Le Plan Nord est relancé ; malheur, les attentes aussi. Si l'on souhaite que le projet chemine dans le temps, il vaudrait mieux les diminuer.
Il y avait une bonne ambiance, en début de semaine, lors de l'événement «Objectif Nord», organisé par le Groupe Les Affaires. «On sent que le gouvernement veut vraiment faire quelque chose et qu'il a un plan», m'a dit avec enthousiasme un dirigeant de société, après les allocutions du premier ministre, Philippe Couillard, et du ministre de l'Énergie et des Ressources naturelles, Pierre Arcand.
M. Couillard a parlé du Plan Nord comme l'un des rares projets social, environnemental et économique de la planète.
Et il a raison.
La force avec laquelle on vend son potentiel économique fait cependant un peu peur.
La probabilité que l'on assiste à un boom minier dans les prochaines années dans le Nord-du-Québec semble nettement plus faible que ce qui est véhiculé.
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L'exemple du fer, épine dorsale du Plan Nord
Il suffit de s'attarder au secteur du minerai de fer, épine dorsale de l'industrie minière au Québec, pour le constater.
L'industrie du fer, c'est IOC (Rio Tinto), ArcelorMittal et Cliffs, qui ont d'importantes mines dans la Fosse du Labrador. C'est aussi de plus petites sociétés, comme Adriana et New Millennium, qui ont des projets plus au nord et qui sont appuyées respectivement par les géants chinois et indien Wisco et Tata.
En exposé, MM. Couillard et Arcand ont dit vouloir résoudre deux problèmes importants qui nuisent à l'expansion des activités de la filière du fer au Québec.
L'un concerne le port de Sept-Îles, où la minière Cliffs détient des terrains et n'est pas prête à laisser les nouvelles minières (Adriana, New Millennium, Champion, etc.) accéder au nouveau quai multiusager. Il ne devrait pas tarder à être résolu. «Ce problème se règlera», a fermement martelé M. Couillard, en soulignant qu'il ne laisserait pas une seule société empêcher le développement d'une collectivité.
L'autre problème est cependant plus difficile. Il demande la construction d'un nouveau lien ferroviaire avec la Fosse du Labrador. Québec a débloqué 20 millions de dollars pour une étude de faisabilité, et l'on souhaiterait que les minières financent sa construction, évaluée à au moins 3 milliards de dollars.
C'est rêver en couleur.
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Le prix du fer est à un creux de quelques années. Le réflexe est de dire que le secteur est cyclique et qu'il reprendra un jour. C'est vrai, mais cette reprise s'annonce nettement plus difficile et lointaine que par le passé.
La Chine, qui pèse pour près de la moitié de la demande de fer sur la planète, est sur le point de transiter d'une économie d'infrastructures à une économie de services.
La Deutsche Bank voit le phénomène se produire d'ici 2018. À partir de ce moment, la demande mondiale de fer reculera, ce qui n'est guère propice à l'ajout de production. Wood Mackenzie voit plutôt le sommet de consommation dans 10 ans, mais la CIBC note que plusieurs projets sont dans les plans en Argentine et au Brésil sur l'horizon de 2014 à 2020. À eux seuls, ils devraient ajouter l'équivalent de 50 % de la demande mondiale actuelle ! Et, malheureusement, des concentrations de fer plus importantes laissent entrevoir de meilleures perspectives de rentabilité.
Il est écrit dans le ciel que Québec sera appelé à aider. Et on ne voit guère d'où viendra l'argent. Le Plan Nord a essentiellement accès à deux enveloppes. Celle du Fonds Capital Mines Hydrocarbures qui réserve 500 M$ pour des prises de participation au Nord, et une autre, plus vaste dans ses objets (infrastructures, mesures sociales et environnementales), de 2 G$. Mais ces 2 G$ visent à couvrir une période qui s'étire jusqu'en 2035.Tout n'est pas sombre
Il ne s'agit pas de dire que le Plan Nord ne fonctionnera pas.
Le marché du nickel, par exemple, est moins exposé au changement structurel qui se dessine en Chine. Si le prix de l'or tient et se redresse un peu, il y aura d'intéressants indices à explorer et d'autres réussites comme celle d'Éléonore (Goldcorp) à espérer. Il y a surtout quelques projets de minéraux industriels (terres rares, lithium, etc.) sur lesquels d'importants espoirs peuvent être fondés.
Ici encore, toutefois, il ne faut pas se bercer d'illusions. Les risques d'échec au premier essai sont élevés du côté des minéraux industriels. Si l'expertise québécoise dans les métaux de base est internationalement reconnue, elle est embryonnaire.
Le Plan Nord est un bon projet social et économique. Le danger est de vendre au public des retombées irréalistes. Et exposer ainsi l'initiative à un haut risque d'abandon dès les premiers échecs ou un changement de gouvernement.
Chauffons la salle, mais avec mesure.
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