BLOGUE. Sans grande surprise, Nicolas Marceau accède au poste de ministre des finances. Avec un peu plus de surprise, Stéphane Bédard devient patron du conseil du trésor. La nomination du nouveau conseil des ministres nous a amené à réfléchir un peu plus sur les enjeux financiers auquel il doit faire face et sur sa probabilité de survie à son premier budget. Constat: il n'y a guère que la question des riches qui semble pouvoir faire avorter le prochain budget.
Beaucoup parlent depuis quelques jours des défis financiers auxquels doit faire face le nouveau gouvernement.
À la veille de son départ, l'ancien ministre des finances, Raymond Bachand, a évoqué le besoin d'y aller de 800 M$ de compressions d'ici le 31 mars si l'on veut atteindre la cible budgétaire.
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C'est probablement l'enjeu financier le plus difficile pour le gouvernement Marois. Un enjeu qui n'est cependant pas insurmontable. À pareille date l'an dernier, Québec était en retard de 600 M$ et il s'avère que l'on a terminé l'exercice financier 2011-2012 avec un surplus qui pourrait être de plus de 800 M$ sur la cible initiale.
Une partie du cadre financier de madame Marois repose en outre sur une croissance des dépenses moindre que ce qui est prévu au dernier budget. Elle a conséquemment sans doute déjà quelques idées de compressions. Celles-ci devraient lui permettre d'atteindre l'objectif.
Les grands enjeux
- Il y a pour 992 M$ de promesses à faire passer sur cinq ans. Ça semble beaucoup dans le contexte, mais les prévisions du dernier budget laissaient de l'espace pour 300-350 M$ de nouveaux engagements par année. On est à 200 M$. Il n'y a donc pas trop de difficultés: les engagements ne s'ajoutent pas, ils sont déjà dans les prévisions budgétaires.
- L'abolition de la taxe santé viendra faire une ponction de 1 G$ dans les prévisions. Mais le gouvernement prévoit renflouer le tout par une augmentation de l'impôt des riches et par une hausse de l'impôt sur le gain en capital. Il n'est pas tout à fait clair comment s'effectuera la transition, mais ce n'est pas majeur.
-Il y a un manque à gagner à l'an 2 de 875 M$ que les libéraux tardent à identifier depuis deux ans. On comprend du programme que ce 875 M$ sera plutôt lissé dans le temps grâce à une croissance des dépenses que l'on ramènera de 3% à 2,4%. On ne partage pas l'approche, il aurait mieux valu combler immédiatement. Et il pourrait ici y avoir effectivement quelques difficultés et motif à faire tomber le gouvernement (il faut respecter les cibles budgétaires, c'est une question de crédibilité, et qui perd en crédibilité est justifié de perdre la confiance de la chambre). Les péquistes ont cependant aussi le bénéfice d'attendre encore un an et de promettre l'identification de nouvelles mesures pour plus tard, si ça chauffe trop.
Sur quoi le gouvernement pourrait-il tomber?
Sur quoi le gouvernement pourrait-il tomber?
La probabilité que le gouvernement tombe en raison d'un faux pas financier apparaît donc assez faible.
Le nouveau conseil des ministres pourrait n'être menacé que par un profond désaccord philosophique ou idéologique.
Sur la hausse des frais de scolarité? C'est 150 M$ par année, ce qui n'est pas majeur et les partis politiques ont bien appris qu'il est difficile de prendre le pouvoir en faisant de ce dossier un enjeu.
Sur le gel des tarifs patrimoniaux d'électricité? C'est une mesure significative de près de 1 G$ qui permettait de renflouer de la dette et faire un pas vers l'équilibre en tenant compte des immobilisations. Mais la probabilité de gagner une élection sur une hausse de tarifs est assez faible.
Sur la hausse des redevances minières? C'est probablement une mauvaise chose, mais l'opinion publique y semble favorable.
Sur la culture? Tous les programmes des partis ont des mesures culturelles.
Sur la hausse d'impôt des riches et l'imposition du gain en capital?
Curieusement, cette question n'a pas soulevé l'adhésion populaire à laquelle on se serait attendu. Comme si, idéologiquement, une bonne partie de la population considérait qu'on a atteint une juste limite sur ce qui est demandé aux plus nantis et devenait mal à l'aise avec la mesure. Les 140 000 salariés touchant plus de 130 000$ représentent moins que 2,5% de la population, mais fournissent déjà le tiers de l'impôt des particuliers.
La désapprobation a pendant ce temps été assez bien sentie du côté de la hausse de 50 à 75% de la portion imposable du gain en capital, une mesure qui ne touche pas uniquement les plus riches.
La CAQ veut aussi hausser l'imposition du gain en capital, mais elle pourrait tout de même se mettre en campagne en disant que son programme n'alourdissait pas le fardeau des plus riches (une mesure de 610 M$) et déchargeait celui de la famille moyenne. Idem pour les libéraux.
C'est donc ici que pourrait peut-être s'amener la bataille la plus sérieuse. Mis à part ce motif, on ne voit pas trop quel autre appui pourrait justifier un retour aux urnes. Et comme on hésitera probablement à jouer la carte des riches, ce nouveau conseil des ministres pourrait bien survivre au-delà du premier budget.