Comment bâtit-on une métropole: en respectant les sommes budgétaires historiquement allouées à ses arrondissements ou en donnant un peu moins à Jean pour plus équitablement habiller Paul?
La question nous a trotté dans la tête, vendredi, au sortir d'une rencontre avec le président du comité exécutif, Pierre Desrochers.
Le budget de Montréal s'en vient, et, à n'en pas douter, la question de la refonte du financement des arrondissements y sera grandement discutée. Des déchirements sont à prévoir, avec le Plateau et le Sud-Ouest qui annoncent déjà une augmentation de leur taxe locale. Et Outremont qui puise dans ses surplus cette année, mais qui devra faire face à la réalité dans les prochaines années.
Au tournant des années 2000, alors jeune reporter municipal au Soleil de Québec, nous suivions de près tout le débat des fusions municipales. Le maire de Québec, Jean-Paul L'Allier, bataillait ferme pour la création d'une ville unique. Au cœur de la discussion était notamment l'inéquitable financement de la ville centre, dont les citoyens devaient assumer seuls toutes sortes de coûts qui bénéficiaient à la grande agglomération. Il en était ainsi par exemple des coûts de sécurité lors des grands événements, comme le Carnaval de Québec.
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On ne sait trop comment tout cela a évolué à Québec, mais la surprise a été grande, à l'été, lorsque Montréal a annoncé sa réforme du financement des arrondissements: tout ce qui écope est justement au centre.
Au cours des 10 prochaines années, Outremont verra son budget réduit de 19,3%, Ville-Marie de 13,7%, le Plateau Mont-Royal de 12,7%, et le Sud-Ouest de 10,8%.
En revanche, des arrondissements verront leurs transferts considérablement augmenter. C'est le cas de Lasalle (+21,7%), Pierrefonds-Roxboro (+11,1%) et Rivière-des-Prairies-Pointe-aux-Trembles (+10,2%).
Que se passe-t-il?
L'histoire ne commence pas avec l'arrivée de l'administration Coderre. Déjà, avant les dernières élections, l'appareil administratif avait commencé à plancher sur l'établissement de paramètres de manière à financer les services en fonction des meilleures pratiques. Tout en tenant compte, bien entendu, des obstacles et des réalités terrain qui font que même avec les meilleures pratiques, le coût d'un service peut être plus élevé à certains endroits.
Quelques exemples de la nouvelle façon d'allouer le budget aux arrondissements.
Pour le déneigement, on tient désormais compte des kilomètres de chaussées et de trottoirs, tout en pondérant en fonction des pentes, de la circulation et de l'étroitesse des rues. Chacun reçoit une allocation du kilomètre, mais qui est bonifiée dépendamment des difficultés terrain.
Idem pour les bibliothèques où on a tient compte du nombre de transactions, des superficies et d'un indice de défavorisation.
Pour les parcs, le calcule se fait en fonction des superficies de gazon à tondre, de l'émondage nécessaire, de la surface des terrains de jeu.
Juste l'exercice?
Juste l'exercice?
Chez les arrondissements perdants, des critiques se sont élevées sur le choix de certains paramètres.
Ainsi, un secteur peut avoir un très grand parc, mais ne pas avoir la même pression de fréquentation. Les parcs du centre-ville demandent généralement plus de travail de nettoyage en raison de leur fréquentation. Or, le critère de densité n'a pas été retenu dans les paramètres.
À ce problème d'ajustement de quelques paramètres pour les services de base, s'en ajoute un autre: celui du nivèlement des services offerts. Outremont, par exemple, offrait à ses citoyens le déblaiement des ruelles. Ce n'est pas considéré comme un service de base dans la nouvelle paramétrisation. Et c'est probablement une bonne partie de l'explication des pertes de financement qu'encourt l'arrondissement (-19,3%).
Dans la même veine, il n'est pas impossible non plus que dans un arrondissement qui aurait fait le choix d'offrir plus de bibliothèques, l'une d'elle doive fermer parce que l'offre est trop importante par rapport à la moyenne.
À l'époque des défusions, si ces données avaient été connues, il est probable que l'on aurait assisté à quelques départs. Et on peut comprendre la grogne des citoyens des municipalités à qui on demandera de casquer davantage pour conserver un niveau de services qu'ils ont toujours eu.
À jeter aux poubelles l'opération?
Non.
Les élus des arrondissements mécontents n'ont pas tort de dire qu'il n'ont pas été consultés sur les résultats finaux de l'opération. Mais, on l'a vu, celle-ci est en cours depuis avant la dernière élection. Il y avait consensus dans la région de Montréal sur la nécessité d'harmoniser le financement des services de base en fonction de la performance et de la réalité terrain. Si les élus n'ont pas été consultés sur les conclusions de l'opération, l'appareil administratif de tous les arrondissements a tout de même, lui, contribué à l'élaboration des paramètres. Et s'il y a contribué, c'est qu'il avait eu feu vert des élus locaux.
Le résultat en déçoit certains, mais il est là. Lorsque l'on entre dans un jeu parce qu'on le juge équitable, il faut accepter le verdict des dés.
L'opération est perfectible, mais est dans son essence une bonne chose pour Montréal à long terme. Le financement des services sera désormais ajusté en fonction d'une saine performance et des contraintes terrain. Ceux qui en veulent davantage devront payer davantage, par l'entremise de la taxe locale.
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