BLOGUE. L'arrestation de Pierre Duhaime, ancien patron de SNC-Lavalin, est une bonne nouvelle. Elle pourrait enfin permettre d'éclabousser ceux qui le méritent et de laver ceux qui sont sans reproche.
Pendant longtemps des doutes ont couru sur ce que pouvait savoir les membres du conseil d'administration de SNC-Lavalin (et il y a des noms importants sur ce conseil).
Au mois de mars, alors qu'elle révélait avoir perdu la trace de deux paiements totalisant 56 M$, la direction indiquait que Pierre Duhaime « avait remis sa démission ».
SUIVRE SUR TWITTER: F_POULIOT
Surprise, la semaine suivante, la circulaire de direction indiquait plutôt qu'il avait été « relevé de ses fonctions ». Relevé de ses fonctions « pour un motif autre qu'un motif valable ». Ce qui lui donnait droit à une indemnité de départ de 4,9 M$.
Premier épisode du doute
Si monsieur Duhaime avait démissionné, pourquoi alors finalement lui verser une indemnité de départ?
Difficile de ne pas se demander si l'on n'avait finalement pas décidé de lui faire une faveur, histoire qu'il tienne son bec clos.
Il pouvait cependant aussi simplement s'agir de problèmes de communication.
Second épisode du doute
Laissons le bénéfice du doute.Va pour les difficultés de communication. Supposons que, dès le départ, monsieur Duhaime n'avait pas démission et avait été congédié.
La question devenait alors de savoir s'il avait été congédié pour un geste donnant droit à une indemnité (faute légère, simple imputabilité par exemple) ou pour un geste ne donnant pas droit à une indemnité (faute lourde).
Nouvelle complication. Monsieur Duhaime avait collaboré à l'enquête interne sur la disparition des 56 M$. Mais le conseil refusait de fournir quelque détail que ce soit sur son témoignage. Ni sur le motif du congédiement.
En l'absence de ces indications, l'indemnité de départ versée à l'ancien chef de direction était de nouveau susceptible de donner l'impression soit d'un cadeau fait à quelqu'un qu'on aimait bien, soit d'un achat de silence.
Troisième épisode du doute
Troisième épisode du doute
Il allait falloir attendre l'assemblée annuelle de SNC pour que quelques éclaircissements ne viennent. Le président du conseil, Gwyn Morgan, allait alors indiqué que SNC avait pensé à contester l'indemnité de monsieur Duhaime, mais avait finalement jugé qu'il était dans le meilleur intérêt de l'entreprise de ne pas le faire.
Malheureusement, le conseil allait de nouveau refuser de dévoiler les tenants et aboutissants du témoignage de monsieur Duhaime lors de l'enquête interne. Tout comme le motif du congédiement.
Le fait de déclarer avoir envisagé de ne pas verser l'indemnité était certes indicateur de non complicité, mais le refus de dévoiler le motif du congédiement pouvait encore entretenir en partie le doute (avec quelle force avait-on réellement envisagé de ne pas verser l'indemnité?).
Le procès pourrait tout éclaircir
Personnellement, on a toujours cru en la probité des administrateurs.
Une indemnité pouvait être nécessaire pour s'assurer que monsieur Duhaime aide à la transition (il est demeuré à l'emploi jusqu'au 27 juin). Elle pouvait aussi se justifier parce que les preuves d'une mauvaise conduite étaient rares ou inexistantes. Et le silence des parties pouvait enfin s'expliquer par l'entente finalement négociée entre elles.
Ce silence a jusqu'à maintenant cependant aussi toujours été de nature à entretenir quelques soupçons et à empêcher de conclure hors de tout doute.
Le procès de monsieur Duhaime, particulièrement s'il y témoigne, devrait faire en sorte de dissiper le dernier doute et de s'assurer que le lavage de linge sale en famille a été correctement mené.
SUIVRE SUR TWITTER: F_POULIOT