Les temps sont difficiles pour le secteur des mines et métaux depuis quelques semaines. Tout est en recul senti. Occasion d'achat ou trappe ?
Depuis mars, le prix du nickel est en baisse de 12 %, celui du cuivre a fléchi de 10 %, idem pour l'aluminium. L'or est également en recul de plus de 10 %.
En contrecoup, le sous-indice minier mondial de la Bourse de Toronto est en retraite de 19 %. Même raclée pour la Bourse de Vancouver, où se négocient nombre de petites capitalisations minières.
Que se passe-t-il ?
Les flux de capitaux se sont inversés. Depuis quelque temps, il sort plus d'argent qu'il n'en entre sur les marchés émergents, dit la maison UBS. Les analystes expliquent que l'arrivée d'importants flux de capitaux a généralement pour effet de renforcer la croissance économique naturelle de ces pays, ce qui stimule encore plus la demande en ressources naturelles. En revanche, une plus grande sortie de capitaux a l'effet inverse.
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Le renversement des flux n'est pas sans précédent. Cela s'est produit en 1995 et a donné lieu à un marché baissier du secteur minier jusqu'en 1998. Il est aussi à la source de la chute de 2008 et, plus récemment, des plongeons d'avril-mai 2010 et de septembre 2011.
Que feront les flux au cours des prochains mois ? La question à un million. Ce n'est pas aisé à dire, mais tentons d'y voir de plus près.
Pourquoi les flux varient-ils ?
D'abord, ce qui les influence.
On l'a vu un peu plus haut : à deux reprises depuis 2008, le marché des ressources a subi une correction.
Coïncidence, ces deux corrections sont survenues peu de temps après la fin d'importantes opérations de stimulation menées par la Réserve fédérale (FED) et la Banque centrale européenne. Des opérations qui avaient mis le secteur en effervescence. Les flux semblent augmenter lors des opérations et se renverser après coup.
Pourquoi ? Voici, sommairement résumée, la pensée de UBS.
Chaque fois que les banques centrales interviennent pour faire baisser les taux d'intérêt, aux États-Unis ou en Europe, elles ont pour effet de modifier l'équation risque/rendement. Devant la détermination des autorités monétaires, les investisseurs prennent confiance et se mettent à anticiper une accélération de l'économie mondiale. Au même moment, et à cause des opérations, ils se retrouvent cependant avec des perspectives de rendement des obligations encore plus faibles. Plus confiants dans l'économie et face à des instruments obligataires offrant moins de rendement, ils deviennent alors plus audacieux et dirigent leur pécule vers des placements plus payants. Le risque est plus grand, mais il semble après tout contenu par les mesures de stimulation.
Les flux de capitaux augmentent alors vers les pays émergents. Leurs économies s'accélèrent encore davantage, le prix des ressources grimpe, la valeur des sociétés aussi.
Malheureusement, lorsque les opérations de stimulation se terminent et que l'économie ne laisse pas entrevoir de solides signes de reprise, le risque semble soudainement plus important et les capitaux sont rapatriés vers des investissements moins risqués. Ils quittent les pays émergents.
Y aura-t-il de nouvelles opérations de stimulation ?
Y aura-t-il de nouvelles opérations de stimulation ?
C'est la grande question puisque, ces dernières années, ce sont elles qui semblent avoir influencé tantôt l'arrivée, tantôt le retrait de capitaux sur les marchés émergents.
La maison ne sait trop.
Aux États-Unis, elle est convaincue que ce n'est pas demain que la FED procédera à un troisième assouplissement quantitatif. La croissance des indicateurs économiques ralentit, mais elle demeure toujours potable.
En Europe, les programmes de soutien à taux d'intérêt très faibles visaient à faciliter le refinancement de certaines banques pour rassurer les investisseurs. Ils n'avaient pas pour but de les recapitaliser face à une baisse de valeur de leurs actifs. Seuls des investissements des États peuvent les renflouer. Mais la chose ne sera pas facile, car les États auront besoin d'emprunter pour ce faire, et plusieurs doivent plutôt tenter de diminuer leur endettement. Il pourrait y avoir certains types d'investissement de la part de la banque centrale, mais pas mal d'eau risque de couler sous les ponts avant que tous ne s'accordent là-dessus.
Morale de l'histoire ?
Aussi paradoxale que la chose puisse paraître, si les données économiques se maintiennent, il est peu probable que le prix des ressources rebondisse. UBS parle même d'un marché baissier séculaire qui s'installerait. Si les indicateurs déclinent fortement, la table devrait être mise pour de nouvelles mesures de stimulation, et les prix devraient rebondir dans les semaines suivantes. L'incohérence à elle seule plaide pour une forte hésitation quant au secteur des ressources. Ça sent la trappe ou, si l'on préfère, l'attrape.
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