Le prix du pétrole se porte mal, dit-on. On pourrait bien n'avoir encore rien vu. Un nouveau point de rupture semble se dessiner, qui devrait cependant être suivi dans quelques mois de grandes réjouissances plus permanentes.
«Serions-nous sur le point de connaître le passage apocalyptique qui mène à la résurrection ?» C'est l'interrogation qui nous est venue après la lecture d'un intéressant commentaire de l'analyste Josef Schachter, de Maison Placements Canada. On ne connaît pas personnellement M. Schachter, mais c'est notre préféré quand il est question du marché pétrolier.
Sa théorie : le cours de l'or noir est sur le point de fortement reculer, mais pour mieux revenir et tenir plus solidement par la suite. Voyons ce qu'il en est.
La stratégie de l'OPEP fonctionne...
D'abord un coup d'oeil sur l'état des lieux.
La stratégie de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) de laisser tomber le prix du baril en n'abaissant pas ses quotas de production fonctionne.
L'organisation est en train de gagner la guerre qui l'oppose aux producteurs non membres, et particulièrement à ceux des États-Unis. La production américaine commence en effet à sérieusement décroître. À 9,7 millions de barils/jour en avril (Mb/j), elle se situe aujourd'hui à 9,1 Mb/j.
La vitesse de la retraite a même surpris l'Energy Information Administration (EIA) qui voyait la croissance de production du schiste pétrolier se poursuivre en 2015 et en 2016.
Il est probable que la tendance se poursuive. Plus de 1 600 foreuses étaient actives aux États-Unis il y a un an. On n'en compte plus que 640.
... mais elle est à la source d'un problème
La recette fonctionne, mais il existe toujours un important problème d'offre, notamment en raison de l'OPEP elle-même.
En septembre, l'organisation a produit 31,5 Mb/j. Pour garder le marché en équilibre, et respecter sa production cible annuelle pendant cette période, elle aurait plutôt dû produire de 28 à 29 Mb/j.
Quelques pays ont de la difficulté en raison des faibles prix et pompent davantage que ce qu'ils devraient pour tenter de compenser avec de plus importants volumes.
Ce n'est pas le seul motif.
Le cartel souhaite apparemment aussi profiter de l'opération «maintien des quotas» pour récupérer ses parts de marché historiques. Celles-ci se sont en moyenne situées à 35-36 % et sont aujourd'hui inférieures à 32 %.
Il faut en même temps faire de la place pour le retour éventuel du pétrole iranien (potentiel de 1 Mb/j) et de celui de la Libye (potentiel de 750 000 barils par jour).
M. Schachter calcule que, pour que les parts de marché de l'OPEP remontent à 35-36 %, il faudrait que la production des pays non membres recule de 2,8 à 3,6 Mb/j.
En vertu d'un tel retrait, l'OPEP pourrait maintenir son niveau de production actuel (31,5 Mb/j par rapport à une cible de 30,3 Mb/j). Certains pays auraient à abaisser leur production pour accueillir celle de l'Iran et de la Libye, mais rien de très majeur puisque ces pays demeureraient à l'intérieur des paramètres de production qui leur sont attribués sur papier (et qu'ils dépassent présentement).
On est encore loin de cette cible. Le retrait de 600 000 barils aux États-Unis est un début, mais la marche doit se poursuivre, le reste de la production mondiale restant encore à être ralenti.
Comment la marche peut-elle se poursuivre ? En continuant d'inonder le marché, puisque les coûts de production des pays membres de l'OPEP sont généralement plus faibles que ceux des pays non-membres.
Les conséquences
La période qui s'étend de la fin de septembre au début de l'hiver correspond à une plus faible demande sur le marché pétrolier. La saison des vacances est terminée et celle du chauffage n'est pas encore commencée.
L'analyste calcule que l'OPEP produit actuellement de 2,6 à 3,2 Mb/j excédentaires par rapport à ce que devrait être la demande dans les deux prochains mois. Près de 200 Mb pourraient devoir être entreposés. Or, certains rapports font valoir qu'il n'y a de la place que pour 100 Mb.
Des producteurs pourraient donc devoir eux-mêmes garder des barils, et, devant la force du déséquilibre, le cours du pétrole devrait solidement glisser, particulièrement du côté du Brent.
Josef Schachter voit le baril chuter à 30 $ US, remonter à 50 $ US à l'hiver 2016 et revenir à 40 $ US au printemps, en raison d'un autre ralentissement saisonnier.
C'est à ce moment que le coup final devrait être asséné aux producteurs non membres de l'OPEP. Un nombre assez important de sociétés seront arrivées au bout de leur trésorerie et n'auront plus suffisamment de capacités financières pour produire.
Le baril de pétrole devrait alors amorcer une remontée vers des prix plus stables et probablement toucher les 70 $ US en 2016-2017.
Il est peu probable que beaucoup de nouveaux projets se financent ensuite chez les non-OPEP, investisseurs et banquiers étant alors bien conscients des risques d'un nouveau coup de force de l'OPEP.
Quoi jouer et quand jouer ?
Quoi jouer ? La maison aime quelques sociétés du secteur. Quand jouer ? Pas tout de suite, mais elle donne (voir tableau) des fourchettes de prix où elle commencerait à accumuler en vue du prochain cycle haussier.
Sur le radar
Pétrole : le cours du WTI
Le prix, en dollars américains, sur cinq ans
Source : Bloomberg
Quelques recommandations de Maison Placements Canada
Titre / Prix d'achat recommandé
Canadian Natural Resources (CNQ, 32,04 $) / 20-22 $
Cenovus Energy (CVE, 21,90 $) / 14-15 $
Imperial Oil (IMO, 45,64 $) / 32-34 $
Tourmaline Oil (TOU, 34,79 $) / 24-26 $
Precision Drilling (PD, 6,58 $) / 4,00-4,50 $
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