C'était au printemps. Au terme d'une résistance exemplaire, Osisko hissait le drapeau blanc ; le Québec amenait le sien en berne. La province venait de perdre son espoir minier.
Dans les heures précédentes, Osisko avait accepté l'offre d'achat d'Agnico-Eagle et Yamana Gold. Une offre qu'elle avait elle-même sollicitée pour ne pas tomber aux mains de Goldcorp. Osisko allait continuer d'exister grâce à une entente de redevances, mais, avec la sortie de la mine Malartic du giron corporatif québécois, on voyait mal comment on pourrait un jour redonner à la province un fleuron de la trempe de ce qu'était jadis Cambior.
L'annonce de l'acquisition par Osisko de la société d'exploration Virginia vient cependant changer les choses et redonne espoir. Les ingrédients sont là pour reconstruire dans les prochaines années une nouvelle figure de proue québécoise.
Curieusement, les équipes de ces deux sociétés ont longtemps fait rigoler l'industrie.
À la fin des années 1990, alors que tous les prospecteurs du Québec et du Canada mettaient les voiles pour l'international, le président de Virginia, André Gaumond, et son acolyte, Paul Archer, s'entêtaient à forer à la Baie-James et dans le Nord-du-Québec. «Deux rêveurs, qui ne comprennent pas où s'en va l'industrie», racontait-on dans le milieu en souriant.
Le dernier sourire fut celui des deux rêveurs. En 2004, ils annonçaient la découverte d'Éléonore. Une propriété qui allait s'avérer l'un des plus importants gisements du Canada et rapporter 420 millions de dollars américains à Virginia, en plus d'une redevance annuelle de 2 à 3 % des revenus.
Au milieu des années 2000, la réaction est la même du côté de Malartic, lorsqu'une jeune entreprise du nom d'Osisko s'amène, procède à des forages, et monte un projet de relance d'exploitation d'une ancienne mine qui nécessite le déplacement de plus de 200 habitations. Insensé, le projet deviendra l'un des actifs miniers les plus convoités du Canada et donnera lieu à l'une des plus grandes batailles corporatives dans l'histoire minière du Québec.
Ce que devient aujourd'hui la nouvelle Osisko
L'acquisition permet de réunir sous un même toit deux équipes de génie. L'une est spécialisée dans l'exploration (Virginia), l'autre dans la production (et pas mauvaise non plus dans l'exploration).
Elle permet aussi de faire entrer chez Osisko de nouveaux capitaux et de nouvelles propriétés à développer.
Avec une redevance de 5 % sur la production de la mine Malartic, la nouvelle Osisko devrait recevoir de 40 à 50 M$ annuellement. Lorsqu'elle fonctionnera à plein régime dans quelques années, Éléonore devrait annuellement lui fournir au moins 20 M$ supplémentaires.
Là ne s'arrête pas la transformation. Pour solidifier les fondations du nouvel espoir québécois et lui donner plus de capacités financières, la Caisse de dépôt prend une participation de 50 M$ et le Fonds de solidarité FTQ met 20 M$.
Au total, la nouvelle Osisko dispose maintenant d'une encaisse de 270 M$.
Où ira cet argent ?
Une partie sera assurément consacrée au développement des propriétés existantes de Virginia. Il y a le projet Coulon, où la société travaille à la délimitation d'un dépôt de zinc, cuivre et argent. Le dépôt est situé dans le centre-nord du Québec, à 15 kilomètres de l'aéroport de Fontanges (exploité par Hydro-Québec). Il y a aussi quelques autres cibles dans le secteur de la Baie-James et ailleurs : Opinaca-Eastmain, La Grande, Caniapiscau et Kan.
Pour le reste, c'est moins clair, du moins publiquement.
Le chef de la direction financière d'Osisko, Brian Coates, indiquait lundi que la direction avait bien l'intention d'affecter les sommes de manière à créer le plus de richesse possible. Rien n'est écarté : de la prise de participation dans des projets existants au lancement d'une exploitation comme à Malartic.
La bonne nouvelle, pour le Québec, et le Canada, c'est que, bien qu'il n'exclut pas d'aller à l'international, M. Coates dit qu'Osisko aime bien son territoire, qu'elle le connaît bien, et il croit surtout pouvoir trouver d'intéressants projets au Québec et en Ontario.
Une seule ombre au tableau : la Financière Banque Nationale estime que la nouvelle entité pourrait un jour intéresser des sociétés de redevances comme Franco-Nevada et Royal Gold.
Restons toutefois dans le présent et réjouissons-nous : en ce jour, les bases d'une nouvelle Cambior pourraient bien avoir été jetées.
L’acquisition en bref
Société qui achète : Redevances aurifères Osisko Société achetée : Mines Virginia
Prix de la transaction : 14,19 $ par action de Virginia, une prime de 41 % sur le prix de la veille de l’annonce, et de 27 % sur le cours moyen des 30 derniers jours.
Valeur de la nouvelle société : 1,3 G$
Ce qu’apporte Virginia : des redevances (2,2 à 3,5 %) sur le prix de vente de l’or produit à la mine Éléonore ; des propriétés dans le Nord-du-Québec ; et l’une des meilleures expertises géologiques du Québec.
Ce sur quoi compte déjà Osisko : des redevances de 5 % sur les ventes d’or de la mine Canadian Malartic et une solide expertise géologique en production.
Deux nouveaux partenaires financiers : la Caisse de dépôt et placement du Québec (50 M$) et le Fonds de solidarité FTQ (20 M$)
1,3 G$: La nouvelle société, qui portera le nom de Redevances Aurifères Osisko, aura une valeur boursière de 1,3 milliard de dollars.