BLOGUE. Le nouveau pont Champlain pourrait coûter 5 G$, sera probablement à péage, et réalisé en partenariat public-privé. Si le ministre n'a pas exagéré, utilisateurs, préparez votre portefeuille!
C'est un peu indécis que l'on est ressorti mercredi de la conférence de presse du ministre Denis Lebel. Avec pas mal de questions à l'esprit.
5G$ à charge de qui?
La volonté du gouvernement, a dit le ministre, est de réaliser le projet de 5 G$ avec "très peu ou pas de coûts pour le contribuable".
Monsieur Lebel n'a pas dit que le projet coûterait 5G$, et a pris soin de préciser que les études parlaient d'un projet pouvant atteindre 5G$, mais le chiffre est tellement revenu souvent dans sa bouche qu'il y a de bonnes raisons de penser que c'est ce que ça coûtera.
Le fait d'aller tout de suite à la haute fourchette des évaluations permet de postuler que le fédéral souhaite faire des aménagements pour le transport en commun (voies rapides pour les autobus ou encore rail léger), de même que des aménagements périphériques. Une étude du consortium BCDE, livrée en mars 2011, concluait en effet qu'un nouveau pont pourrait coûter 1,3 G$. Elle ne tenait cependant pas compte d'aménagements spécifiques pour le transport en commun et d'autres réaménagements.
Première question: dans le contexte de la déclaration du ministre, est-ce que les 5G$ de coûts d'infrastructure seront assumés au complet par les automobilistes qui emprunteront le pont? Ou une partie sera-t-elle à charge du gouvernement?
Si ce n'est qu'à la charge des automobilistes, préparez votre portefeuille gens de la rive-sud. Un calcul rapide permet de constater que pour le seul paiement de l'emprunt et des intérêts de la dette associés à un projet du genre (5 G$ à 5% par année sur 35 ans), il faudrait demander une contribution de 5$ par passage (60 millions de véhicules par année). Ce n'est pas donné pour qui circule au quotidien (10$ aller-retour). Et l'on n'a pas mis les frais d'entretien et d'exploitation du pont de même que la marge du privé. Tout comme on n'a pas retranché au nombre de passages, qui n'atteindront certainement plus les 60 millions.
Le ministre apparaît s'être avancé un peu vite avec son "peu ou pas de coûts pour le contribuable". Le gouvernement n'aura pas le choix de contribuer.
Et on ne serait en fait pas étonné de voir le fédéral demander au gouvernement du Québec de contribuer aussi dans la réfection du pont Champlain. Sur le coût des aménagements pour le transport en commun et des autres aménagements autoroutiers par exemple.
Le péage est-il une bonne idée?
Le péage est-il une bonne idée?
En conférence de presse, le ministre Lebel a insisté sur la nécessité pour le gouvernement de ramener et maintenir les finances publiques à l'équilibre. De même que sur le principe de l'utilisateur-payeur.
Si vous êtes au gouvernement et ne voulez surtout pas voir le mot "hausse" accolé aux mots "taxes" ou "impôt", il est vrai que l'appellation péage est une solution intéressante.
Si vous êtes un résident de la rive sud de Montréal, il y a cependant de bonnes chances que vous ne voyiez pas l'annonce comme une saine gestion des finances publiques. Plutôt comme une nouvelle taxe injuste, ciblée sur un plus petit nombre, et que n'ont pas à défrayer les autres citoyens de la province lorsqu'ils traversent les ponts situés dans leur périphérie. D'autant injuste que vous, vous contribuez à payer ces ponts.
Il existe il est vrai des ponts alternatifs pour ceux qui ne souhaiteront pas payer, mais on ne peut qu'être très sensible à l'argument des opposants de la rive-sud.
D'autant sensible qu'il n'est pas clair si ce péage ne viendra pas davantage compliquer la circulation ailleurs, notamment dans le secteur du pont Jacques-Cartier, en raison d'un nouvel afflux de véhicules.
Le PPP est-il une bonne idée?
Une autre intéressante question.
Il y a quelques mois, lorsque la possibilité avait été évoquée, on n'était pas très sûr. Tant qu'à y aller à péage et devoir partager les recettes, pourquoi ne pas y aller seul et récolter 100% des recettes? D'autant que le partenaire privé voudra obtenir un rendement sur son investissement et qu'il faudra refiler cette demande de rendement aux automobilistes.
C'était avant le rapport Duchesneau.
Depuis, on n'est plus trop sûr de rien dans le monde des infrastructures.
Si une grande société d'ingénierie est partenaire dans le projet du pont Champlain, il y a un incitatif certain à obtenir de meilleurs prix et à bien surveiller les travaux.
C'est aussi une façon de diminuer son exposition au risque. Un projet de 5G$ n'est pas un petit projet.
Avant d'adopter une position définitive, on aimerait cependant obtenir un peu plus d'indications sur la hauteur des marges bénéficiaires qui seront consenties au privé.
Sur ces types de projet, les entreprises privées intéressée à faire équipe avec le gouvernement devraient à l'avance accepter que les résultats financiers liés à l'infrastructure seront connus du public.