Par où commencer ? La question se pose chaque fois que l'on s'installe devant l'écran d'ordinateur pour amorcer cette chronique.
Elle se pose avec encore plus de force lorsqu'il s'agit des banques. Le secteur est complexe. Son comportement dépend de plusieurs vecteurs difficiles à prédire, et parfois même de produits que les initiés ont de la difficulté à maîtriser (les PCAA, ça vous dit quelque chose ?).
Alors que les institutions s'apprêtent à dévoiler leurs résultats du quatrième trimestre (2 décembre, BMO), une intéressante analyse de Marchés mondiaux CIBC est arrivée sur notre bureau il y a quelques jours.
À quoi ressemblent les perspectives du secteur bancaire ? L'analyste Robert Sedran s'attarde aux trois éléments qu'il considère comme les principaux vecteurs de l'industrie.
Voyons-y de plus près, avec notre appréciation de chacun d'entre eux.
1. Les revenus nets d'intérêt
C'est le premier des vecteurs. Il s'agit en fait de la différence entre les revenus tirés des prêts que font les banques et les intérêts qu'elles doivent verser aux déposants.
Pour évaluer leur progression future, la question à se poser est assez simple : avec quelle force les taux d'intérêt grimperont-ils au cours des prochains mois et quel sera l'impact de cette hausse sur le volume de prêts ?
Certains diront que les banques redoutent une hausse de taux. C'est vrai, si elle doit être radicale et rapide. Parce qu'elle aurait pour conséquence de faire baisser les volumes et d'augmenter significativement les risques de défaut.
La plupart des banquiers prient en fait pour une hausse modérée des taux d'intérêt. Dans le passé, lors d'événements haussiers modérés, il a été observé que de bons montants étaient conservés dans des comptes opérations et à épargne stable. De telles situations permettent généralement aux banques d'accroître leur marge bénéficiaire, puisque la croissance du taux d'intérêt moyen auquel elles prêtent est supérieure à celle du taux d'intérêt moyen qu'elle verse sur les dépôts.
À quoi ressemblera 2015, côté hausse de taux ?
En fait, il vaut mieux chercher à voir un peu plus loin, parce que dès l'été prochain, la Bourse commencera déjà à anticiper les bénéfices 2016.
Dans son dernier rapport sur la politique monétaire, publié en octobre, la Banque du Canada prévoit que l'économie canadienne ne reviendra pas à sa croissance potentielle avant la seconde moitié de 2016, même si le PIB réel croîtra à un rythme annuel de 2 % à 2,5 % d'ici là. L'institution prévoit de son côté une croissance de 2,4 % en 2015 et de 2,3 % en 2016.
Interprétation personnelle : on pourrait commencer à voir les taux grimper en 2016 et la rentabilité des banques, en lien avec ce premier vecteur, s'améliorer.
Après une hausse de 6,5 % des revenus nets d'intérêts en 2014, Marchés mondiaux CIBC s'attend à une progression de 6,4 % en 2015 et de 7,2 % en 2016.
Ça semble raisonnable.
2. Les revenus liés aux marchés des capitaux
Deuxième vecteur. Il s'agit ici des revenus tirés des appels publics à l'épargne que pilotent les divisions de courtage des banques, des services conseils (fusions-acquisitions) de ces mêmes divisions, et des revenus de commissions et de gestion liés aux activités de conseils des particuliers et de négociation.
C'est un poste fort difficile à prédire, qui ne touche pas également l'ensemble des institutions (c'est généralement un élément important pour la Nationale et la BMO, moins pour la TD).
En 2013, ces revenus ont augmenté de 4,2 %. À la fin de 2014, ils devraient avoir bondi de plus de 10 %.
Pour 2015, CIBC voit l'environnement se maintenir et les revenus liés aux marchés rester stables. Croissance zéro. Pour 2016, elle projette une modeste avancée de 2,4 %.
Jugement personnel : ça semble à première vue un peu faible étant donné une économie en amélioration. Compte tenu de la faiblesse observée dans le secteur des ressources naturelles, et particulièrement du côté pétrolier, il vaut cependant mieux être prudent. D'accord avec le pronostic, donc.
3. Les pertes sur prêts
Troisième et dernier vecteur. Les pertes sur prêts ont été un important facteur de contribution à la rentabilité alors qu'elles ont reculé de 15,1 % en 2013.
Pour 2014, les provisions devraient connaître une hausse d'environ 8 %.
En raison d'une augmentation probable des taux d'intérêt à venir, la CIBC fait augmenter celles-ci de 13,7 % en 2015 et 11,3 % en 2016.
Jugement personnel : aucune idée. On prend acte du fait que la maison postule une augmentation de risque qui semble relativement importante. Ce qui est sage.
Faut-il jouer les banques ?
Au final, lorsque l'on tient compte de l'ensemble des vecteurs, la firme prévoit qu'après une hausse de 10,8 % en 2014, les bénéfices des banques devraient avancer de 6,2 % en 2015 et 6,9 % en 2016.
Autrement dit, une progression dans la moyenne de ce que pourrait connaître le marché en général.
En fonction du bénéfice 2015 (octobre), le secteur se négocie à 12,2 fois le bénéfice prévu par BMO et à 12,4 fois celui anticipé par la CIBC.
Historiquement, sur cinq ans, le multiple moyen du bénéfice à venir est de 10,9 ; sur 10 ans, il est de 11,2.
Constat ?
On ne dirait pas que les banques sont surévaluées, mais elles semblent déjà escompter les résultats de 2016. Prudence.
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Source : Bloomberg