Osisko et Goldcorp s'entendent pour mettre fin à leurs démêlés judiciaires. Osisko renonce à mettre en place sa pilule empoisonnée (qui aurait étiré le processus de vente) et Goldcorp s'engage à ne pas accepter les actions d'Osisko avant le 15 avril. Autrement dit, le chemin est maintenant bien balisé: Osisko a jusqu'à la mi-avril pour trouver un acheteur qui surenchérisse.
L'affaire a des dessous et des à-côtés fort intéressants.
Commençons par les à-cotés.
Les à-côtés
Jusqu'à lundi, Osisko reprochait à Goldcorp de ne pas avoir respecté une entente de confidentialité, qui lui interdisait de faire une offre d'achat avant le 30 juin.
La prétention d'Osisko est que, à la suite d'un accès privilégié aux livres, Goldcorp détenait des renseignements confidentiels et tentait de la prendre de vitesse en faisant une offre directement à ses actionnaires. En désaccord avec celle-ci, le conseil d'Osisko estimait ne pas avoir assez de temps pour solliciter des offres concurrentes.
La stratégie utilisée par Osisko pour gagner du temps nous a dès le début fait sourire.
Au jour de la demande d'injonction, il fallait voir la réaction de notre confrère anglophone lorsque la procédure d'injonction d'Osisko fut accessible aux journalistes. "Oh non! En français!", n'avait-t-il pu retenir.
SUIVRE SUR TWITTER: F_POULIOT
Il est très rare que les grands dossiers économiques se déroulent en français au palais de justice. Les procédures d'Abitibi-Consolidated étaient en anglais, beaucoup de celles de Lac-Mégantic aussi. Il y a souvent des acteurs anglophones au dossier, et les cours s'adaptent à la situation. Mais Osisko avait cette fois choisi de jouer d'astuce. Le jour même, les procureurs de Goldcorp n'eurent d'autres choix que de demander une remise, la requête en injonction n'ayant pu être traduite à temps, et certains dirigeants de l'entreprise ne comprenant pas le français.
La preuve que l'on cherchait à gagner du temps?
Lundi, le communiqué de presse annonçant le règlement est en premier lieu sorti en anglais. Le communiqué français n'était pas prêt. Les explications du règlement hors cours et son entérinement par la cour supérieure se sont aussi faits en anglais. Il faut dire que le président de Goldcorp, Chuck Jeannes, était sur place. Il y avait lieu d'être courtois, et plus d'obligation de gagner du temps.
Autre à-côté intéressant de l'affaire, qui ne lui est pas intrinsèquement liée, mais qui permet de voir à quel point certains membres de la magistrature ont un sens élevé du devoir. L'entente entre les avocats d'Osisko et Goldcorp est survenue vers 2-3h dans la nuit de dimanche à lundi. Un courriel a été envoyé au juge Louis J. Gouin pour l'informer de la situation. Quelques minutes plus tard, le juge faisait savoir qu'il prenait acte de l'entente, au grand étonnement des procureurs. Le juge Gouin avait passé la fin de semaine à se préparer pour l'audience, et, à 3h du matin, il s'était remis au boulot afin d'être fin prêt. Apparemment, il travaille régulièrement ainsi. Voilà un exemple susceptible de rehausser la confiance du public dans l'administration de la justice.
Les dessous de l'affaire
Les dessous de l'affaire
Les dessous de l'affaire sont moins clairs que ses à-côtés. Mais on commence peut-être à comprendre un peu mieux pourquoi, depuis 2008, Osisko et Goldcorp ont été si souvent en discussions sans jamais conclure.
Le chef de la direction financière d'Osisko, Bryan Coates, nous confiait lundi que sa société cherchait notamment à être associée au développement du prometteur gisement Éléonore, propriété de Goldcorp depuis 2006.
Situé à 450 km au nord de Rouyn, ce gisement est tout aussi intéressant, sinon plus encore, que celui de Malartic. À terme, les deux doivent chacun produire près de 600 000 onces d'or par année.
Comment Osisko voulait-elle être associée à ce développement?
En restant Osisko, mais en devenant opératrice d'Éléonore après avoir acheté une participation dans la mine? En devenant opératrice moyennant redevances après que Goldcorp ait pris une participation dans Osisko? Ou simplement en s'assurant que son personnel soit utilisé à cette fin après que Goldcorp l'ait acheté à un prix raisonnable?
Le fait que trois fois Goldcorp ait tenté d'acheter Osisko en s'adressant au conseil donne à penser que la troisième option était celle examinée. Mais il y a un épais brouillard. Et monsieur Coates n'a pas voulu en dire plus.
Il ne s'est pas retenu toutefois pour parler de l'objectif d'Osisko de construire un siège social minier d'importance au Québec, en recherchant notamment des actifs québécois qui pourraient créer des synergies.
Osisko est composée en grande partie d'anciens employés de Cambior, le fleuron minier québécois, qui était tombé au combat en 2006 (acheté par Iamgold).
Au-delà de l'insuffisance financière de l'offre de Goldcorp, ce volet patriotique n'est vraisemblablement pas étranger aux tensions entre les deux sociétés.
La suite des choses
Quelle sera la suite des choses? Le Québec est-il sur le point de perdre son seul siège social minier d'importance?
C'est fort probable. Il y a peu de chances que des investisseurs institutionnels se livrent à une guerre de prix pour une société du secteur minier. Il y a trop de risques. Une autre entreprise, peut-être, mais ça ne changerait pas le résultat.
Restons tout de même à l'antenne. Monsieur Coates continue de soutenir que toutes les possibilités sont sur la table, et précise que son organisation est habituée à l'adversité. "On a levé 1 G$ pour Malartic, déplacé 20% de la ville. Il reste encore pas mal de vigueur en nous", a-t-il dit.
On saura d'ici six semaines.
SUIVRE SUR TWITTER: F_POULIOT