Entre 1992 et 2000, Philippe Couillard a détenu un compte bancaire dans le paradis fiscal de l'île Jersey. Manque de jugement ou geste légitime? Geste légitime, et sa probité ne devrait pas être remise en doute pour cette affaire.
Si l'on comprend bien les informations de Radio-Canada, le chef libéral aurait fait transiter dans un compte de Jersey pour 600 000$ de rémunération médicale alors qu'il travaillait en Arabie saoudite. Les sommes auraient été déposées entre 1992 et 1998, mais le compte aurait été détenu jusqu'en 2000, année où monsieur Couillard aurait rapatrié le tout au Canada.
Une opération légale, toujours selon ce que rapporte la SRC, monsieur Couillard n'étant pas à cette période un résident canadien.
SUIVRE SUR TWITTER: F_POULIOT
La version de Philippe Couillard, qui nous a été fournie tard en soirée, est différente. La somme de 600 000$ semble exacte, mais elle aurait été amassée jusqu'en 1996, année où il est revenu au Canada. À ce moment, monsieur Couillard aurait déclaré l'existence de ce compte à Revenu Canada. Redevenu résident canadien, il a, dans les années suivantes, payé les impôts canadiens et québécois requis sur les revenus de ce compte. Le compte est toujours demeuré à l'île Jersey, dans une filiale de la Banque Royale. Au moment d'un divorce, en 2000, il a été cédé à son ex-épouse.
Pourquoi avoir ouvert un compte à Jersey?
Les citoyens étrangers qui résident en Arabie saoudite n'ont pas à payer d'impôt, indique un ami comptable, qui a longuement travaillé en fiscalité internationale.
Pourquoi alors était-il nécessaire pour monsieur Couillard d'ouvrir un compte à l'île Jersey?
Simplement, nous a expliqué son attaché de presse, parce qu'au moment où il est arrivé en Arabie saoudite, il n'était pas sûr du système bancaire saoudien et cherchait plutôt à faire affaires avec une banque canadienne. Des amis lui auraient alors indiqué que la plupart d'entre eux faisaient affaires avec la Banque Royale. C'est à ce moment que le compte aurait été ouvert à l'île Jersey, par une filiale de la banque.
Pourquoi monsieur Couillard ne devait-il pas payer d'impôt au Canada?
On l'a dit plus haut, au Canada, ce n'est pas la citoyenneté qui déclenche l'impôt, c'est le lieu de résidence. Monsieur Couillard n'avait plus rien en sa possession au Canada et résidait avec sa famille en Arabie.
Oui, mais, il a choisi un paradis fiscal sur la liste noire de l'OCDE?
Oui, mais, il a choisi un paradis fiscal sur la liste noire de l'OCDE?
Il faut faire attention avec cette affirmation, et se reporter à l'époque. Rappelons les dates. Les sommes ont été déposées entre 1992 et 1998, selon Radio-Canada, jusqu'en 1996, selon monsieur Couillard.
Or, la liste noire de l'OCDE ne date que de juin 2000 (ce n'est pas la version de monsieur Couillard, c'est notre propre trouvaille). De laisser entendre qu'il a pu choisir cette juridiction parce qu'il la savait plus cachottière que d'autres est injuste. À cette époque, tous les paradis fiscaux étaient pas mal sur un pied d'égalité côté secret bancaire. C'est après les faits que l'île Jersey est devenue délinquante.
Que retenir de l'affaire?
Une seule question demeure dans notre esprit: en 1996, lorsqu'il est revenu au Canada et a fait déclaration à Revenu Canada de son compte à l'île Jersey, monsieur Couillard a-t-il donné accès à toutes les informations concernant ses avoirs à la Banque Royale Jersey? On serait porté à le croire. Son divorce aide en outre beaucoup à sa cause. Si madame savait pour le compte de Jersey, il y a une présomption qu'elle savait pour tout autre compte. Le montant de la somme à Jersey était aussi relativement élevé compte tenu de la durée du séjour, ce qui vient diminuer la probabilité d'existence d'autres comptes.
À moins de nouvelles révélations, il semble donc malhonnête, avec les faits actuels, d'attaquer la probité de Philippe Couillard.
L'affaire pose cependant une interrogation politique. Et elle ne concerne pas l'utilisation d'un paradis fiscal.
Tout semble légal. Et défendable au plan de la morale. Un citoyen canadien résidant dans une juridiction ne lui demandant aucun impôt (Arabie saoudite) n'avait pas à l'époque à payer d'impôt au Canada. Si on avait voulu que ce soit le contraire, il fallait le dire par loi.
Ne devrait-on pas cependant le dire aujourd'hui? Du moins pour l'impôt fédéral?
SUIVRE SUR TWITTER: F_POULIOT