses travaux. Il n'y a pas plus crédible qu'une totale indépendance. Notons au passage que, fût-il nommé demain matin, il serait impensable qu'il puisse livrer une opinion crédible avant le prochain budget.
La cible doit être atteinte
La cible doit être atteinte
La question du Vérificateur réglée, passons maintenant à l'à-propos d'atteindre ou non la cible budgétaire.
La Loi sur le déficit budgétaire prévoit que les cibles du gouvernement doivent être atteintes.
Pour 2013-2014, la loi stipule que le gouvernement doit afficher un déficit zéro avant les cotisations au Fonds des générations. Par la suite, c'est après les virements prévus pour le fonds qu'il faut être à l'équilibre. Québec prévoit un surplus de 1,039 G$ pour 2013-14. C'est dire que, légalement, il peut se permettre de manquer sa cible par 1G$ sans qu'il n'y ait de problème.
C'est ce que l'on pourrait bientôt commencer à entendre dans le discours gouvernemental: la cible du gouvernement était plus contraignante que son obligation réelle.
Malheureusement, cette cible a été publicisée dans tous les budgets depuis longtemps et c'est la crédibilité de l'État qui est cette fois en jeu.
Il est vrai que les agences de crédit ne décoteront pas la dette sur un raté. Il est aussi vrai que 1G$ de manque à gagner sur un budget de plus de 70G$ n'est pas la fin du monde.
Mais si ce n'est pas la fin du monde de rater, ce ne devrait pas l'être non plus de combler pour atteindre l'objectif.
Il y a deux ans, nous nous étions livrés à un exercice d'examen de la dette du Québec dans les 40 dernières années. Le constat était le suivant: chaque fois que, dans une opération de redressement budgétaire, le gouvernement a allégé pour un an ou deux ses efforts à cause de la détérioration de l'économie, on s'est par la suite retrouvé avec de plus importants problèmes budgétaires.
Le gouvernement a promis de tenir serré, il doit tenir serré.
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