RÉTROSPECTIVE 2015–L'heure de la remise des prix de fin d'année a sonné. Alors que 2015 tire à sa fin, on a cette année choisi de troquer nos souhaits du Nouvel An pour une remise de prix orange et citron. Trois dans chacune des catégories.
Orange: et les gagnants sont…
La Caisse de dépôt et de placement
L'institution surprend depuis quelques années par la constance et la force de ses rendements. À la mi-année, c'était encore le cas. Elle étonne au surplus, et surtout, par sa créativité et sa volonté d'être pour le milieu plus qu'un simple gestionnaire de placement.
Son récent investissement dans Bombardier Transport est un exemple fort intéressant de créativité. Les rendements anticipés sont attrayants et elle a réussi à se négocier des protections partielles à la baisse. Tout en soutenant un fleuron québécois.
Le projet de SLR pour le pont Champlain et de train de l'Ouest, annoncé en début d'année, en est un autre digne de mention. Il en coûtera peut-être un peu plus cher à l'usager qu'un projet traditionnel (il faudra payer le rendement annuel que se prend la Caisse), mais il pourrait permettre au Québec d'obtenir des infrastructures de transport qu'il ne serait autrement pas en mesure de se payer avant de nombreuses années.
La création de l'espace CDPQ, à Place Ville-Marie, qui vise à regrouper différents entrepreneurs, et à donner naissance à une forme d'émulsion, est un troisième exemple d'initiatives inusitées de la Caisse.
Le Canadien Pacifique et Hunter Harrison
Lorsque Hunter Harrison a annoncé qu'il sortait de sa retraite pour aller s'installer aux commandes du Canadien Pacifique(Tor., CP), à l'été 2012, nous étions sceptiques. D'abord pour une question de «loyauté» envers le Canadien National(Tor., CNR), qu'il avait dirigé pendant six ans. Ensuite quant à sa capacité à réellement redresser le transporteur. Depuis son arrivée, le titre a doublé, et le ratio d'exploitation de l'entreprise (dépenses sur les revenus) a chuté de 75% à 60%.
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Voilà maintenant que monsieur Harrison tente de mettre la main sur Norfolk Southern(NY, NSC) aux États-Unis. C'est toute une entreprise, qui permettrait au CP de devenir plus gros que le CN, et de se hisser dans le trio de tête en Amérique du nord (troisième en revenus et deuxième en valeur d'entreprise). Il y a un important risque que la transaction échoue en raison des autorités réglementaires, mais ça ne change rien aux solides progrès de la société et au dynamisme de son patron.
P.K. Subban et la Fondation de l'Hôpital de Montréal pour enfants
La vedette du CH a fait un don de 10M$ sur sept ans à la Fondation de l'Hôpital de Montréal pour enfants. Certains diront qu'il y a une récupération fiscale, mais il n'en reste pas moins qu'au final, le hockeyeur donnera beaucoup d'argent quand même. Il y a eu quelques dons d'envergure dernièrement dans le monde corporatif. Mark Zuckerberg, le président de Facebook(Nasdaq, FB), annonçait aussi il y a quelques semaines qu'il allait faire don d'à peu près toute sa fortune à des initiatives sociales. L'effort n'est pas de la même nature. M. Zuckerberg est dans une classe à part, sa fortune étant colossale. Il donnera 1G$US par année et sa fortune actuelle est évaluée à 45G$US. Avec les déductions fiscales, il lui restera encore pas mal d'argent.
P.K. Subban envoie pendant ce temps un signal important à la communauté d'affaires du Québec. Il sera intéressant de voir si son geste aura une influence sur le niveau de donation des dirigeants de Québec inc. On ne dit surtout pas que les dons actuels ne sont pas importants. Seulement que celui de P.K. envoie un intéressant signal de réflexion sur l'attachement et le retour à la communauté qui nous nourrit.
Citron: et les perdants sont…
Citron: et les perdants sont...
Valeant
La pharmaceutique Valeant(Tor., VRX), fausse Québécoise, spécialisée en dermatologie, neurologie et cardiologie. Trouvez une situation morale grise où il est possible d'étirer un élastique et la probabilité est forte que vous y trouviez aussi Valeant. Pionnière dans l'art d'éviter de verser un juste tribut au trésor public, l'entreprise, dont le siège social est officiellement à Laval (mais en réalité aux États-Unis), trouve toujours trop cher de faire traduire ses communications financières en français. Cette année, elle s'est retrouvée au cœur d'une polémique pour avoir haussé de 212% et 525% le prix de deux de ses médicaments. L'incident a permis de constater qu'elle avait fait de la hausse du prix de ses médicaments une stratégie. Comme un malheur n'arrive jamais seul, elle s'est ensuite retrouvée dans une seconde polémique pour ses relations avec des pharmacies spécialisées plus ou moins fantômes. Résultat, le titre a perdu plus de 50%.
Bombardier
On a un peu hésité à lui accorder un prix citron, parce que, malgré les apparences et les manchettes, il y a aussi des progrès très importants chez Bombardier(Tor., BBD.B). Quand même. En début d'année, l'entreprise montréalaise a levé 1,1G$CA chez le grand public et les investisseurs institutionnels. Elle a en parallèle indiqué qu'avec ce financement, et l'essaimage d'une participation de Bombardier Transport, elle aurait suffisamment de liquidités pour mener à terme ses projets CSeries et Global 7000-8000. À peine six mois plus tard, il lui fallait aller frapper à la porte des gouvernements pour demander secours. La demande pour les Global 5000 et 6000 a apparemment subitement chuté et la cadence de production a dû être ramenée de 80 à 50 par année. Difficile de comprendre comment un marché a pu tomber aussi rapidement sans que personne ne voit venir le coup.
L'ex-ministre Yves Bolduc
Il n'est pas dans mes habitudes de personnaliser les reproches, mais l'affaire Yves Bolduc aura eu des conséquences telles qu'il est difficile de l'ignorer. Du temps qu'il était député dans l'opposition, monsieur Bolduc a réclamé des primes pour la prise en charge de nouveaux patients. Ces primes avaient pour but d'inciter des médecins à prendre des patients supplémentaires, et non de se constituer une nouvelle clientèle dans son entièreté. Il y a une différence entre une prime destinée à amener les médecins à prendre 100-150 nouveaux patients et le fait de réclamer la prime pour plus de 1000. Monsieur Bolduc devait connaître l'objectif du programme puisqu'il était ministre de la santé lorsqu'il a été mis sur pied.
À la suite d'une série de revers politiques, le ministre allait quelques mois plus tard remettre sa démission, mais en réclamant une nouvelle prime, l'allocation de transition prévue par la loi pour les députés qui quittent l'Assemblée nationale. Cette démission aurait dû survenir dès la première controverse, et être accompagnée d'une renonciation à la prime de départ.
L'affaire a été le germe d'un long débat sur la pertinence de cette indemnité (débat alimenté par d'autres départs), qui a finalement conduit les députés à l'abolir. C'est une erreur. Désormais, un député dont les valeurs viennent en collision avec une politique imprévue de son parti est piégé. S'il souhaite démissionner sans faire de vagues pour protester contre la négation d'une valeur qu'il juge fondamentale, le système le pénalise. Décider de siéger comme indépendant fait nécessairement plus de vagues que de quitter pour des motifs personnels. L'option de siéger comme indépendant n'est en outre pas d'une haute légitimité démocratique, les électeurs ayant souvent voté pour le parti plutôt que l'individu.
Le nouveau système décourage le retrait pour cause de malaise sur les valeurs. L'excès engendre souvent l'excès.
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