BLOGUE. On se demandait il y a quelques jours si la rente de longévité était en péril. Après les comparutions de Bombardier, Cascades et du Conseil du patronat en commission parlementaire, il n'y a maintenant plus de doute possible. Elle l'est.
Les audiences de la commission sur le Rapport D'Amours sont vraiment intéressantes, et il y a longtemps que l'on avait vu un ton de discussion aussi serein à l'Assemblée nationale.
Les représentants de Bombardier nous ont personnellement fait sourire mercredi matin. Leur présentation était bien instructive, mais, au final, pas un mot sur la rente de longévité.
La chose n'est pas passée inaperçue, et la ministre Agnès Maltais s'en est, elle aussi, montrée étonnée. Qu'en pensez-vous?, a-t-elle demandé.
Réponse résumée des représentants: la rente est une originalité très intéressante. Elle est bien conçue et permet de faire un pont approprié à 75 ans. Elle permet aussi de greffer une forme de régime à prestations déterminées à des régimes à cotisations déterminées. Un peu plus loin, le chat est sorti du sac: on prend pour acquis qu'elle sera intégrée dans nos régimes de retraite de manière à ne pas faire augmenter nos coûts.
Le rapport D'Amours ne recommande pas une intégration forcée, mais une intégration négociée avec les employés.
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Quelques minutes plus tard c'était au tour du nouveau grand patron de Cascades, Mario Plourde, de venir présenter le point de vue de l'entreprise.
Cascades estime que la rente de longévité pourrait créer un sentiment de sécurité illusoire chez les travailleurs québécois, parce que ceux-ci ne se sentiraient ensuite pas obligés d'épargner.
Le président a suggéré que de la formation soit fournie aux travailleurs afin qu'ils modifient leurs comportements, en épargnant davantage, et en partant à la retraite plus tard. Des crédits d'impôt pourraient être accordés à la fois aux entreprises et aux travailleurs qui entrent dans une telle démarche, a-t-il avancé.
Très clairement contre la rente de longévité, monsieur Plourde a cependant finalement indiqué qu'il pourrait être d'accord avec elle si l'on réduisait de l'équivalent les cotisations que l'entreprise verse actuellement aux régimes de retraite des employés. La rente de longévité doit être financée par une contribution de 1,65% du salaire admissible d'un employé (843,15$ pour un employé qui gagne 51 000$ et plus) et une contribution équivalente de l'employeur.
Un membre de la commission lui a fait remarquer que c'était ce que semblait envisager le rapport D'Amours. Mais il a répliqué qu'il n'était pas clair que les employés accepteraient que l'employeur abaisse ses cotisations. Et qu'au final, ses coûts pourraient grimper.
La pomme de discorde est majeure
La pomme de discorde est majeure
La pomme de discorde est majeure. Mis à part les syndicats, la seule entité corporative à avoir jusqu'à maintenant endossé la rente de longévité est Desjardins. Ce qui, étant donné la paternité du rapport, n'est pas un appui qui pèse beaucoup.
Le Conseil du patronat s'est lui aussi en journée dit contre la rente dans sa forme actuelle.
Le principal problème auquel fait face le projet réside dans la compétitivité des entreprises québécoise si jamais la hausse est mise en œuvre.
Le député Alain Therrien a amené un fort intéressant échange avec l'économiste du Conseil, Norma Kozhaya. Le député a fait remarquer que, si les charges sociales étaient plus élevées au Québec, les salaires étaient aussi moins élevés qu'en Ontario, et qu'en additionnant les deux, même avec la rente de longévité, le coût de la main-d'œuvre québécoise demeurerait moins élevé.
Madame Kozhaya n'a pas nié. Elle a cependant expliqué que si une augmentation des charges sociales avait généralement pour effet de se traduire par une baisse des salaires, celle-ci ne se produisait que sur une période de 7 ou 8 ans, et que dans l'intérim il faudrait encaisser le choc.
Quelques minutes auparavant, le président de Cascades avait pour sa part indiqué que même si le Canada adoptait aussi la rente de longévité, la concurrence à laquelle il faisait face depuis la remontée du dollar canadien venait principalement des États-Unis.
La situation est aujourd'hui la suivante. Pour obtenir l'adhésion d'une partie de Québec inc. à la rente, il faudrait forcer les salariés des grandes entreprises à accepter que l'employeur abaisse de 1,6% sa cotisation actuelle aux régimes de retraite.
Ce qui ne peut pas vraiment se faire. Agir ainsi reviendrait pour l'État à avantager les grandes entreprises par rapport aux plus petites. Une petite entreprise, avec un bilan généralement plus fragile, devrait cotiser le 1,6% supplémentaire alors que la plus grande, à qui elle tente de prendre du marché, n'aurait pas à le faire. Il est erroné de croire que les marchés des grandes et des petites entreprises sont différents. Ils sont bien souvent les mêmes. Une grande entreprise n'est très souvent qu'une consolidation de petites.
Il sera intéressant de voir comment se positionneront les partis politiques dans les prochaines semaines. Pour l'instant, chacun semble étudier la situation.
L'enjeu est simple. Quelqu'un devra un jour payer pour la pauvreté de plusieurs centaines de milliers de Québécois. La question l'est moins: capitalise-t-on aujourd'hui significativement pour demain alors que la pyramide démographique le permet encore, ou attend-on à demain?
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