BLOGUE. Les étudiants en grève au Québec devraient accepter de rentrer en classe dès maintenant, avant que ne s’abatte la loi spéciale. Il est temps pour eux de réfléchir à donner du lest et à gagner plus d’appuis dans leurs rangs et dans la population. Cela ne veut pas dire qu’il faut pour autant cautionner la position du gouvernement.
On a à quelques reprises sourcillé, mercredi soir, en entendant les plaidoyers de madame Courchesne et monsieur Charest. Tout comme ceux des représentants étudiants.
D’abord ce qui nous a déplu chez le gouvernement.
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Il est bon de donner de la perspective et d’indiquer que 14 Cegep sur 48 sont en difficultés (grève) 11 universités partiellement en problème sur 18. Il est moins bon cependant de laisser entendre que les étudiants qui étudient sont favorables aux dernières offres. Pour en côtoyer un certain nombre, ce n’est pas ce que l’on sent. Il est vrai de dire qu’une minorité empêche une majorité d’entrer, mais il n’est pas vrai de dire qu’une majorité partage les vues gouvernementales et acceptent une hausse des frais de scolarité de 75% sur sept ans. Il y a ici une nuance que l’on se garde malheureusement trop souvent de faire.
L’argument de la nécessité d’investir dans les universités pour avoir des institutions de « calibre mondial » est aussi une expression qui sonne curieusement. Avec 7 millions de population, le Québec ne peut avoir 18 universités du calibre d’Harvard, MIT, Oxford et Stanford.
Il faut un bon réseau d’universités avec différents points de force. C’est à cela qu’il faut réfléchir. Et il semble y avoir moyen de faire cela à meilleur coût. Est-il nécessaire de rappeler qu’avant le 850 M$ de réinvestissements annoncé il y a deux ans par Québec, les dépenses globales des universités étaient déjà supérieures à celles de la moyenne canadienne et nettement supérieures à celles de l’Ontario (29 242$ par étudiant québécois ou 1,94% du PIB, contre 26 383$ par étudiant ontarien ou 1,76% du PIB). Il y a une importante réflexion à faire sur les coûts de fonctionnement des universités québécoises et, malheureusement, le couvercle est en train d’être mis sur la marmite en l’oubliant. Il est toujours plus facile de lever un tribut que de couper de la dépense.
Il ne s’agit pas de dire que Québec n’a pas ouvert. Le gouvernement a fait de bons gestes avec la bonification des bourses aux plus défavorisés. Un certain nombre d’étudiants paieront effectivement moins cher qu’ils ne paient actuellement, après la hausse. L’étalement de la hausse sur sept ans plutôt que cinq est aussi une intéressante concession.
Au final, une majorité d’étudiants sortiront tout de même plus endettés. Cette hantise de la dette est susceptible de faire décrocher un certain nombre de talents. Sans s’inclure dans le groupe des talentueux (!) on s’est souvent demandé si l’on serait aujourd’hui dans nos fonctions s’il avait fallu, à l’époque de nos études, soutenir les frais de scolarité qui seront exigés dans sept ans.
Il n’y a pas de mal à payer plus tard pour d’autres la formation que l’on a reçue à une certaine époque. C’est un système qui permet d’optimiser la formation chez un plus grand nombre.
Il faut revenir au centre et abaisser le radicalisme
Il faut revenir au centre et abaisser le radicalisme
Si on a sourcillé en entendant certaines affirmations du gouvernement, on a aussi sourcillé en entendant les étudiants.
En journée lorsqu’ils ont renouvelé leur position pour un gel des frais de scolarité. En soirée, lorsqu’ils ont laissé entendre que la loi spéciale pourrait envenimer la désobéissance civile.
Sur le gel. Cette position est indéfendable et elle ne contribue qu’à s’aliéner l’opinion publique. Il devient nécessaire de faire un bout de chemin et d’accepter une certaine hausse. Au risque de se répéter, le mitoyen est généralement l’endroit où se rencontrent le plus d’intérêts. Ouvrir avec cet objectif contribuerait à dépolariser le débat et à ramener la discussion au centre. Sur la question des frais de scolarité, il n’y a curieusement plus de centre au Québec, les camps sont installés aux limites extrêmes du spectre.
Sur la désobéissance. Une approche plus mitoyenne, et une poursuite des cours permettrait probablement de rallier une bien plus grande force étudiante. Qui pourrait continuer de manifester pacifiquement, tout en bonifiant son discours pour se rallier une plus grande partie de l’opinion publique.
Histoire d’amener plus de Québécois dans leur camp, une amie suggérait par exemple hier aux étudiants de leur poser la question suivante (après avoir accepté de faire un bout de chemin) : seriez-vous d’accord si l’on augmentait les tarifs d’électricité de 75% sur sept ans?
Bien que les écarts aient vraisemblablement récemment fondus, le Québec demeure aussi l’un des endroits avec les plus bas tarifs d’électricité.
La balle est maintenant dans le camp des étudiants. De leur capacité à s’entendre pour abaisser le radicalisme dépendra la victoire ou la défaite.